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Les armes israéliennes au service du Maroc pour réprimer le Sahara occidental

Le quotidien français L’Humanité a publié mercredi 20 mars une enquête détaillant comment Rabat utilise la technologie militaire israélienne contre le Front Polisario au Sahara occidental, ce qui a causé la mort de près de cent civils en trois ans
Le Maroc a acheté plusieurs drones de fabrication israélienne dont le Heron, en photo (AFP/Sam Panthaky)
Le Maroc a acheté plusieurs drones de fabrication israélienne dont le Heron, en photo (Sam Panthaky/AFP)
Par MEE

« Toute une gamme d’engins sillonnent désormais le ciel des territoires libérés [partie du Sahara occidental sous contrôle du Front Polisario], traquant les unités très mobiles de la guérilla sahraouie sans épargner les civils. »

Dans un article publié mercredi 20 mars, le quotidien français L’Humanité recense les armes israéliennes auxquelles le Maroc a recours au Sahara occidental, considéré comme « territoire non autonome » par les Nations unies.

La question de cette ex-colonie espagnole oppose depuis des décennies le Maroc, qui contrôle 80 % du territoire et propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté, aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger, qui réclament un référendum d’autodétermination tel que préconisé par l’ONU.

En 2020, Rabat a lancé une opération militaire contre le territoire voisin pour « mettre fin aux graves provocations » du Front Polisario.

Depuis près de quatre ans, les Sahraouis font régulièrement part d’accrochages et annoncent souvent avoir infligé des pertes humaines côté marocain, jamais confirmées par les autorités marocaines. Des incidents sont régulièrement rapportés par les Sahraouis, qui affirment que leurs terres « sont confisquées » et leurs biens « incendiés ».

Selon L’Humanité, de la base militaire de l’aéroport de Smara, ville de plus de 66 000 habitants sous contrôle marocain, touchée en octobre par les tirs du Polisario, ainsi que de l’aérodrome de Mahbès, agrandi et aménagé pour ces nouveaux usages, « décollent des Hermes 900 [drones de reconnaissance stratégique] et des Hermes 450 [de type tactique, pouvant être équipés de missiles air-sol], deux modèles développés par le constructeur aéronautique israélien Elbit Systems ».

« Vider les territoires libérés des nomades qui y vivaient »

En juillet 2023, le journal américain The Intercept avait rapporté des informations similaires via Federico Borsari, chercheur spécialisé dans les technologies sans pilote au Centre d’analyse de politique européenne.

Selon l’expert, le Maroc était en possession de 150 drones à décollage et atterrissage vertical [dont WanderB, ThunderB et le drone kamikaze SpyX produits par l’Israélien BlueBird Aero Systems], trois Heron TPs et des munitions Harop produites par Israël Aerospace Industries, ainsi que quatre Hermes 900 produits par Elbit Systems.

Il avait également précisé que le Maroc disposait de drones turcs Bayraktar TB2 et de drones chinois Wing Loong, tous deux utilisés à des fins de combat.

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L’Armée de l’air marocaine avait aussi annoncé à Reuters en 2020 qu’elle allait acquérir des drones américains Predator-B (Q-9B SeaGuardian).

« Le quadrillage des zones sous contrôle du Front Polisario par ces aéronefs tueurs a eu pour effet de vider les territoires libérés des nomades qui y vivaient : les drones prennent pour cibles les humains comme les bêtes et, depuis 2021, 170 civils ont été touchés par leurs tirs dont 86 mortellement. Deux enfants ont été tués dans ces circonstances », rapporte L’Humanité.

Depuis la normalisation des relations entre Israël et le Maroc en 2020, obtenue par Donald Trump en échange d’une reconnaissance américaine de la « marocanité » du Sahara occidental, les deux pays ont conclu des accords de coopération, notamment en matière de défense.

Le ministre israélien de la Défense de l’époque, Benny Gantz, a été reçu à Rabat en grande pompe en novembre 2021 pour la signature d’un accord de coopération sécuritaire « sans précédent » – le premier du genre avec un pays arabe, selon la partie israélienne –, visant notamment à faciliter l’acquisition par le Maroc de technologies de la puissante industrie militaire d’Israël. 

Avec ce protocole d’accord, les ministères de la Défense et les armées des deux États peuvent aussi plus facilement s’entretenir les uns avec les autres et partager des renseignements alors que ce type de communication n’était auparavant possible que par le biais de leurs services de renseignement respectifs.

En 2023, Shai Cohen, chef du bureau de liaison israélien à Rabat, a annoncé l’ouverture, par Elbit Systems, de deux usines de drones au Maroc. Le diplomate israélien a indiqué que l’un des deux sites industriels devrait être installé à Casablanca, sans apporter plus de précisions.

« Une politique de nettoyage ethnique s’installe progressivement », accuse Abdeslam Omar Lahsen, président de l’Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis, dans le quotidien français, en évaluant à près de 30 000 le nombre de personnes affectées par des déplacements forcés depuis trois ans.

« À peine quelques centaines de nomades résistent encore. Les autres ont dû abandonner leurs troupeaux pour rejoindre les camps de réfugiés ou se replier en Mauritanie. »

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