« Ma sœur n’est pas une terroriste ! » : manifestation pour une Tunisienne condamnée en Arabie saoudite
« Liberté ! Liberté pour Mahdia ! », « Nous demandons justice pour la prisonnière tunisienne… », « Il est honteux que vous soyez [le gouvernement] contrôlés par un Saoudien. » Ces slogans ont été scandés lors d’un rassemblement vendredi 4 novembre devant le siège du ministère des Affaires étrangères tunisien pour demander la libération de Mahdia Marzouki.
Cette ressortissante tunisienne a été condamnée en septembre à quinze ans de prison en Arabie saoudite pour un retweet.
« Nous sommes ici pour protester contre la passivité du gouvernement face à la condamnation de ma sœur. Car il n’est pas intervenu pour ramener ma sœur. Même l’attaché du consulat n’a pu lui rendre visite en prison qu’une seule fois », témoigne à Middle East Eye Khairia Marzouki, la sœur de la prisonnière, venue de Kébili (Sud) à Tunis avec ses proches pour participer à cette manifestation organisée par la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) et d’autres membres de la société civile en soutien à la prisonnière.
Mahdia Marzouki, 51 ans, a été arrêtée et écrouée en 2020 en Arabie saoudite pour avoir retweeté « une publication sur une manifestation de soutien à la résistance libanaise [Hezbollah] organisée à Tunis », selon sa sœur Khairia.
Après deux ans et demi de prison pour « atteinte à l’État et glorification d’un groupe terroriste », Mahdia Marzouki a vu sa peine portée à quinze ans ferme en septembre, à l’issue d’un nouveau procès en appel.
Sage-femme depuis quatorze ans en Arabie saoudite
« Notre soutien est inconditionnel et nous appelons à la libération de Mahdia, après avoir purgé sa peine, conformément au verdict primaire du tribunal », rappelle à MEE Bechir Laâbidi, le secrétaire général de la LTDH, en marge du rassemblement de soutien.
« Pour un retweet, elle a été de nouveau condamnée conformément à la loi antiterroriste en Arabie saoudite alors que l’affaire ne demande pas autant d’injustice ! », déplore-t-il.
« Elle est accusée de porter atteinte au régime et à la paix sociale dans le pays alors qu’elle n’a que 87 followers… »
« Pendant la pandémie de covid-19, elle a été au premier rang pour sauver les vies des autres […] C’est ainsi qu’on la récompense ? »
- Khairia, sœur de Mahdia
Le militant de la LTDH estime toutefois que « ce verdict n’est pas étonnant venant d’un pays qui est au plus bas de l’échelle du classement de la liberté d’expression ».
L’Arabie saoudite est à la 166e place sur 180 pays dans le classement de RSF (Reporters sans frontières) sur la liberté de la presse.
Mahdia Marzouki travaillait en Arabie saoudite depuis quatorze ans en tant que sage-femme.
« Pendant la pandémie de covid-19, elle a été au premier rang pour sauver les vies des autres. Elle aurait pu mourir et nous quitter en soignant les autres. C’est ainsi qu’on la récompense ? », s’indigne Khairia, émue aux larmes et les mains tremblantes. « Elle n’avait pour armes que son masque et ses gants. Ma sœur n’est pas une terroriste ! »
« C’est honteux ! »
Quelques heures avant le rassemblement, l’attaché du consulat tunisien en Arabie saoudite a informé la famille qu’il avait finalement été autorisé par les autorités saoudiennes à visiter la prisonnière ce lundi 7 novembre.
« Mais c’est insuffisant ! Nous demandons au ministère des Affaires étrangères de jouer son rôle et de négocier avec les autorités saoudiennes en faveur de ma sœur. »
« C’est une condamnation que la logique humaine ne peut pas comprendre. C’est honteux ! Celle qui soigne les femmes et les enfants saoudiens a été condamnée car elle a le mérite d’aimer la Palestine et la résistance », ajoute Ahmed Kahlaoui, porte-parole du Comité national de soutien à la résistance arabe et la lutte contre la normalisation avec Israël, présent aussi pendant la manifestation.
« C’est une femme libre qui a le droit de soutenir qui elle souhaite. Normalement, un hommage doit lui être rendu ! Le ministère des Affaires étrangères doit jouer son rôle et la faire revenir si ce n’est pas à la cheffe du gouvernement de le faire. »
Pour Bechir Laabidi, « en Arabie saoudite comme dans d’autres pays, pour qu’il soit garanti, le droit à la liberté d’expression demande encore plus de militantisme ».
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