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Le rapporteur spécial de l’ONU accuse Israël d’apartheid dans un rapport du Conseil des droits de l’homme

« Israël impose en Palestine une réalité d’apartheid dans un monde post-apartheid », affirme Michael Lynk, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés
Le drapeau palestinien brandi à un rassemblement à New York, le 18 septembre 2021, date anniversaire du massacre de Sabra et Chatila (MEE/Zainab Iqbal)
Par Zainab Iqbal à NEW YORK, États-Unis d’Amérique

Le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés a présenté au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU un rapport qui conclut que la situation en Israël et dans les territoires occupés s’apparente à un apartheid.

Dans un rapport de dix-neuf pages remis à l’organisation onusienne mardi, Michael Lynk indique que les Israéliens juifs et les Palestiniens vivent « dans un régime unique qui distribue des droits et avantages en fonction de l’identité nationale et ethnique et qui assure la suprématie d’un groupe sur, et au détriment de, l’autre ».

« Le système politique d’un pouvoir bien établi dans le territoire palestinien occupé, qui confère à un groupe racial, national et ethnique des droits, des avantages et des privilèges substantiels, tout en soumettant intentionnellement un autre groupe à vivre derrière des murs, des check-points et sous un régime militaire permanent […] répond aux critères de preuve de l’existence de l’apartheid », résume-t-il.

Lynk ajoute que si la situation en Israël et dans les territoires palestiniens occupés diffère de ce qu’a connu l’Afrique du Sud, cela s’apparente néanmoins à l’apartheid. 

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L’apartheid est un terme juridique défini par le droit international : il désigne l’oppression systématique perpétrée par un groupe ethnique sur un autre.

« Il y a des caractéristiques impitoyables du régime d’“isolement” israélien dans les territoires palestiniens occupés qui n’étaient pas pratiquées en Afrique du Sud, telles que les autoroutes réservées, les hauts murs et les nombreux check-points, une population barricadée, des frappes de missiles et d’artillerie contre une population civile et l’abandon à la communauté internationale de l’action sociale destinée aux Palestiniens.

« Sous les yeux grand ouverts de la communauté internationale, Israël impose à la Palestine une réalité d’apartheid dans un monde post-apartheid. »

Lynk devrait publier officiellement son rapport ce jeudi avant le débat sur le point 7 de l’ordre du jour, le point permanent du Conseil des droits de l’homme de l’ONU réservé aux atteintes aux droits de l’homme commises par Israël à l’encontre des Palestiniens et des autres Arabes.

Dans ce rapport, l’universitaire canadien fait valoir qu’Israël poursuit une stratégie de « fragmentation stratégique du territoire palestinien en zones différenciées de contrôle de la population, où Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont physiquement coupées les unes des autres ».

Israël se sert de Gaza, d’après Lynk, pour « entreposer indéfiniment une population non désirée de 2 millions de Palestiniens ».

La délivrance de milliers de permis de travail à des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza pour travailler en Israël équivaut à « l’exploitation de la main-d’œuvre d’un groupe racial », indique le rapport.

Des actes et des comptes à rendre

Le mois dernier, Amnesty International a qualifié Israël d’État d’apartheid. Elle a ainsi rejoint la liste des organisations de défense des droits de homme qui utilisent ce qualificatif pour désigner le traitement des Palestiniens par Israël.

« Les conclusions du rapporteur spécial sont importantes et arrivent à point nommé pour conforter le consensus international croissant selon lequel les autorités israéliennes se rendent coupables du crime d’apartheid contre la population palestinienne », estime Saleh Highazi, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty.

« Les organisations palestiniennes de défense des droits humains qualifient la situation d’apartheid depuis des années, et ce rapport marque un tournant en reconnaissant la réalité vécue par des millions de Palestiniens. »

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Malgré le nombre croissant d’organisations de défense des droits de l’homme qui qualifient les politiques israéliennes d’apartheid, les États-Unis et les autres alliés occidentaux d’Israël ne semblent pas prêts à franchir ce cap.

Beth Miller, une responsable de l’ONG Jewish Voice for Peace-Action, estime que ce rapport fait écho à ce que les organisations internationales de défense des droits de l’homme affirment depuis des années, qu’« Israël commet le crime d’apartheid ».

« Pour le [président américain Joe] Biden et le Congrès, la tâche est claire : mettre fin à tout financement militaire américain de ce violent régime d’apartheid. »

L’ONG NYC Solidarity with Palestine a pour sa part déclaré à Middle East Eye : « Nous saluons ces organisations internationales qui disent finalement et confirment publiquement ce que le peuple palestinien exprime avec son sang depuis des années.

« Cela étant dit, l’apartheid n’est qu’un seul des mécanismes et instruments de la colonisation et de l’occupation illégale. Le droit des Palestiniens à l’autodétermination prescrit des responsabilités, parmi lesquelles mettre un terme à l’occupation par tous les moyens. Il faut mettre un terme au deux poids, deux mesures. »

Ahmad Abuznaid, directeur général de l’association US Campaign for Palestinian Rights, confie à MEE qu’« alors que de plus en plus d’institutions internationales affirment ce que les Palestiniens disent depuis des années, nous espérons voir enfin ce que la communauté internationale va faire à propos de l’apartheid israélien ».

« Maintenant, il nous faut des actes et exiger que les responsables soient appelés à rendre des comptes. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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