EN IMAGES : La vie de l’écrivain palestinien Ghassan Kanafani, tué par le Mossad il y a 50 ans
Ghassan Fayiz Kanafani voit le jour à Acre (Akka) en 1936 pendant l’occupation de la Palestine sous mandat britannique, fils de Fayiz, avocat, et son épouse Aisha al-Salim. Le couple a huit enfants, Ghassan est le troisième. Enfant, il étudie au célèbre Collège des Frères, une école missionnaire catholique française à Yafa (aujourd’hui Jaffa). Il ne peut toutefois pas y terminer ses études : en 1948, alors qu’il n’a que 12 ans, les sionistes conquièrent les terres palestiniennes, contraignant les Kanafani à l’exil.
La famille cherche d’abord refuge au Liban voisin, puis à Damas, la capitale syrienne. Kanafani partagera ses souvenirs d’enfance dans son court essai Ard al-Burtuqal al-Hazin (la terre des oranges tristes). (Toutes les illustrations sont de Haroon James)
À Damas, Kanafani trouve du travail dans une imprimerie pour subvenir aux besoins de sa famille – l’étincelle, peut-être, de sa future carrière d’écrivain. La nuit, il étudie pour devenir professeur d’art. Il commence en 1953 à travailler pour les écoles de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNWRA). C’est à cette époque, après sa rencontre avec le révolutionnaire palestinien George Habash, que l’adolescent aiguise sa conscience politique.
Habash est originaire de Lydd (Lod) et, comme Kanafani, a été contraint de fuir lors de l’établissement d’Israël. Son idéologie, le nationalisme arabe couplé au socialisme révolutionnaire, a un profond impact sur la pensée de Kanafani. C’est par ailleurs Habash qui persuade ce dernier de commencer à écrire pour le journal Al-Rai (l’opinion).
Au début des années 60, Habash fonde le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), une organisation révolutionnaire dont la branche militaire cible les intérêts israéliens au moyen d’opérations de guérilla et d’attentats à la bombe contre des objectifs civils, ainsi que des détournements d’avions. Kanafani devient le porte-parole du groupe et le rédacteur en chef de son hebdomadaire, Al-Hadaf (le but).
Son confrère le journaliste palestinien Rassem al-Madhoun décrit le jeune Kanafani comme pourvu d’une « compréhension fragile » de l’arabe, peut-être à cause de ses années d’études dans une école française.
Conscient de cette faiblesse, Kanafani décide d’étudier la littérature arabe à l’Université de Damas. En 1957, il publie sa première nouvelle, Shams jdida (un nouveau soleil). Au cours de la brève mais remarquable carrière d’écrivain qui s’ensuit, Kanafani écrit certaines des œuvres de fiction les plus célèbres du monde arabe, notamment Des hommes dans le soleil, un roman qui suit des travailleurs manuels palestiniens à la recherche d’emploi dans le Golfe et explore les thèmes de la sexualité, de la masculinité et du déracinement.
Dans la nouvelle Retour à Haïfa, un couple palestinien revient dans la maison dont il a été expulsé en 1948 à la recherche de leur enfant en bas âge disparu lors de la fuite. Lorsqu’ils arrivent, ils découvrent que la maison est désormais occupée par un couple israélien qui a adopté l’enfant et l’a élevé comme un juif israélien. L’œuvre est une expression de la façon dont pour les Palestiniens, le connu peut devenir l’inconnu ; et symbolise la manière dont leurs espoirs pour l’avenir restent enfermés dans un affrontement insoluble avec ceux des Israéliens.
Kanafani deviendra l’un des écrivains les plus importants du monde arabe. S’exprimant sur la carrière de son ancien collègue, Madhoun écrit : « Il a extrait les plus belles expressions de la langue et est devenu l’un de ses auteurs les plus captivants. »
Kanafani vit pendant un court laps de temps au Koweït avant de s’installer à Beyrouth en 1960, où il rencontre sa femme, l’activiste danoise Anni Høver, qui séjourne au Moyen-Orient pour mieux comprendre la lutte palestinienne.
Le couple se marie en 1961 et a deux enfants, Fayez et Laila. Dans son livre dédié à Kanafani, My Husband, My Teacher, Anni Høver écrit : « Je suis venue au Liban il y a plus de dix ans pour ‘’étudier’’ le problème palestinien. En toi j’ai trouvé la Palestine – la terre et son peuple – et par notre mariage, je suis devenue une partie de la Palestine... »
Le 30 mai 1972, trois membres de l’Armée rouge japonaise en collaboration avec le FPLP ouvrent le feu sur des passagers dans l’enceinte de l’aéroport de Lod (qui sera rebaptisé aéroport Ben Gourion), faisant 26 morts. Deux des assaillants sont tués mais le troisième, Kozo Okamato (sur la photo ci-dessus, alors en détention), est arrêté et emprisonné par les autorités israéliennes.
Si Kanafani n’a pas participé personnellement à l’assaut, il est un partisan des attaques contre Israël. L’écrivain rejette l’idée de négociations et lorsqu’un journaliste lui demande « pourquoi ne pas simplement parler » aux Israéliens, il répond : « Parler à qui » ? Avant de poursuivre : « Vous voulez dire le genre de conversation entre l’épée et la nuque ? » Après le massacre, le Mossad, l’agence de renseignement israélienne, décide de cibler les membres du FPLP.
Le 8 juillet 1972 à Beyrouth, Ghassan Kanafani, alors âgé de 36 ans, et sa nièce Lamees Najim, 17 ans, montent dans l’Austin 1100 de l’écrivain. En mettant le contact, il déclenche une bombe qui les tue sur le coup. Le Mossad revendiquera la responsabilité de l’assassinat.
Kanafani est l’un des plus grands écrivains de Palestine et du monde arabe et son héritage est considérable, comme en atteste les nombreuses écoles et organisations culturelles qui portent son nom à travers la région.
Tandis que les Israéliens se souviennent de lui comme d’un terroriste, les Palestiniens le célèbrent pour son talent littéraire et sa tendre représentation de leur lutte. Ses récits ont ouvert la voie à d’autres auteurs palestiniens qui ont aidé à développer son concept de « littérature de la résistance ».
Dans sa nécrologie, le journal libanais The Daily Star qualifiera Kanafani de « commando qui n’a jamais tiré avec une arme à feu, dont l’arme était un stylo à bille, et son arène, des pages de journaux ».
Traduit de l’anglais (original).
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