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L’ONU a utilisé une compagnie aérienne syrienne sanctionnée pour acheminer de l’aide en Libye

Cham Wings est accusée de transporter des mercenaires et d’aider les Gardiens de la révolution iranienne, mais l’ONU se dédouane en affirmant à MEE qu’« il y a très peu d’options de fret aérien en Libye »
Photo postée par l’Organisation mondiale de la santé en Libye qui montre le déchargement d’aide humanitaire d’un avion Cham Wings à Benghazi (Twitter)

L’ONU confirme à Middle East Eye avoir fait appel à une compagnie aérienne syrienne sanctionnée par les États-Unis, laquelle est accusée de convoyer des combattants et des armes pour le compte du président syrien Bachar al-Assad et de l’homme fort de l’Est libyen Khalifa Haftar, pour acheminer de l’aide en Libye.

Les images publiées sur Twitter par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lundi montrent des responsables décharger de l’aide humanitaire d’un appareil de la compagnie Cham Wings à l’aéroport international de Benina à Benghazi. 

En 2016, le département du Trésor américain sanctionnait Cham Wings en raison de sa coopération « avec les responsables du gouvernement syrien afin d’acheminer des militants en Syrie pour combattre pour le compte du régime syrien et son assistance aux renseignements militaires syriens pour déplacer des armes et du matériel pour le régime syrien ».

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Le département du Trésor affirmait que la compagnie aérienne agissait pour le compte de la force al-Qods, l’unité à l’étranger du corps des Gardiens de la révolution iranienne qui a joué un rôle majeur en soutien à Assad dans la guerre civile syrienne.

« Les vols entre Damas et Dubaï de Cham Wings ont été l’une des principales routes utilisées par les renseignements militaires pour le blanchiment d’argent à travers la région, et les renseignements militaires ont payé toutes les parties impliquées pour s’assurer qu’elles poursuivent leurs activités avec le régime d’Assad », précisait le Trésor.

Un porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), qui gère la réponse au covid-19 des agences de l’ONU, confirme à MEE avoir eu recours à cette compagnie aérienne pour acheminer 16 tonnes d’aide depuis les Émirats arabes unis vers la Libye. 

« En raison de la situation sur le terrain, il y a très peu d’options de fret aérien en Libye, et dans ce cas précis, le chargement médical de l’OMS a été acheminé par le transporteur de fret aérien Cham Wings, qui n’est pas soumis à des sanctions de l’ONU », justifie le porte-parole du PAM. 

Traduction : « L’Organisation mondiale de la santé (#OMS) continue à fournir une aide humanitaire à la population #libyenne. Plus de 16 tonnes de médicaments, fournitures et matériel ont été dispatchées depuis les entrepôts de l’OMS à #Dubaï et viennent d’arriver à l’aéroport international de #Benina à #Benghazi. »

Basée à Damas, la compagnie aérienne Cham Wings est majoritairement détenue par l’homme d’affaires syrien Issam Shammout, qui a été accusé d’utiliser une société-écran à Dubaï pour faciliter la vente illégale d’appareils à la compagnie iranienne Mahan Air. 

Bien que cette compagnie aérienne ne soit pas sanctionnée par l’ONU, un groupe d’experts onusiens a recensé, entre le 1er janvier et le 10 mars 2021, au moins 33 vols de Cham Wings entre Damas et Benghazi, transportant certainement des mercenaires syriens en infraction avec l’embargo international sur les armes imposé à la Libye.

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Ces vols ont connu leur apogée lors de l’échec de l’offensive du commandant Haftar sur Tripoli, lorsqu’il a eu recours à des mercenaires russes et soudanais, ainsi qu’à des miliciens pro-Assad.

Hanan Salah, chercheuse en Libye pour Human Rights Watch, a critiqué l’ONU qui ne respecte pas selon elle ses propres directives en employant Cham Wings. 

« Les organisations de l’ONU ne doivent pas – selon leurs propres directives – aider les acteurs dont on sait qu’ils ont facilité des violences lorsqu’elles risquent d’en être complices », rapporte-t-elle à MEE

« Elles doivent examiner de près toute implication présumée des compagnies aériennes qui aident les services de renseignement du gouvernement syrien ou les forces de Khalifa Haftar [qui ont également un long passif de violences]. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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