Ramadan : comment conjuguer activité sportive et jeûne ?
Chaque année pendant le Ramadan, les musulmans du monde entier cherchent à s’améliorer et pratiquent des actes de dévotion en plus du jeûne.
Ce mois sacré est vu comme une chance de renforcer ses liens spirituels avec Dieu, de se distancer d’un monde matérialiste et d’aider les autres.
Le jeûne est l’un des cinq piliers de l’islam. Ce sont des actes obligatoires considérés comme une composante nécessaire de la foi. Les quatre autres sont la profession de foi, les cinq prières quotidiennes, les actes de charité (zakat) et le pèlerinage du hadj.
Entre le lever et le coucher du soleil pendant le Ramadan, les pratiquants, sauf celles et ceux qui en sont exemptés pour des raisons de santé, s’abstiennent de manger et de boire.
Pour beaucoup, notamment les athlètes, les entraîneurs et toute personne qui pratique une activité sportive, ce changement des heures de repas implique d’adapter ses habitudes en matière d’entraînement et de récupération.
Pour découvrir comment gérer ces changements, Middle East Eye a discuté avec Lloyd Conteh, coach sportif musulman de 27 ans qui vit à Londres.
Quels sont les défis qui attendent les sportifs pendant le Ramadan ?
Pour celles et ceux qui s’entraînent régulièrement ou qui doivent rester en forme dans le cadre de leur mode de vie ou de leur carrière, il peut être nécessaire d’adopter une discipline particulière et de procéder à quelques changements.
Lorsque le sport fait partie intégrante de votre carrière, prendre un mois de congé en raison du jeûne peut vous mettre en retard sur vos objectifs et avoir un impact sur les progrès réalisés.
« Les principaux défis sont la durée de l’entraînement à haute intensité et l’ajustement éventuel des horaires d’entraînement », explique Lloyd Conteh.
Après une journée sans manger ni boire, les musulmans rompent leur jeûne au coucher du soleil avec un repas qu’on appelle iftar. Ils mangeront encore juste avant l’aube, un repas qu’on appelle sohour.
En raison de la longue attente entre le sohour et l’iftar, les personnes physiquement actives doivent faire le plein avec le bon type d’aliments pour être en forme toute la journée, en tenant compte de leur activité.
Les sucres lents (tels que l’avoine, les haricots, les légumes verts et les lentilles) contribuent à fournir un niveau d’énergie durable après le début du jeûne.
Ces aliments ont un index glycémique (IG) bas ; ces glucides se décomposent donc sur une période plus longue que les aliments à IG élevé, tels que ceux qui contiennent des sucres simples comme les sodas, les chips et les barres chocolatées.
Pour les bodybuilders, prendre du muscle lors du Ramadan sera difficile, mais il y a des moyens d’atténuer la perte musculaire due au jeûne, en s’assurant notamment que le corps absorbe suffisamment de protéines lors des repas et en continuant à entraîner les muscles.
La musculation, même en période de jeûne, signale au corps que les muscles sont toujours nécessaires et qu’ils ne doivent pas faiblir.
Autre considération majeure quand on s’entraîne pendant le Ramadan : s’assurer que le taux de glycémie ne chute pas trop lors de l’activité physique.
Le cardio intensif tout comme l’haltérophilie l’estomac vide sont susceptibles d’engendrer une plus grande perte de graisse, mais peuvent également faire chuter la glycémie, provoquant une hypoglycémie induite par l’exercice qui cause vertiges et évanouissements.
« Il est aussi important de s’assurer de manger suffisamment pour récupérer des sessions d’entraînement précédentes », ajoute Lloyd Conteh, également bodybuilder.
Quand s’entraîner ?
Pour celles et ceux qui font de l’exercice occasionnellement et en dehors des horaires traditionnels de travail, le Ramadan ne va pas bouleverser profondément leur planning sportif car l’iftar est généralement quelques heures après la fin de la journée de travail.
Conteh explique que, dans ces cas-là, les changements « n’ont pas besoin d’être drastiques ».
« Lorsque c’est possible… les gens doivent s’entraîner au plus près de l’heure des repas, que ce soit avant ou après. »
« Le repos sera essentiel ainsi que le fait de s’occuper pendant son temps libre pour ne pas penser au fait que vous ne pouvez ni manger ni boire », ajoute-t-il.
En ce qui concerne les athlètes professionnels, pour lesquels une grande partie de la journée est consacrée au sport, le Ramadan peut nécessiter de reprogrammer leurs entraînements intensifs et de s’éloigner un temps du terrain.
Si l’islam autorise les musulmans à reporter le jeûne s’ils ont des problèmes de santé, il n’y a pas d’exemption en fonction des métiers.
Des exemptions existent néanmoins pour les déplacements. Donc un athlète qui voyage pour un événement pourrait choisir de ne pas jeûner ces jours-là et de s’entraîner normalement.
« Il y a quelques athlètes de haut niveau qui ne jeûnent pas, en particulier si le Ramadan coïncide avec la saison des compétitions dans leur discipline, ou s’ils sont enclins aux blessures ou aux maladies », commente Lloyd Conteh.
Quels sont vos conseils nutritionnels ?
Pour celles et ceux qui cherchent à garder une alimentation soignée pendant le Ramadan, il vaut mieux rester simple en matière de choix alimentaires.
« Donnez la priorité aux protéines et, concernant votre apport en glucides, il est important d’avoir des repas riches en glucides proches de l’iftar plutôt que du sohour, et de réduire les quantités de glucides par repas à mesure qu’approche le lever du soleil. »
Nutritionniste diplômé, Lloyd Conteh se spécialise dans la transformation du corps et recommande d’augmenter l’apport en légumes à feuilles, en particulier les épinards, car ils aident le corps à libérer lentement les glucides emmagasinés par le corps tout au long de la journée.
« L’une des choses les plus importantes est d’inclure les fruits riches en eau pour accroître votre niveau d’hydratation, des choses comme des melons, des oranges et du raisin », insiste-t-il.
« Un apport excessif en sel, en caféine et en sucreries augmentera le niveau de déshydratation. »
Comment éviter d’en faire trop ?
Selon lui, il est important de connaître ses propres limites et d’« écouter son corps » si on pratique une activité sportive lors du jeûne.
Chaque individu est différent et il n’y a pas de « panacée » quant à la façon de faire de l’exercice.
« C’est un mois pour essayer d’être aussi ancré et aussi en paix spirituellement que possible »
- Lloyd Conteh, coach sportif
« Par exemple, mon corps est capable de gérer le même niveau d’entraînement quel que soit le moment où je m’entraîne pendant le Ramadan. Mais d’autres pourraient avoir du mal à s’entraîner au milieu de la journée ou pourraient ne pas être en mesure de faire ce qu’ils font d’habitude ».
En règle générale, Lloyd Conteh suggère qu’il vaut mieux s’entraîner une heure après la rupture du jeûne par un repas léger.
En plus de se laisser du temps pour faire de l’exercice et du sport pendant ce mois sacré, il encourage également les gens à rechercher un espace dans leur emploi du temps pour la spiritualité et renforcer leur foi.
« C’est un mois pour essayer d’être aussi ancré et aussi en paix spirituellement que possible. »
Comment prévenir la perte musculaire ?
Le Ramadan peut être source d’inquiétude pour les personnes qui cherchent à maintenir leur poids et celles qui cherchent à ne pas en prendre.
Manger trop ou manger mal peut entraîner une prise de poids rapide pendant ce mois-là, en particulier lorsque cette mauvaise alimentation est associée à un manque d’exercice.
Ne pas consommer suffisamment de calories, en particulier le manque de protéines, peut engendrer une perte de poids due à l’atrophie musculaire.
Ce mois peut être un moment difficile pour les athlètes professionnels mais, selon Conteh, il y a une formule simple pour prévenir cette perte.
« Maintenez votre apport en protéines entre 3,40 g et 3,97 g par kilo de masse corporelle », préconise-t-il.
« Maintenez le niveau d’intensité de votre entraînement, continuez à vous entraîner autant que possible, mais si vous sentez que votre corps ne suit pas, alors il faut supprimer une ou deux répétitions par exercice lors de votre routine. »
D’après son expérience, la seule façon de préserver ses muscles et sa force est de s’entraîner à haute intensité, ce qui indique à votre corps qu’il a besoin de tout ce muscle.
Lloyd Conteh est un coach sportif et bodybuilder qui vit à Londres.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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