L’île de Farwa, un décor de carte postale cerné par les menaces
Refuge pour les flamants roses et les tortues, l’île libyenne de Farwa, connue pour sa faune exceptionnelle, est menacée par la pollution, la pêche illégale et intensive, au grand dam d’une poignée de militants écologistes qui tentent de la sauver.
Dans l’extrême ouest de la Libye, à une quinzaine de kilomètres de la frontière tunisienne, un décor de carte postale accueille le visiteur : péninsule à marée basse, île à marée haute, eaux immaculées, sable fin, Farwa est un bout de terre de 470 hectares où prospèrent palmiers-dattiers sauvages battus par la brise marine et différentes espèces, comme les tortues et les flamants roses.
Sauvage et inhabitée, elle fut des décennies durant une destination privilégiée des excursions scolaires : au printemps, l’île constitue l’un des rares relais libyens pour les oiseaux migrateurs qui s’apprêtent à retraverser la Méditerranée.
« Farwa est l’une des zones les plus importantes de Libye pour de nombreux oiseaux migrateurs », affirme Tarek Jdeidi de l’Université de Tripoli.
Et, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’île est potentiellement le « site côtier et marin le plus important de l’ouest de la Libye, en termes de biodiversité ».
L’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi voulait y construire une station balnéaire avec hôtels de luxe, villas « flottantes » et terrain de golf. C’était en 2005, quand le pays d’Afrique du Nord, longtemps mis au ban de la communauté internationale, amorçait une timide ouverture après être redevenu fréquentable.
Un complexe pétrochimique à proximité
Finalement préservée de l’urbanisme — l’unique construction qu’on y trouve est un vieux phare délabré érigé par les Italiens dans les années 1920—, elle voit déferler chaque week-end des dizaines de visiteurs libyens qui « laissent derrière eux leurs ordures », soupire Faouzi Dhane, de l’association écologiste Bado.
De plus, le complexe pétrochimique d’Abou Kammache, situé à quelques encablures de l’île, a pendant des années « déversé des métaux lourds comme le plomb ». Et s’il a baissé le rideau il y a quelques années, l’impact de cette pollution « est toujours palpable », regrette Faouzi Dhane.
Mais c’est surtout la pêche intensive et non réglementée qui inquiète les défenseurs de l’île : les pêcheurs, qui viennent de la ville berbérophone de Zouara, à 40 kilomètres de là, « ne respectent rien. Ils pêchent à tout moment, de façon non réglementée, et pratiquent la pêche à l’explosif », pourtant interdite, souligne le militant écologiste.
Dans ce pays en proie au chaos depuis la chute du régime de Kadhafi en 2011, divisions et luttes de pouvoir ont empêché tout contrôle, malgré l’existence d’un cadre juridique censé réglementer les activités de pêche.
Symbole de l’île, la tortue Caouanne (Caretta caretta), une espèce menacée, figure parmi les premières victimes. « Les tortues sont parfois prises dans des filets de pêche, quand elles ne sont pas tuées par les pêcheurs qui redoutent leurs morsures », s’inquiète FaouziDhane.
L’association Bado s’efforce également de sauver autant de couvées que possible, notamment en protégeant les nids des prédateurs et des pilleurs qui revendent les œufs à prix fort.
Chaouki Mouammar, chercheur en archéologie, est un habitué du site. S’il s’intéresse au passé lointain de l’île — des outils de l’époque romaine, des tombes et même un four y ont été découverts —, il s’inquiète tout autant pour son avenir. D’abord, la pollution et les conséquences des déversements de l’ancienne usine pétrochimique, « une vraie catastrophe environnementale », et la « montée du niveau de la mer ».
Car Farwa, mince bande de sable entre l’eau brune du marais où prolifèrent algues et coraux et l’eau cristalline côté mer, « risque de se retrouver engloutie si des mesures ne sont pas prises pour tenter de contenir la mer », alerte Chaouki Mouammar.
La fin des combats à l’été 2020 et l’installation en début d’année d’un nouveau gouvernement chargé de mener la transition d’ici des élections législatives et présidentielle en décembre n’a rien changé pour l’île.
En attendant un retour à l’application des lois, les associations écologistes refusent de rester les bras croisés.
« Nous essayons de sensibiliser les pêcheurs, en partenariat avec des ONG internationales comme le WWF (Fonds mondial pour la nature) », annonce Faouzi Dhane, dont l’association « organise également des conférences et des campagnes de sensibilisation dans les écoles ».
Par Hamza Mekouar
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