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Tunisie : un joueur de football accusé de « terrorisme » s’immole par le feu

L’accusation de « terrorisme » semble de plus en plus instrumentalisée par les autorités tunisiennes dans des cas qui n’ont globalement aucun rapport avec ce genre de crimes
Dans une vidéo publiée en direct sur les réseaux sociaux, Nizar Aissaoui explique les motivations de son geste puis passe à l’acte (Twitter)
Dans une vidéo publiée en direct sur les réseaux sociaux, Nizar Issaoui explique les motivations de son geste puis passe à l’acte (Twitter)
Par MEE

Un joueur de football tunisien de 37 ans, Nizar Issaoui, a tenté de s’immoler par le feu devant un commissariat de la ville de Haffouz (gouvernorat de Kairouan, centre), lundi 10 avril, pour protester contre une « fausse accusation de terrorisme » à son encontre.

Tout a commencé après une altercation avec un vendeur de fruits et légumes : le joueur s’est révolté contre le prix du kilo de bananes, fixé à 10 dinars (2,99 euros), soit le double du prix plafonné par le ministère du Commerce.

« J’ai voulu attirer l’attention de la police sur le fait que [ce] vendeur ne respectait pas la loi, vendant le kilo de bananes à 10 dinars », explique Nizar Issaoui dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux.

Nizar Issaoui se trouverait, au moment de la publication de cet article, dans un état stable malgré ses nombreuses brûlures au deuxième degré

« Mais la police m’a accusé de terrorisme et m’a collé une affaire avec laquelle je n’ai absolument aucun lien », poursuit l’ancien attaquant des clubs de Gafsa et Monastir.

La vidéo montre comment le joueur tunisien a tenté de s’immoler devant le commissariat, au milieu des cris des présents, terrifiés.

Nizar Issaoui a été évacué pour des soins et se trouverait, au moment de la publication de cet article, dans un état stable malgré ses nombreuses brûlures au deuxième degré, selon des témoignages locaux.

D’après le gouverneur de Kairouan, Mohamed Bourguiba, il a été transféré au centre des grands brûlés de Ben Arous (au sud de Tunis) dans une ambulance spéciale.

« Les Tunisiens continuent de se faire humilier par leur État »

« Cela veut dire, qu’aujourd’hui, celui qui dit la vérité et défend ses droits se voit accusé de terrorisme », a commenté un internaute.     

« Douze ans plus tôt, à Sidi Bouzid, à quelques dizaines de kilomètres de Haffouz, Mohamed Bouazizi s’est également immolé par le feu à la suite d’un différend avec la police municipale », rappelle dans une tribune le site tunisien Business News en commentant cette affaire.

« Douze ans après, les Tunisiens continuent de se faire humilier par leur État, douze ans après, les dirigeants continuent à les mépriser en refusant de retenir les leçons du passé et de l’histoire », poursuit ce média.

Human Rights Watch a publié, mardi 11 avril, un communiqué appelant à la libération de l’ancien chef du gouvernement et vice-président du parti Ennahdha, Ali Larayedh (AFP/Fethi Belaïd)
Human Rights Watch a publié, mardi 11 avril, un communiqué appelant à la libération de l’ancien chef du gouvernement et vice-président du parti Ennahdha, Ali Larayedh (AFP/Fethi Belaïd)

L’accusation de « terrorisme » semble de plus en plus instrumentalisée par les autorités tunisiennes dans des cas qui n’ont globalement aucun rapport avec ce genre de crimes.

Hier, par exemple, Human Rights Watch (HRW) a exigé la libération de l’ancien Premier ministre Ali Larayedh, également secrétaire général du parti islamo-conservateur Ennahdha, « détenu sur la base de vagues accusations de terrorisme ».

Larayedh est en détention préventive dans l’attente d’un procès à la prison de Mornaguia, et fait l’objet d’une enquête, en vertu de plusieurs articles de la loi de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et de l’article 32 du code pénal, pour des infractions pour lesquelles la peine maximale prévue est la prison à perpétuité.

Depuis l’arrestation de Larayedh, « les autorités ont emprisonné plus de vingt autres personnes, parmi lesquelles des opposants politiques, des activistes, des avocats, des juges et un journaliste, y compris sur la base d’accusations liées au terrorisme, en relation avec leurs activités politiques, leur activisme et leurs déclarations publiques », a détaillé HRW.

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