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Diamants, œufs d’autruche et étalons arabes : les cadeaux éclectiques du Moyen-Orient à la reine Elizabeth

En 70 ans de règne, Elizabeth II a reçu de nombreux cadeaux coûteux et revêtant une importance historique de la part de dirigeants de la région
Elizabeth II lit le discours de la reine à la Chambre des Lords lors de l’ouverture du Parlement, à Londres, le 14 octobre 2019 (AFP)

La reine Elizabeth II est largement considérée comme l’une des chefs d’État qui a le plus voyagé de l’histoire – et sa collection de cadeaux du monde entier le prouve. 

Au cours de ses sept décennies de règne, la souveraine, décédée jeudi à l’âge de 96 ans, a reçu un large éventail de cadeaux coûteux et d’une grande importance historique.

Parmi les nombreux donateurs d’objets et de bijoux à la défunte monarque figurent des dirigeants de tout le Moyen-Orient. 

Certains de ces donateurs ont ensuite été exécutés, exilés, déposés lors de coups d’État ou sont devenus des parias de la communauté internationale. Mais pas avant d’avoir ajouté leur pierre à l’une des plus vastes collections de cadeaux précieux. 

Des colliers de 300 diamants aux photographies de Palestine, en passant par les coquilles d’huîtres et les œufs d’autruche, Middle East Eye passe en revue les cadeaux mémorables du Moyen-Orient reçus par la reine. 

Égypte : collier ancien en or 

En 1947, la princesse Elizabeth a reçu un cadeau de mariage remarquable du roi Farouk d’Égypte

Il lui a donné un collier en or datant du troisième siècle avant notre ère qui incorporait l’une des premières pièces égyptiennes. L’ancienne monnaie représente Arsinoé, une reine d’Égypte antique de la dynastie ptolémaïque qui a régné pendant trois siècles et s’est achevée avec Cléopâtre. 

Comme la pièce, le sertissage et les chaînes en or datent également d’environ -250. 

Le collier en or offert à Elizabeth II par le roi Farouk d’Égypte comporte une pièce d’or datant du troisième siècle avant notre ère (Royal Collection Trust)
Le collier en or offert à Elizabeth II par le roi Farouk d’Égypte comporte une pièce d’or datant du troisième siècle avant notre ère (Royal Collection Trust)

Au moment du don, l’Égypte était sous occupation britannique depuis 1882. 

Le roi Farouk a été renversé et contraint à l’exil à la suite de la révolution égyptienne de 1952, qui a déclenché l’établissement d’une république égyptienne et la fin de la domination britannique. 

Soudan : œufs d’autruche

Lors de la seule visite d’État de la reine au Soudan en 1965, elle a reçu deux œufs d’autruche. 

Ce présent, offert par le Conseil suprême du Soudan, était enfermé dans un treillis de perles de verre rouges, jaunes, bleues et vertes. 

Le Conseil suprême du Soudan a remis à Elizabeth II deux œufs d’autruche lors de sa visite d’État en 1965 (Royal Collection Trust)
Le Conseil suprême du Soudan a remis à Elizabeth II deux œufs d’autruche lors de sa visite d’État en 1965 (Royal Collection Trust)

Au cours du même voyage, elle a également reçu une boîte rectangulaire en filigrane argenté décorée d’un oiseau secrétaire et d’un coton-tige. 

La reine a visité le Soudan en février 1965, neuf ans après son affranchissement de la domination coloniale britannique. 

Plus de 500 000 habitants des villes près de Khartoum et Omdourman étaient dans les rues, selon les autorités, brandissant drapeaux et pancartes.

Arabie saoudite : colliers de diamants 

La reine a rencontré quatre rois successifs d’Arabie saoudite : Fayçal, Khalid, Fahd et Abdallah. 

En mai 1967, le roi Fayçal s’est rendu au Royaume-Uni pour une visite d’État, apportant avec lui un somptueux collier de diamants fabriqué dans les années 1950 par le joaillier américain Harry Winston. 

Le roi Abdallah d’Arabie saoudite s’entretient avec la reine Elizabeth II et le duc d’Édimbourg, au palais de Buckingham, le 30 octobre 2007 (AFP)
Le roi Abdallah d’Arabie saoudite s’entretient avec la reine Elizabeth II et le duc d’Édimbourg, au palais de Buckingham, le 30 octobre 2007 (AFP)

La pièce se compose de plus de 300 diamants, y compris des baguettes, des brillants et des pendants en forme de poire, avec un poids combiné de plus de 80 carats. 

Lors de la seule visite d’État de la reine dans le royaume du Golfe en 1979, le successeur de Fayçal, le roi Khalid, lui a offert un autre collier de diamants qui porte depuis son nom. 

Le collier roi-Khalid – qui comporte 20 pendentifs en diamant en forme de poire – a été fréquemment porté par la princesse Diana dans les années 1980. 

EAU : chameau en or massif 

Au cours de sa tournée du Golfe en 1979, Elizabeth II a fait escale aux Émirats arabes unis, qui avaient cessé d’être une colonie britannique une dizaine d’années plus tôt. 

La reine a reçu des bijoux en diamant et en saphir pendant le voyage, ainsi qu’une sculpture en or massif d’un chameau devant deux palmiers avec des rubis comme dattes.

Une tête de cheval de quartz avec une petite horloge offerte à Elizabeth II par le président des Émirats arabes unis, Khalifa ben Zayed, en 2010 (Royal Collection Trust)
Une tête de cheval de quartz avec une petite horloge offerte à Elizabeth II par le président des Émirats arabes unis, Khalifa ben Zayed, en 2010 (Royal Collection Trust)

À l’été 2017, le palais de Buckingham a présenté une exposition de cadeaux que la reine avait reçus au cours de ces sept décennies. 

Parmi eux se trouvait une reproduction de la tête d’un cheval de quartz avec une petite horloge suspendue à un harnais en métal, offerte en 2010 par l’ancien président des Émirats arabes unis, Khalifa ben Zayed al-Nahyane, qui venait de décéder. 

Syrie : brocart pour une robe de mariée

Le brocart est l’un des tissus les plus prestigieux et les plus chers de la capitale syrienne Damas. Ses habitants le tissent à la main en utilisant des fils d’or, d’argent et de soie naturelle depuis des siècles. 

La célèbre robe de mariée de la reine Elizabeth, qui présente un dessin de deux tourtereaux s’embrassant, a été tissée à l’aide de brocart syrien importé de Damas. 

La princesse Elizabeth d’Angleterre et le prince Philip le jour de leur mariage, à Londres, le 20 novembre 1947 (AFP)
La princesse Elizabeth d’Angleterre et le prince Philip le jour de leur mariage, à Londres, le 20 novembre 1947 (AFP)

La robe a été fabriquée au Royaume-Uni à partir de 200 mètres de brocart qui auraient été envoyés par le président syrien Choukri al-Kouatli en 1947. 

La Syrie est l’un des rares pays du Moyen-Orient que la reine n’a pas officiellement visités.

Elle a accueilli l’actuel président syrien Bachar al-Assad au palais de Buckingham en décembre 2002, neuf ans avant la guerre civile qui allait faire de lui un paria.

Irak : étalon arabe 

L’amour des chevaux d’Elizabeth II est un secret de polichinelle et elle a reçu des cadeaux équins au fil des décennies. 

En 1953, le roi Fayçal II d’Irak a offert à la reine un étalon arabe pour commémorer son couronnement. 

Plus tard cette année-là, elle recevra un autre étalon arabe nommé Alhehal (Croissant de Lune) et une jument arabe nommée Al Masouda (La Chanceuse) de la part du roi du Yémen Ahmed ben Yahya. 

La reine Elizabeth II se promenant avec la princesse Anne, le prince Philip et le roi Fayçal II d’Irak à Balmoral, le 26 septembre 1952 (AFP)
La reine Elizabeth II se promenant avec la princesse Anne, le prince Philip et le roi Fayçal II d’Irak à Balmoral, le 26 septembre 1952 (AFP)

Fayçal, qui avait rencontré la reine un an plus tôt, fut le troisième et dernier monarque de l’éphémère royaume hachémite d’Irak. 

En 1958, il a été renversé dans un putsch baptisé « révolution du 14 juillet » et exécuté avec plusieurs membres de sa famille.

Qatar : rubis et perles  

Lors d’une visite d’État au Royaume-Uni en 1985, l’émir du Qatar, le cheikh Khalifa ben Hamad al-Thani, a offert à la reine un collier en rubis et des boucles d’oreilles assorties. 

L’ensemble a été porté par la souveraine à plusieurs grandes occasions au cours des années 1990, y compris pendant ses discours lors des cérémonies d’ouverture du Parlement en 1990 et 1994. 

Elizabeth II a également reçu un grand collier de perles et des boucles d’oreilles lors de sa visite officielle au Qatar en 1979. 

Une coquille d’huître avec une grosse perle embryonnaire incrustée à l’intérieur (Royal Collection Trust)
Une coquille d’huître avec une perle embryonnaire incrustée à l’intérieur (Royal Collection Trust)

Depuis, elle l’a principalement porté lors d’événements liés au Qatar, notamment pendant un banquet d’État en 2010 en l’honneur de l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani au château de Windsor. 

Au cours de la visite de 1979, on lui a également présenté une coquille d’huître comportant une grosse perle embryonnaire incrustée à l’intérieur. 

La plongée perlière était une grande partie de l’économie du Qatar au cours du XIXe et du début du XXe siècle, employant près de la moitié de sa population jusqu’aux années 1940. 

Iran : ensemble de meubles 

Lors de la visite de la reine en Iran en 1961, le shah Mohammad Reza Pahlavi lui a offert un ameublement complet. 

Il comprenait un fauteuil avec un motif géométrique sadeli complexe, un bureau avec une incrustation en mosaïque, un encrier, deux boîtes et un écran avec une tapisserie de laine d’Elizabeth II. 

La reine a sans le savoir joué un rôle dans le coup d’État de 1953 qui a porté le shah au pouvoir, selon le documentaire The Queen and the Coup diffusé en 2020. 

Bureau incrusté de mosaïque (de style sadeli) en bois divers offert par le shah d’Iran à la reine Elizabeth II en 1961 (Royal Collection Trust)
Bureau incrusté de mosaïque (de style sadeli) en bois divers offert par le shah d’Iran à la reine Elizabeth II en 1961 (Royal Collection Trust)

Ce film, qui s’appuie sur des documents américains, affirme que Pahlavi envisageait de fuir Téhéran lorsque le gouvernement britannique a émis un message mentionnant que la « reine Elizabeth » s’inquiétait et « espérait vivement pouvoir trouver des moyens de le dissuader de quitter le pays ».

Washington a transmis le message à Pahlavi, qui a changé d’avis. Mais ni les États-Unis ni le shah ne savaient que les Britanniques faisaient en fait référence au navire RMS Queen Elizabeth – et que la souveraine elle-même n’avait rien à voir là-dedans.

Palestine : album de photographies 

Pour marquer leur mariage, la princesse Elizabeth et le prince Philip ont reçu un album contenant des photographies de vues de la Palestine prises dans les années 1930 et 1940. 

Ces images comprennent des vues aériennes de plusieurs édifices importants, dont le Dôme du Rocher et l’ancien avant-poste des croisés dans la ville côtière d’Atlit, près de Haïfa. 

La collection a été présentée par le Conseil général de la communauté juive de Palestine en novembre 1947, pendant le mandat britannique sur le territoire. 

Album contenant des photographies de la Palestine prises dans les années 1930 et 1940 (Royal Collection Trust)
Album contenant des photographies de la Palestine prises dans les années 1930 et 1940 (Royal Collection Trust)

Quelques mois plus tard, le 15 mai 1948, la domination britannique prenait fin en Palestine et l’État d’Israël était créé. La date est connue des Palestiniens sous le nom de Nakba (catastrophe) : plus de 700 000 Palestiniens ont été déplacés de leur foyer.

Bien qu’elle ait visité plus de 120 pays et parcouru près d’un million de kilomètres au cours de ses 70 ans sur le trône, il n’a pas échappé aux observateurs qu’Elizabeth II n’a jamais visité Israël.

Les raisons invoquées pour justifier ce refus présumé allaient de la crainte de contrarier les riches pays arabes du Golfe et de perdre les accords commerciaux qui en découlaient, à la résistance violente d’Israël au mandat britannique lors de sa quête d’indépendance.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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