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Tunisie : Kais Saied veut cibler les contenus « illégaux » sur les réseaux sociaux

Le président tunisien s’est engagé à cibler les « rumeurs » et les « calomnies » partagées en ligne, faisant craindre une accentuation de la répression de la dissidence
Le président tunisien Kais Saied a accaparé tous les pouvoirs lors d’un coup d’État en juillet 2021 (AFP/Bureau de presse Quirinale)
Par MEE

Le président tunisien Kais Saied a annoncé son intention de lutter contre « l’anarchie » en ligne, ce qui pourrait signifier une intensification de la répression de la dissidence sur les réseaux sociaux.

Selon un communiqué publié mercredi sur la page Facebook de la présidence tunisienne, Saied a déclaré qu’il souhaitait s’associer à d’autres pays pour prévenir les « crimes » en ligne sur les réseaux sociaux.

« Le président a souligné que les menaces de mort, l’indignité, la propagation de rumeurs et d’insultes n’ont rien à voir avec la liberté de pensée ou la liberté d’expression », peut-on lire dans le communiqué.

Saied s’est approprié tous les pouvoirs en Tunisie à la suite d’un coup d’État en juillet 2021, au cours duquel il a destitué son gouvernement et dissous le Parlement tout en révoquant l’immunité de ses membres.

Il a enchaîné avec un référendum un an plus tard qui a consacré ses pouvoirs et la répression de la dissidence politique, avec principalement en ligne de mire le parti conservateur Ennahdha, qui détenait autrefois le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale.

Des dirigeants d’Ennahdha, dont son fondateur Rached Ghannouchi et son haut dirigeant Said Ferjani, ont été arrêtés dans le cadre de cette vague de répression.

Des militants, comme le blogueur Sahbi Omari, autrefois affilié à Ennahdha mais devenu plus tard critique du parti, ont également été arrêtés.

Emprise sur le pouvoir

Depuis la révolution de 2011 qui a renversé l’autocrate de longue date Zine el-Abidine Ben Ali, l’économie du pays est au bord du gouffre.

Saied a critiqué à plusieurs reprises ses propres responsables pour leur incapacité à mettre fin aux pénuries alimentaires, pannes d’électricité et coupures d’eau.

Pour de nombreux jeunes Tunisiens, il n’y a aucun espoir d’avenir dans leur pays et beaucoup ont tenté de débuter une nouvelle vie en Europe.

Malgré ces difficultés économiques, jusqu’au coup d’État de 2021, le pays a connu une période de relative liberté politique qui a vu l’émergence d’une démocratie multipartite, où Ennahdha formait l’une des forces politiques du pays.

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Après son coup de force à l’été 2021, Saied a cherché à écraser le parti en tant que voix efficace de l’opposition.

Bon nombre des personnes arrêtées dans ce cadre étaient affiliées au mouvement, mais certains signes indiquent que Saied cherche à élargir sa liste de cibles.

Les migrants africains sont devenus un bouc-émissaire dans le pays, après un discours de Saied dans lequel il dénonce un complot visant à modifier la composition démographique de la Tunisie.

Ces commentaires ont conduit à une persécution des Africains noirs en Tunisie, ainsi qu’à leur expulsion vers des pays où ils risquent la mort.

Des organisations de défense des droits de l’homme comme Amnesty International ont exprimé leurs craintes que les lois ciblant la soi-disant cybercriminalité ne soient également utilisées pour s’en prendre aux détracteurs.

« Le nouveau décret-loi prévoit de lourdes peines de prison basées sur des termes ambigus tels que ‘’fake news’’ », a déclaré l’ONG dans un rapport en décembre.

En octobre, les lois sur la cybercriminalité ont été utilisées contre l’avocat Mehdi Zagrouba, accusé d’avoir diffamé la ministre de la Justice Leïla Jaffel sur Facebook.

Les autorités tunisiennes « enquêtaient sur les critiques en vertu d’une nouvelle loi répressive sur la cybersécurité, qui n’est que la dernière attaque en date contre les garanties législatives en matière de droits humains par le président Saied », avait alors déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

Traduit de l’anglais (original).

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