Aller au contenu principal

Tunisie : la série de Ramadan Falloujah provoque l’émoi

Des avocats ont attaqué en justice une série qui se déroule dans un lycée, la jugeant contraire aux « valeurs » de la société tunisienne
Le ministère de l’Éducation tunisien a voulu interdire la série (capture d’écran)
Le ministère de l’Éducation tunisien a voulu interdire la série (capture d’écran)

Le ministre tunisien de l’Éducation a violemment critiqué vendredi une série diffusée pendant le Ramadan, accusée de ternir l’image de l’école tunisienne, et deux avocats ont présenté un recours en justice pour arrêter sa diffusion.

La polémique a éclaté dès la diffusion jeudi soir sur la chaîne privée El Hiwar Ettounsi du premier épisode du feuilleton Falloujah, du nom de la ville irakienne érigée en symbole de résistance dans le monde arabe pour avoir été un bastion des rebelles sunnites hostiles à la présence militaire américaine après l’invasion de 2003.

Réalisée par la Tunisienne Sawssen Jemni, la série retrace le quotidien d’un groupe de lycéens, leur comportement envers leurs enseignants et les relations difficiles de certains d’entre eux avec leurs parents.

Dans l’une des scènes, une nouvelle enseignante, après avoir été draguée par des élèves en classe, découvre à sa sortie de l’école sa voiture taguée avec l’inscription « Welcome to Falloujah ». Dans une autre, un dealer remet dans la cour de l’école des comprimés d’ecstasy à des élèves qui les revendent ensuite à des camarades.

Le ministre de l’Éducation Mohamed Ali Boughdiri a qualifié cette série de « mascarade » dans une déclaration à une radio locale, affirmant avoir alerté la cheffe du gouvernement Najla Bouden.

« Nous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour arrêter cette mascarade qui a offensé les familles », « porte atteinte à tout le système éducatif et nuit considérablement à l’image de l’école tunisienne », a-t-il dit.

« Les ministres réunis ont à l’unanimité jugé des scènes violentes dans la série et qui ne reflètent pas la réalité dans les institutions éducatives nationales », a déclaré le ministre, rapporte l’agence tunisienne TAP.

Pour sa part, Hichem Snoussi, représentant de la Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), a estimé qu’il était « encore tôt pour se prononcer sur la qualité des productions télévisuelles ».

Deux avocats ont de leur côté déposé un recours auprès du tribunal de première instance de Tunis réclamant l’arrêt immédiat du feuilleton.

« Cette série porte délibérément atteinte aux mœurs et au système éducatif par la diffusion d’obscénités », ont notamment écrit dans leur requête les avocats Saber Ben Ammar et Hssan Ezzedine Diab.

L’un des deux avocats, Saber Ben Ammar, a même « accusé le feuilleton de vouloir encourager la franc-maçonnerie ». « Il a publié une photo d’une scène du feuilleton montrant des enfants portant des imperméables et l’a publiée à côté d’une photo montrant ce qui semble être une scène d’un autre film montrant une secte maçonnique. L’avocat a accusé le feuilleton de vouloir intégrer la franc-maçonnerie au cursus scolaire tunisien », rapporte un média local.

Traduction : « Après avoir propagé les jeux de hasard, le crime, la prostitution et convoqué les homosexuels, maintenant il s’agit d’introduire les enseignements de la franc-maçonnerie dans nos écoles à la place des valeurs de l’islam et de notre authentique moralité arabe. Comparez les deux images pour comprendre. Que Dieu vous détruise. »

Mais la justice les a déboutés.

La Fédération de l’enseignement secondaire, un puissant syndicat, a elle aussi violemment critiqué la série qui « porte gravement atteinte aux enseignantes et aux enseignants » et appelé le ministère de l’Éducation à enquêter « sur les circonstances qui ont permis son tournage par une chaîne privée dans une école publique ».

Le secrétaire général de ce syndicat, Lassaad Yaacoubi, a affirmé de son côté que le ministère de l’Éducation avait approuvé le tournage en échange du don à l’établissement par la chaîne de « quelques meubles » utilisés pendant sa réalisation.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].