Haftar poursuivi aux États-Unis pour « crimes de guerre »
Le Libyen Ali Hamza, 57 ans, qui réside à Mississauga (Ontario, au Canada) depuis plus de vingt ans, a attaqué devant les tribunaux américains le maréchal autoproclamé Khalifa Haftar pour les « crimes de guerre » ayant coûté la vie à plusieurs membres de sa famille lors du siège de Benghazi.
Ali Hamza a expliqué à des médias canadiens « qu’il avait décidé de se tourner vers les tribunaux américains pour tenter d’obtenir justice faute d’avoir été entendu par la Cour pénale internationale ou par le gouvernement canadien ».
« Ce qu’on veut plus que tout, c’est que le processus de deuil puisse enfin être mené à terme », a déclaré Ali Hamza au quotidien canadien La Presse.
« Ce qu’on veut plus que tout, c’est que le processus de deuil puisse enfin être mené à terme »
- Ali Hamza, plaignant contre Khalifa Haftar
Le journal rappelle que « Khalifa Haftar, qui s’était rapproché des services de renseignement américains après être tombé en disgrâce auprès du dictateur Mouammar Kadhafi, s’est réfugié aux États-Unis après un coup d’État avorté à la fin des années 1980. Il s’est établi en Virginie, où se trouve le siège de la CIA, et a obtenu la citoyenneté américaine ».
L’avocat au dossier, Mark Zaid, a expliqué à La Presse que les liens de Haftar avec les États-Unis, où le maréchal possède plusieurs propriétés, « rendaient possible une poursuite contre lui pour crimes de guerre, y compris par un ressortissant non américain comme M. Hamza ».
« Le but premier est d’obtenir justice et imputabilité pour la conduite criminelle de Haftar et de sa milice », a précisé l’avocat, qui représente dans la même action une famille libyenne ayant perdu trois jeunes enfants dans le conflit.
Des cadavres abandonnés dans une décharge
Selon le témoignage de Ali Hamza, « sa mère, ses deux frères et ses trois sœurs se sont retrouvés en 2015 et 2016 à Benghazi dans des quartiers assiégés par les troupes du chef rebelle ».
Les habitations civiles étaient méthodiquement bombardées et l’ANL de Haftar empêchait toute aide humanitaire d’entrer à Benghazi, selon le ressortissant libyen.
« Sa famille a réussi à fuir en 2016 vers un autre quartier, Ganfouda, après avoir tout laissé derrière. Les mêmes techniques de siège y ont été appliquées et la situation s’est rapidement détériorée », relate La Presse.
En contact constant depuis le Canada avec ses proches en Libye, Ali Hamza, « était informé en temps réel des exactions des troupes de l’ANL, qui ont notamment abandonné quatorze cadavres dans une décharge à l’été 2016 », selon ses dires.
Ali Hamza a même écrit directement à Khalifa Haftar, l’exhortant de laisser les civils quitter ces zones de combats. En vain.
« [Hamza] a ensuite tenté d’organiser une expédition humanitaire en bateau pour apporter directement des vivres à la fin de 2016 alors que sa famille était réduite à manger ‘’de l’herbe’’, mais l’ANL a fait savoir que l’embarcation serait bombardée sans pitié », poursuit le quotidien canadien.
« En février 2017, l’immeuble où vivait sa famille a été visé à deux reprises par des tirs de tanks. Un de ses frères a été tué et une de ses sœurs a perdu une jambe. Elle est morte des suites de sa blessure qui n’a pu être traitée correctement ».
Refus de la Cour pénale internationale
En mars 2017, les survivants de sa famille tentent de fuir à bord de trois voitures mais les membres de l’ANL ouvrent le feu sur le convoi familial « avec des armes automatiques et de l’artillerie lourde », tuant sa mère, un frère et une sœur en même temps que d’autres civils, selon le témoignage de Ali Hamza.
« Une autre sœur a survécu après avoir été blessée et aurait été ‘’retenue en otage’’ pendant des semaines dans une prison contrôlée par les troupes de Haftar, où elle aurait été torturée. »
Ali Hamza regrette que ces tentatives pour convaincre le gouvernement canadien de poursuivre le maréchal Haftar aient été vaines. La Cour pénale internationale a également refusé toute procédure contre l’homme fort de l’Est libyen. Le plaignant « soupçonne les pays soutenant sa tentative de prise de contrôle [en Libye] de tout faire pour bloquer le processus judiciaire ».
Son avocat « note que l’Égypte, la Russie, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont été identifiés comme des partisans du chef rebelle. Ses liens avec les États-Unis pourraient aussi attirer l’attention devant les tribunaux ».
« Ces considérations politiques sont cependant secondaires sur le plan juridique », explique La Presse, « puisque la cause reposera d’abord, selon l’avocat, sur les exactions perpétrées par l’ANL, qui ont été largement documentées par des organisations comme Amnesty international et Human Rights Watch ».
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