Liban : Saad Hariri nommé Premier ministre
Saad Hariri a de nouveau été désigné ce jeudi 22 octobre Premier ministre du Liban pour former un gouvernement, a rapporté la présidence après les consultations parlementaires contraignantes menées par le chef de l’État Michel Aoun.
Saad Hariri a été choisi par une majorité de 65 députés, selon un communiqué lu en conférence de presse par un haut responsable de la présidence.
Il avait démissionné il y a quasiment un an jour pour jour sous la pression d’un soulèvement populaire inédit et va devoir s’atteler à la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale dans un Liban en plein effondrement économique.
Le Premier ministre désigné a promis de former un « gouvernement d’experts » en vue de mener des « réformes », en accord avec « l’initiative française » défendue par Paris pour sortir le pays de son effondrement économique.
Ces « experts », qui ne seraient pas issus de partis politiques et qui auraient pour mission de mener « des réformes économiques financières et administratives », devraient être opérationnels « rapidement », selon Saad Hariri, « car le temps presse et le pays est confronté à son unique et dernière chance ».
Le candidat du Hezbollah
« Sans surprise, les députés du Courant patriotique libre [CPL], le parti fondé par le chef de l’État, Michel Aoun, et dirigé par Gebran Bassil, ainsi que ceux des Forces libanaises de Samir Geagea, les deux principales formations politiques de la scène chrétienne, n’ont, eux, pas soutenu Saad Hariri, chaque bloc pour des considérations différentes », explique le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.
Le bloc parlementaire du Hezbollah a « décidé de ne nommer personne dans un double objectif de ne pas entrer en confrontation avec son allié chrétien du CPL, avec lequel les relations se sont refroidies, tout en laissant la voie libre à Saad Hariri, le candidat numéro un du parti chiite pour diriger un gouvernement en cette période.
Saad Hariri a déjà dirigé trois gouvernements, depuis son accession au pouvoir pour la première fois en 2009
Ainsi, le chef du bloc, Mohammad Raad, a insisté sur l’importance de « préserver le climat positif afin d’élargir l’entente nationale’’ », selon le même journal.
Âgé de 50 ans, Saad Hariri, héritier d’une fortune colossale, a passé une partie de sa vie à l’étranger, notamment en Arabie saoudite où son père avait fait fortune.
Selon Forbes, sa fortune est estimée à 1,5 milliard de dollars. Un sujet sur lequel il reste évasif. « Il est sûr qu’avant, j’avais plus que maintenant », a-t-il indiqué lors de son récent entretien télévisé. « J’avais des milliards, et maintenant je n’en ai même plus un seul ».
Il a annoncé fin 2019 la suspension de la chaîne Future TV, plus d’un quart de siècle après sa création par sa famille.
Détenteur de la nationalité saoudienne, il est licencié en économie de l’université américaine de Georgetown. Il a trois enfants avec son épouse syrienne Lara Bachir Azm.
Son entrée sur la scène politique s’est faite malgré lui : son clan lui avait demandé de reprendre le flambeau de son père, Premier ministre assassiné le 14 février 2005 dans un attentat qui plongea le Liban dans la tourmente.
À ses débuts, ses détracteurs raillaient son arabe hésitant. Devenu avec le temps un acteur incontournable de l’échiquier politique, ce mordu de « selfies » a pris de l’assurance, adoptant souvent avec les journalistes un ton badin.
Dans un système confessionnel où le Premier ministre doit être sunnite, il est contraint depuis des années de composer avec le puissant Hezbollah. Il n’a jamais réussi à limiter l’influence du mouvement chiite, seule faction libanaise à avoir gardé les armes après la guerre civile (1975-1990).
Homme de compromis
Dans un Liban abonné aux crises politiques à répétition, Saad Hariri a déjà dirigé trois gouvernements. Depuis son accession au pouvoir pour la première fois en 2009, il s’est peu à peu forgé une réputation d’homme de compromis.
Mais à la tête du géant de la construction Saudi Oger – aujourd’hui criblé de dettes –, il est aussi accusé d’avoir licencié ou cessé de payer des milliers d’employés : la baisse des cours du pétrole, principale recette de l’Arabie saoudite, a drastiquement réduit les grands projets de construction dans le royaume.
En novembre 2017, il s’était retrouvé au cœur d’un feuilleton rocambolesque avec une démission choc de son poste de chef du gouvernement annoncée depuis l’Arabie saoudite, son allié traditionnel.
Il avait dénoncé la « mainmise » du Hezbollah et de l’Iran sur le Liban. Mais la classe politique à Beyrouth avait accusé Riyad de le retenir en otage et il avait dû compter sur une intervention de la France pour sortir de ce guêpier.
En démissionnant, il avait affirmé : « Je sens que ma vie est visée », comparant la situation au Liban à celle qui prévalait avant l’attentat contre son père. Cet assassinat avait poussé des milliers de Libanais à manifester pour réclamer un retrait de l’armée syrienne, présente au Liban depuis 29 ans.
Après le départ des troupes syriennes, le courant hostile au régime de Bachar al-Assad, emmené par Saad Hariri, avait raflé les législatives de 2005 et de 2009.
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