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Netflix : « changer l’image » de la Palestine avec Mo

Grande première pour la représentation des Palestiniens, cette série avec le comédien Mohammed Amer combine humour en cascade et profondeur en abordant l’exil et l’appartenance
Mo (à droite) et sa famille discutent de l’importance de retirer ses chaussures dans la maison (Netflix)
Mo (à droite) et sa famille discutent de l’importance de retirer ses chaussures dans la maison (Netflix)

Au supermarché, une employée demande : « Ça vous dirait de goûter mon houmous au chocolat ? »

Horrifié, le client interprété par le comédien palestino-américain Mohammed Amer lui dit : « Vous avez dit houmous au chocolat ?! Vous venez d’insulter ma grand-mère. »

Ce à quoi elle répond : « Lo siento [je suis désolée], j’ignorais complètement que le houmous était mexicain. »

Cet échange est un avant-goût de ce qui vous attend dans Mo, la nouvelle série produite par Netflix qui sort ce mercredi. La série en huit épisodes plonge dans l’univers de Mo Najjar, un personnage en partie fictif qui s’inspire de la vraie vie de son interprète.

Amer est connu pour ses spectacles de stand up sur Netflix, notamment Mo Amer: The Vagabond (2018) et Mohammed in Texas (2021), mais aussi pour son rôle dans la série de Ramy Youssef sur la plateforme Hulu Ramy, où il joue le cousin de Ramy, qui possède un restaurant et s’appelle aussi Mo. 

Ramy Youssef a coécrit cette nouvelle série avec Mohammed Amer, mais c’est il y a presque dix ans, sous les encouragements du comédien américain Dave Chappelle, qu’Amer a esquissé la scène d’ouverture de ce qui allait devenir Mo

Il y parle de lui, Palestinien de 9 ans fuyant le Koweït envahi par l’Irak en 1990. Arrivé à Alief (banlieue de Houston) au Texas avec sa mère Yusra et sa sœur Haifa, la famille a attendu deux ans l’arrivée du patriarche, Mustafa. Pendant ce temps, les deux frères aînés de Mo Amer poursuivaient leurs études à l’étranger.  

Cinq ans plus tard, Mo a perdu son père d’une crise cardiaque, laissant la question de l’asile de la famille en suspens. Amer qualifie cette période difficile de tournant : « Je me fichais de tout… J’avais tout laissé tomber, je commençais à avoir des difficultés scolaires, quand un enseignant a suggéré que je fasse du théâtre. Puis j’ai vu Bill Cosby en spectacle. J’ai alors su que je voulais devenir comédien. »

C’est ça, et une tradition de narration – qu’il qualifie de droit de naissance arabe –, qui ont conduit le jeune Mohammed à trouver sa voix dans l’univers du stand up. 

Inspiré de la vraie vie

Il a commencé à faire des tournées pour divertir les soldats américains à travers le monde. Plus tard, il a fait partie du trio Allah Made Me Funny et, en 2015, il est parti en tournée avec Chappelle. Deux ans après, il a fait ses débuts dans The Late Show with Stephen Colbert.

Dans Mo, Amer incarne un réfugié palestinien sans papiers. « J’ai jamais été en Palestine, j’suis pas Palestinien là-bas, j’suis pas Américain ici, j’suis un réfugié sans nationalité », explique-t-il dans la série. C’est à travers l’humour qu’Amer, aujourd’hui âgé de 41 ans, partage son vécu et son parcours pour obtenir la nationalité américaine, un processus qui lui a pris vingt ans. 

Ramy Youssef (à gauche) et Mohammed Amer (à droite) combinent avec succès leurs styles d’humour dans la série Mo de Netflix (Charley Gallay/GETTY IMAGES/AFP)
Ramy Youssef (à gauche) et Mohammed Amer (à droite) combinent avec succès leurs styles d’humour dans la série Mo de Netflix (Charley Gallay/GETTY IMAGES/AFP)

L’annonce officielle de la série Netflix explique l’attrait universel de Mo, soulignant les difficultés des immigrants pour s’intégrer dans leur nouveau foyer. Un communiqué de la plateforme indique : « Cette série dépeint le sentiment universel d’avoir l’impression que votre vie est dans les limbes et traite de situations communes à de nombreux immigrés. »

Cependant, ce qui rend Mo unique, ce sont les histoires fortes de l’identité palestinienne (des références à l’occupation, à l’appartenance, au chagrin) qui sont disséminées tout au long de la série, lui donnant une profondeur particulière. 

Traduction : « Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens comprennent l’importance du fait que @realmoamer puisse scénariser une comédie racontant une version romancée de sa vie en tant que réfugié palestinien, SUR NETFLIX. C’est un moment majeur pour la représentation des Palestiniens et il faut en parler. »

Les olives et leur huile sont très présentes dans la vie de la famille et, dans la série – assumant un rôle similaire au produit pour les vitres dans Mariage à la grecque –, s’avèrent un remède à tous les maux. 

Dans une scène qui est une ode aux matriarches arabes, la mère, interprétée par l’actrice syrienne Farah Bsieso, décide de presser des olives pour faire de l’huile, une scène mise en valeur par la musique du groupe syro-allemand Yamo.

Le choix de la musique s’inspire du vécu palestinien : la bande-annonce de la série comprend un morceau du groupe palestinien Dam qui s’intitule Emta Njawzak Yamma? (quand vas-tu te marier, yamma).

Cette phrase est une expression d’affection envers les célibataires et est utilisée avec à-propos dans Mo, car le personnage principal a du mal à s’engager pleinement envers sa petite amie mexico-américaine, interprétée par Teresa Ruiz, en raison des divergences religieuses et par crainte de la colère de sa mère.

Cette série est un pas bienvenu vers une meilleure représentation à l’écran des Palestiniens, le personnage d’Amer prenant sur lui d’aborder le « problème d’image » de la Palestine.

Cela semble payant : les réactions sur internet saluent des intrigues auxquelles les spectateurs peuvent s’identifier.

Mo, avec Mohammed Amer, est disponible sur Netflix depuis le 24 août 2022.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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