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Crise en Espagne après l’arrivée de 8 000 migrants du Maroc à Ceuta

Madrid a convoqué ce mardi l’ambassadrice marocaine pour lui exprimer son « mécontentement » face à l’arrivée de quelque 8 000 migrants à Ceuta en provenance du Maroc, sur fond de crise diplomatique majeure entre les deux pays
Des migrants marocains tentent de traverser la frontière entre le Maroc et l’enclave nord-africaine espagnole de Ceuta, le 18 mai 2021 (AFP)
Des migrants marocains tentent de traverser la frontière entre le Maroc et l’enclave nord-africaine espagnole de Ceuta, le 18 mai 2021 (AFP)

L’arrivée de près de 8 000 migrants, en provenance du Maroc, dans l’enclave espagnole de Ceuta, lundi 17 mai, a provoqué une véritable onde de choc chez les autorités à Madrid.

En raison de la crise provoquée par cet afflux record, le Premier ministre Pedro Sánchez a décidé d’annuler mardi un voyage prévu à Paris, où il devait participer à un sommet sur le financement des économies africaines.

Il s’est rendu à Ceuta, où il a été accueilli par les huées de quelques dizaines de résidents, selon des images mises en ligne par le journal local.

Il devait ensuite se rendre à Melilla, l’autre enclave espagnole située sur la côte méditerranéenne du Maroc. 

Traduction : « Je viens de parler avec le président de Ceuta pour le soutenir dans la grave crise migratoire que traverse notre ville autonome. Le gouvernement espagnol doit garantir immédiatement l’intégrité de nos frontières et coordonner avec le Maroc le retour des migrants dans leur pays. »

Parmi les migrants arrivés à Ceuta, 4 000 ont déjà été expulsés, a indiqué le gouvernement espagnol mardi, qui a par ailleurs annoncé l’envoi de nouveaux renforts des forces de l’ordre sur place.

Toute la nuit, des candidats à l’émigration, hommes et femmes de tout âge, certains très jeunes, sont passés par la plage pour rallier Ceuta en longeant la mer, sous les yeux des forces auxiliaires marocaines qui les regardaient sans intervenir. Lundi, un homme s’est noyé alors qu’il tentait de rallier l’enclave par la mer, selon la préfecture de Ceuta.

Beaucoup se sont décidés à tenter leur chance après avoir vu des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrant des jeunes débarquer sur les plages de rochers à Ceuta.

Par ailleurs, 85 migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont franchi la haute barrière protégeant l’autre enclave espagnole de Melilla, sur un total de 300 ayant essayé, selon la préfecture de Melilla.

EN IMAGES : Ceuta, l’impossible frontière
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Le dispositif de surveillance a été renforcé aux premières heures autour du poste frontière de Fnideq, dans le nord du Maroc.

Les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des armes non létales pour disperser la foule. Certains ont tenté de se frayer un chemin vers l’enclave, d’autres ont rebroussé chemin.

« Ma priorité pour le moment est de ramener la normalité à Ceuta. Ses citoyens doivent savoir qu’ils bénéficient du soutien total du gouvernement espagnol », qui fera preuve « de la plus grande fermeté pour assurer leur sécurité et défendre leur intégrité en tant que partie intégrante du pays », a souligné Pedro Sánchez sur Twitter

Le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska Gómez a défendu les 4 000 renvois, affirmant qu’ils étaient « conformes à la loi et aux traités internationaux et aux accords avec le Maroc ».

De son côté, la ministre espagnole des Affaires étrangères a justifié l’accueil en Espagne du chef des indépendantistes sahraouis du Polisario, Brahim Ghali, et exclu que le désaccord avec Rabat sur ce sujet puisse être à l’origine de l’arrivée lundi de milliers de migrants marocains dans l’enclave espagnole.

« Il s’agissait, et il s’agit tout simplement, d’une question humanitaire, d’une réponse humanitaire à une demande d’aide humanitaire d’une personne qui se trouvait dans une situation de santé très, très fragile », a déclaré Arancha González Laya dans une interview tard lundi soir à la radio Cadena Ser.

« Je ne conçois pas que l’on puisse mettre en danger la vie de mineurs dans la mer comme nous l’avons vu ces dernières heures à Ceuta », que cela puisse être « une réponse à une action humanitaire », a-t-elle ajouté. 

Selon la ministre, des responsables marocains, qu’elle n’a pas nommés, ont « assuré » lundi les autorités espagnoles que cet afflux de migrants dans l’enclave espagnole « [n’était] pas le fruit du désaccord » avec Rabat à propos de la présence en Espagne du leader du Front Polisario, Brahim Ghali.

Les relations entre Rabat et Madrid se sont tendues depuis l’arrivée en Espagne, le 18 avril, du chef des indépendantistes sahraouis pour y être soigné du COVID-19, le Maroc allant jusqu’à convoquer l’ambassadeur espagnol pour lui signifier son « exaspération ».

Rabat est un allié clef de Madrid pour la lutte contre l’immigration clandestine. Mais entre le début de l’année et le 15 mai, 475 migrants sont arrivés à Ceuta, soit plus du double par rapport à la même période l’an passé, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

En fin de journée, le Maroc a décidé de rappeler son ambassadrice en Espagne pour consultation alors que la ministre espagnole des Affaires étrangères a annoncé avoir convoqué l’ambassadrice marocaine en Espagne pour lui exprimer le « mécontentement » des autorités espagnoles et leur « rejet » face à « l’entrée massive de migrants marocains à Ceuta ».

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