La nomination d’Olfa Hamdi à la tête de Tunisair provoque des secousses sur les réseaux sociaux
« Tous unis pour le décollage... Ensemble pour protéger la gazelle. » Le jour de sa nomination en tant que PDG de la compagnie aérienne tunisienne Tunisair, Olfa Hamdi a posté ce message sur Facebook, illustré par un avion en plein décollage.
C’est avec ces mots que la jeune femme de 35 ans a aussi répondu aux critiques qui se sont répandues sur internet après son affectation aux commandes de l’entreprise, un poste vacant depuis le limogeage d’Elyes Mnakbi en juillet 2020.
Car ce choix ne fait pas l’unanimité. Bien qu’elle soit appréciée pour son CV et son expérience en dépit de son jeune âge, Olfa Hamdi est sujette à plusieurs critiques.
Cette experte internationale en matière de planification et d’exécution stratégique de projets d’investissement axés sur la construction a fondé l’Advanced Work Packaging Institute avant de cofonder Concord Project Technologies en 2016.
Ingénieure et entrepreneure de la Silicon Valley, Olfa Hamdi est titulaire d’un master de sciences en gestion de projets d’investissement (université du Texas à Austin), d’un master de sciences en ingénierie (École centrale de Lille) et d’un diplôme d’études supérieures en résolution alternative des conflits de construction (Texas School of Law).
Elle est également membre de la section « droit de la construction » au barreau de l’État du Texas.
Si certains internautes saluent son courage, d’autres doutent de ses capacités à gérer une société de l’ampleur de Tunisair et prédisent un échec annoncé.
Sa mission ? « Développer un plan d’action stratégique pour sauver Tunisair et assurer son développement afin de lui permettre d’être compétitive sur les marchés mondiaux de l’aviation, notamment européen et africain », a annoncé le ministère du Transport lundi 4 janvier.
Le licenciement de 61 % de la masse salariale
« Pour rétablir son équilibre financier, la compagnie doit licencier 4 800 employés, soit 61 % de ses employés », avait déclaré il y a un an l’ancien PDG de Tunisair. Un plan de réforme a été mis en place en 2017 mais son exécution reste limitée.
La masse salariale fait partie des grandes problématiques de la compagnie : en plus de dossiers de corruption, la direction doit faire face à un syndicat puissant refusant toute opération de cession partielle ou totale des entreprises publiques.
Compliquée depuis la révolution de 2011, la situation de Tunisair, entreprise fondée en 1948, s’est aggravée avec la pandémie de coronavirus : à l’endettement qui avoisine le milliard de dinars (304 millions d’euros) et aux problèmes techniques (sur une trentaine d’avions, seuls huit sont fonctionnel), s’est greffée la chute du nombre de passagers, évaluée à 75 % au cours des trois premiers trimestres de 2020.
D’autres internautes s’inquiètent de son manque de références dans le secteur aérien.
« Elle ne connaît rien à l’aérien ni à l’environnement local et international d’un secteur aussi sensible, et on la parachute à la tête d’une entreprise qui a besoin d’un plan de sauvetage urgent », relève l’analyste financier Moez Joudi.
Karim Baklouti Barketallah, membre du parti Tahya Tounes, s’interroge sur l’avenir de la nouvelle dirigeante qui, selon lui, « n’a jamais travaillé dans une entreprise », « n’a jamais assisté à un conseil d’administration et n’a probablement jamais eu à faire à l’administration tunisienne ».
Issue d’une famille modeste et formée dans les écoles tunisiennes avant d’évoluer à l’étranger, Olfa Hamdi a raconté à la télévision sa success story, affirmant avoir inventé une nouvelle méthode pour gérer des grands projets, notamment dans la construction, aux États-Unis.
« Mon idée a impacté l’économie américaine », s’est-elle vantée. « Je suis rentrée en Tunisie pour l’appliquer dans mon pays, pour qu’il en profite. »
Certains de ses détracteurs estiment qu’elle n’est qu’une coquille vide qui a travaillé son image à l’américaine.
La nouvelle PDG avait aussi été proposée au poste de ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Jemli, rejeté par le Parlement en janvier 2020.
Traduction: « Il est contradictoire de critiquer avant l’heure la nouvelle direction de Tunisair, dont les avions sont toujours en retard. »
Olfa Hamdi n’est pas la première femme à diriger Tunisair : elle a été précédée par Sarah Rajeb en 2016 et Salwa Sghaier de 2014 à 2016.
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