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Abdellatif Nasser, le dernier prisonnier marocain de Guantánamo, n’avait « jamais été inculpé »

Les défenseurs de l’ex-prisonnier se réjouissent de la fin de « deux décennies de détention militaire injuste et abusive »
Abdellatif Nasser avait été arrêtée en 2001 par les forces de sécurité pakistanaises, qui l’avaient remis à l’armée américaine (Comité international de la Croix-Rouge)
Abdellatif Nasser avait été arrêtée en 2001 par les forces de sécurité pakistanaises, qui l’avaient remis à l’armée américaine (Comité international de la Croix-Rouge)

Le site marocain Hespress le décrit comme « un des fruits de la coopération antiterroriste maroco-américaine » : le dernier prisonnier marocain de Guantánamo, Abdellatif Nasser, né en 1965 à Casablanca, a été extradé lundi par les États-Unis vers son pays natal.

Il s’agit du premier transfert réalisé sous Joe Biden, Washington réaffirmant au passage son objectif de fermer la prison controversée.

Dans un communiqué, le département d’État a salué les efforts du Maroc pour accueillir Abdellatif Nasser, et en a profité pour appeler d’autres pays à rapatrier leurs ressortissants ayant rejoint les groupes islamistes armés en Syrie, où ils sont emprisonnés dans des camps des Forces démocratiques syriennes (FDS) alliées des États-Unis.

Traduction : « Les États-Unis ont transféré avec succès l’ancien détenu du [camp de Guantánamo] Abdellatif Nasser dans son pays natal, le Maroc. Nous sommes reconnaissants au Royaume du Maroc pour sa volonté de soutenir les efforts en cours des États-Unis pour fermer le centre de détention de Guantánamo Bay. »

Selon le New York Times, la sortie d’Abdellatif Nasser, accusé d’avoir fourni des armes à al-Qaïda mais jamais inculpé, avait été recommandée à partir de 2016 par l’administration Obama « sous réserve de garanties de sécurité et de traitement humain » selon le Pentagone, mais avait été bloquée pendant le mandat de Donald Trump

Abdellatif Nasser avait été arrêtée en 2001 par les forces de sécurité pakistanaises, qui l’avaient remis à l’armée américaine, précise le quotidien.

Ouverture d’une enquête au Maroc

À Rabat, la justice a annoncé lundi l’ouverture « d’une enquête avec l’intéressé pour son implication présumée dans la perpétration d’actes terroristes ». « Les effets juridiques seront déterminés par le parquet à la lumière des résultats de l’enquête », a précisé le parquet dans un communiqué.

Une porte-parole de l’organisation de défense des droits individuels American Civil Liberties Union (ACLU) s’est félicitée du départ du détenu marocain, qualifiant cette décision de « nouvelle encourageante ».

« C’est une honte que M. Nasser ait continué à languir à Guantánamo cinq ans après avoir été jugé transférable », a indiqué Hina Shamsi de l’ACLU. « Mettre fin à deux décennies de détention militaire injuste et abusive de musulmans à Guantánamo est une obligation humanitaire et une nécessité en termes de sécurité nationale. »

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Les membres de la famille du détenu à Casablanca se sont, eux, « engagés à le soutenir en lui trouvant du travail », a déclaré son avocat, Thomas Anthony Durkin de Chicago, cité par le New York Times

Dans un communiqué, rappelle le site Yabiladi, il a qualifié les quatre dernières années de la détention de son client de « dommages collatéraux de la politique brute de l’administration Trump ». « Nous applaudissons l’administration Biden pour n’avoir causé aucun autre préjudice », a-t-il déclaré.

Son transfert ramène à 39 le nombre de détenus de la tristement célèbre prison militaire érigée en 2002 sur la base militaire américaine de Guantánamo, à Cuba, pour abriter les prisonniers de guerre présumés complices d’al-Qaïda. 

Dix autres prisonniers, qui ne sont plus considérés comme une menace pour la sécurité nationale des États-Unis, ont déjà reçu leur bon de sortie et 17 autres pourraient les rejoindre. Leur départ de Guantánamo dépend de la volonté de leur pays d’origine ou d’un pays tiers à les accueillir.

Elle a compté jusqu’à 780 « prisonniers de guerre », la plupart incarcérés malgré des preuves fragiles sur leur implication. Beaucoup ont été torturés dans des sites secrets de la CIA avant leur transfert à Guantánamo.

Dix détenus de Guantanamo, dont Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau présumé des attentats du 11 septembre, attendent d’être jugés par une commission militaire, qui n’a émis que deux condamnations en deux décennies.

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