De père en fille, le FN face au risque de sa normalisation
Ce sera seulement « Marine2017 », comme une marque épurée. Enterré, le patronyme. C'est dans le village de Brachay, en Haute-Marne, que Marine Le Pen a fait sa rentrée politique début septembre. Pour s'afficher en femme « libre » vis-à-vis de « l'argent », « de l'Union européenne et de Berlin », « redevable vis-à-vis de personne », selon ses propres mots. Et pas même de son père.
Un an auparavant, la candidate Front national (FN) avait entamé l’éloignement du patriarche, devenu gênant pour son ascension politique. Le couperet était tombé en août 2015, quand le bureau exécutif du FN avait décidé de l'exclusion du fondateur du parti. Quinze faits lui étaient reprochés, dont ses propos sur les chambres à gaz, « point de détail de l'histoire de la Seconde guerre mondiale ». Les Atrides chez Le Pen donc, un parricide politique sur fond de querelle familiale.
Au nom du père : une stratégie de dédiabolisation couronnée de succès
Désormais, la méthode de Marine Le Pen est simple : occuper les terrains, plutôt que le terrain. Et jouer sur tous les fronts de la dédiabolisation, de la normalisation. Chaque sortie médiatique est soignée : « Sa moindre apparition bat des records d’audience. Les médias ont anticipé le changement et, ce faisant, ont contribué à construire l’image de sa nouveauté », décode Nonna Mayer, politologue spécialiste de l’extrême-droite. Aucune hésitation non plus à s'entourer d'une garde rapprochée à l'aise avec les médias, surtout les réseaux sociaux, à l'image du numéro 2 du parti, Florian Philippot, qui a été l'homme politique le plus invité sur les plateaux télé en 2015.
Car plus que tout autre espace, le terrain de l’image est primordial. Après le FN, est venu le Rassemblement bleu Marine puis dorénavant « Marine2017 », le mot d’ordre pour l’élection. Qu’on se le dise, le FN de la fille n’a plus rien à voir avec celui du père. Les crânes rasés sont discrètement évacués de la photo. Haro aussi sur les saillies racistes, qui sont à présent sanctionnées. Et assez des élus inexpérimentés. Une formation aux médias et à la gestion publique est ainsi dispensée aux nouveaux élus. Place à la professionnalisation et à la normalisation. Comme l’indique à MEE Cyril Nauth, maire FN de Mantes-la-Ville, dans les Yvelines : « On a eu une réunion au siège du parti pour délivrer des conseils d'ordre général, sur la tenue d'une commune mais aussi pour ne pas chercher forcément le spectaculaire, la provocation ».
« Le ‘’nouveau’’ FN est surtout un mythe, entretenu par des médias que Marine Le Pen fascine »
- Nonna Mayer, politologue spécialiste de l’extrême-droite
Le concept d'ouverture du Front national est aussi l'un des marqueurs de la rupture idéologique père-fille. Car le FN nouvelle-formule ne se veut plus comme le parti sensible à la logorrhée xénophobe « jean-mariste » mais plutôt comme un parti « démocrate », comme plaide Florian Philippot dans une interview pour MEE.
LIRE L'INTÉGRALITÉ DE L'INTERVIEW DE FLORIAN PHILIPPOT
Cette rupture savamment orchestrée attire : ainsi de Christophe Versini, 27 ans, ex-UMP (Union pour un mouvement populaire, droite) fraîchement encarté FN, qui considère que seule Marine Le Pen répond à ses attentes : « L'UMP est devenu trop européiste, trop atlantiste. Il y a eu davantage d’immigration sous Nicolas Sarkozy que sous François Hollande. Cela a été dur pour moi au début de rejoindre le FN. Mais la situation actuelle fait que je me sentais dans l’obligation de rejoindre ce parti car il est le seul qui pourra changer les choses », explique-t-il à MEE. Ce tout jeune responsable parisien FN admet que c'est bien Marine Le Pen qui a favorisé son arrivée au sein du parti. Le père, Roi Lear sur le déclin, aurait freiné son adhésion.
Autre exemple, celui de Cyril Nauth. Propulsé maire à 32 ans lors des élections municipales de 2014, il fait figure du parfait adhérent : « J'estimais que Marine Le Pen allait apporter une touche de modernité, dans le bon sens du terme, et surtout une certaine efficacité politique sur le plan électoral. C'est vrai, il est plus facile de militer maintenant pour Marine Le Pen que pour Jean-Marie Le Pen », explique-t-il à MEE.
C'est que la force d’attraction du FN « mariniste » est servie par un contexte social et sécuritaire lourd : chômage en hausse dans un pays en apnée et vivotant désormais au rythme des menaces d'attentats. Il est toutefois difficile de trouver une logique dans la composition des adhérents du parti tant leurs profils sont divers et reflètent dorénavant toutes les couches socio-professionnelles de la France.
« C'est vrai, il est plus facile de militer maintenant pour Marine Le Pen que pour Jean-Marie Le Pen »
- Cyril Nauth, maire FN de Mantes-la-Ville
« Marine Le Pen a hérité d’un parti considérablement affaibli par la scission des mégrétistes [en 1998, Bruno Mégret, alors numéro 2 du FN, s’était frontalement opposé à Jean-Marie Le Pen, entraînant un durable affaiblissement du FN]. Le FN comptait alors environ 42 000 militants, deux ans plus tard ils étaient 12 000. Le premier objectif de Marine Le Pen a été de le reconstruire. On observe une vraie dynamique militante puisqu’en juillet 2015, il dépasse les 51 000 membres, ses effectifs se sont rajeunis et féminisés », décrypte pour MEE la politologue Nonna Mayer.
Selon elle, le grand changement est celui du vote des femmes. Sous le père, elles étaient plus réticentes à voter pour le FN, avec son image de parti extrême et violent : « Peut-être parce que Marine Le Pen est une femme, qui travaille, qui se dit ‘’quasi-féministe’’ et est plus moderne sur les questions de société », note Nonna Mayer.
Autre changement, la progression du vote FN dans les zones rurales, dans les petites et moyennes communes qui se sentent isolées et abandonnées des pouvoirs publics. « Ils pensent que l’argent va d’abord aux banlieues. Ils ont la peur d’une contagion des problèmes sécuritaires des grandes villes. Alors qu’hier le vote FN était plutôt un vote urbain. Une étude de l’IFOP montre que moins il y a de services et de commerces de proximité, plus le vote FN augmente. Marine Le Pen joue sur cette France des ‘’oubliés’’ », rappelle encore la chercheuse.
Autre nouveauté, le vote frontiste dans la fonction publique. Les intentions de vote des agents de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière affichent une nette progression entre 2012 et 2016 en faveur de Marine Le Pen pour la prochaine échéance électorale de 2017.
Mais la question demeure : le FN de la fille est-il si différent de celui du père ?
« Il faut que tout change pour que rien ne change et que nous restions les maîtres »
Le FN n’est donc plus le même ? Le problème est que ce parti a toujours beaucoup « changé ». Sa plasticité idéologique ne cesse d’ailleurs de donner le tournis, le FN s’adaptant à la demande politique de son électorat. Comme le note le spécialiste de l’extrême-droite Nicolas Lebourg lors d’une allocution à la Fondation Jean Jaurès à laquelle MEE a assisté :
Le FN de la fille est-il si différent de celui du père ?
« Le FN cherche constamment à se désenclaver. Quand Marine Le Pen reprend le parti, elle lui donne une orientation nationale-populiste qui pose que l’extrême-droite défendrait les valeurs de liberté européennes et que le totalitarisme serait du côté de l’islam. Son programme s’inscrivait donc dans la défense des minorités : femmes, gays. En cela, elle s’inspirait du néo-populisme du néerlandais Geert Wilders. Depuis 2012, le FN est passé au souverainisme intégral : la souveraineté et l’autorité contre la globalisation, qui est présentée comme une orientalisation, par l’islam en ce qui concerne les valeurs, par la Chine en ce qui concerne l’économie. Avec le terrorisme, cette demande de souveraineté et d’autorité peut avoir une efficacité. »
Dans le cadre de sa dédiabolisation, le FN ratisse très large. Premier parti ouvrier de France, il prétend même que Jean Jaurès, Léon Blum ou même Karl Marx, figures tutélaires du socialisme français, auraient voté FN. Voilà pour la gauche. La droite traditionnelle, que le FN a toujours prétendu incarner, n’est pas oubliée. De Gaulle, l’homme honni des nostalgiques de l’Algérie française qui ont longtemps formé la base électorale du FN, est ainsi devenu la « référence absolue » de l’artisan de la dédiabolisation, Florian Philippot.
Or par ces grands écarts, le FN ne risque-t-il pas de diluer, voire de noyer son discours dans un fourre-tout idéologique erratique ? En aucun cas, balaie Florian Philippot, qui précise à MEE que non seulement le FN progresse mais que le message du parti « est de mieux en mieux compris ».
Vraiment ? Selon les observations de Nicolas Lebourg, « la normalisation peut aussi être très mal perçue chez les militants. Et Florian Philippot l’est aussi ». L’architecte de la dédiabolisation est en effet vu comme un représentant de cette énarchie parisienne pourfendue par le FN.
Pire, au sein même du FN, les dissensions percent, sous le vernis du « tous avec Marine ». Ainsi, deux tendances se dégagent. Celle conduite par la nièce, Marion Maréchal Le Pen, tenante d’un libéralisme économique et de l'union de toutes les droites, qui va même jusqu’à se positionner en faveur du maintien dans la zone euro – gênant quand sa tante fait du « Frexit » son principal thème de campagne. La nièce, catholique traditionaliste, n’hésite pas aussi à se déclarer « saoulée par les valeurs de la République », ce qui jure avec l’image moderne et républicaine que se construit patiemment sa tante.
Et puis il y a le camp conduit par Florian Philippot, tenant du « ni gauche ni droite », libéral sur les questions sociétales et protectionniste sur l’économie.
Entre ces deux pôles, Marine Le Pen déplace constamment le curseur de la droite vers la gauche, et inversement. Jusqu’au vertige. Jusqu’à la confusion ? Pourtant, la stratégie semble porter ses fruits : « Cela se complète très bien. Ces deux courants font un bon mixage et c’est ce qui nous permettra de gagner car c’est large, et on touche un grand nombre de Français », explique à MEE le militant FN Christophe Versini. Toutefois, avec la présidentielle viendra forcément le temps de la synthèse. Comme le pense Nicolas Lebourg, « toute la question pour Marine Le Pen sera d’être capable de manier ces contraires ».
Sur ses fondamentaux, ce parti demeure cependant constant. Nonna Mayer estime ainsi que « le ‘’nouveau’’ FN est surtout un mythe, entretenu par des médias que Marine Le Pen fascine » : « Elle offre un contraste saisissant avec son père. Elle ne correspond pas aux clichés sur l’extrême droite ‘’facho’’. Enfin, dans un paysage politique terne et éclaté, sa dynamique électorale fascine ».
Pour la chercheuse, quand on regarde le programme, les militants, les réseaux, l’électorat du FN mariniste, les continuités l’emportent : « Marine Le Pen, comme son père, sait jouer aussi sur le registre de la transgression, comme avec ses propos sur les prières de rue, assimilées à l’occupation. Car comme le dit Jean-Marie Le Pen : ‘’Un parti gentil, ça n’intéresse personne’’ ».
« Le FN a au fond deux doctrines, la sécurité et la haine de l'immigré »
- Hervé le Bras, démographe
Même analyse du côté de Nicolas Lebourg, qui note que « la radicalité demeure une ressource pour le FN ». Le parti n’a ainsi pas fondamentalement changé car ce qui motive les électeurs est que l’immigration est le problème central. Toute la question sociale est ramenée à la question ethnique. Une opinion que partage nettement le démographe Hervé le Bras, qui résume pour MEE : « Le FN a au fond deux doctrines, la sécurité et la haine de l'immigré ».
La dédiabolisation du FN serait-elle donc un simple « storytelling », pour reprendre l’expression de Christian Salmon ? Un habillage rhétorique habile de ce qui, au fond, n’a pas changé ? Car le FN et sa plasticité idéologique si insaisissable agrègent depuis 30 ans ceux qui sont restés en arrière, au gré des crises politiques ou économiques : pieds-noirs, petits commerçants, ouvriers, désormais petits fonctionnaires et employés qui voient dans la désintégration de l’État providence et de la nation la répétition à échelle du pays de leur propre déclassement. Le FN est la France du « contre ». Anecdote intéressante rapportée à MEE par le journaliste Mehdi Gherdane : un habitant de Mantes-la-Ville lui aurait expliqué vouloir voter FN car les ouvriers du chantier derrière chez lui font trop de bruit, malgré sa plainte à la mairie.
Autre continuité, le FN « mariniste » n’a pas changé de discours, il en a seulement déplacé les lignes : il ne parle plus de race mais de culture, plus d’inégalité raciale mais de préservation des particularismes, plus de rejet de l’Autre mais d’identité. Il récupère ou impulse les obsessions du moment, jusqu’à investir des valeurs pourtant honnies par l’extrême-droite traditionnelle : la laïcité dont il se fait le chantre, la République dont il se fait le héraut, la défense des femmes alors que ce parti a toujours eu une position conservatrice, les minorités sexuelles aussi, loin des outrances homophobes du père. Et tous ces combats nouveaux se font non pas au nom de la patrie mais de la souveraineté, non pas contre le cosmopolitisme mais contre la mondialisation, non pas au nom du nationalisme mais du patriotisme, non pas pour la préférence mais pour la priorité nationale. Et non pas contre l’islam, mais « l’islamisme ». Face aux « islamistes », Marine Le Pen se pose en défenseure des droits, dans un retournement du stigmate extrémiste : le FN n’est pas raciste, ce sont « les autres », les fondamentalistes musulmans, les immigrés qui font du racisme « anti-français ». Le FN n’est pas le parti aux relents pétainistes qu’il était mais celui qui « résiste » à l’invasion des immigrés, qualifiée d’« occupation ».
Dans ce glissement sémantique subtil, demeure l’essentiel : ce que le spécialiste de l’extrême-droite Nicolas Lebourg appelle « une vision organique » du monde, avec une nation vue comme un corps vivant agressé de l’extérieur et de l’intérieur. Nonna Mayer note que les électeurs et sympathisants « ont tendance à rejeter plus que la moyenne toutes les minorités, juifs mais aussi musulmans, Roms, noirs, étrangers. Dans leur hiérarchie du rejet, ce ne sont pas les juifs qui viennent en tête, mais les musulmans, juste après les Roms ».
Donc reposons la question : entre le FN et « Marine », aucun changement ? Pour Nonna Mayer, la vraie dédiabolisation s’est faite surtout sur le registre de l’antisémitisme : « Marine Le Pen a voulu débarrasser le FN de ce qui est pour elle l’obstacle principal : l’image d’antisémitisme, qui associe le FN au traumatisme lié à la Seconde guerre mondiale et à la déportation. Son combat, c’est l’immigration et l’islamisme radical. Elle veut, plus encore que son père, qui après 2002 n’y croyait plus, arriver au pouvoir, sortir de la posture anti-système ».
Les électeurs et sympathisants « ont tendance à rejeter plus que la moyenne toutes les minorités, juifs mais aussi musulmans, Roms, noirs, étrangers »
- Nonna Mayer
Pourtant, cet antisémitisme que Marine Le Pen a voulu si fortement gommer, jusqu’à s’attirer le satisfecit de l’ancien président du CRIF, Roger Cukierman, demeure dans le parti : « Toutes les enquêtes montrent que les électeurs et sympathisants déclarés du FN sont beaucoup plus antisémites que la moyenne, avec des écarts de 30 points et plus », rappelle Nonna Mayer.
Marine Le Pen seule ne franchit donc pas cette ligne rouge de l’antisémitisme. Mais pour le reste ?
Tous à l’extrême-droite du FN
Le FN avec sa mue, même rhétorique, est en train de profondément restructurer le paysage politique français. Longtemps parti épouvantail, avec son cortège de néo-nazis, le FN est désormais le parti central. Ou du moins ses thèmes de prédilection – immigration, sécurité, islam – le sont devenus.
Cet été, avec la polémique sur le burkini, le FN s’est même offert le luxe d’être discret, laissant Les Républicains (LR) et, relativement, le Parti socialiste (PS) agiter le maillot de bain « ostentatoire » de la discorde. Plus encore, en pleine agitation « burkiniesque », Marine Le Pen a déclaré que l’islam est compatible avec la République. Quand LR et même certains au PS en sont encore à poser doctement la question. Étrange inversion donc, où les partis traditionnels parlent comme le FN et le FN comme les partis traditionnels.
« Le FN n’a plus besoin de faire campagne ; les autres partis le font pour lui. Il s’agit là du signe d’une nette victoire de l’hégémonie culturelle »
- Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême-droite
Qu’observe-t-on ? À droite, un Nicolas Sarkozy qui retente sa tactique de 2007 dite du « siphonage » des voix du FN en reprenant les thèmes frontistes, comme sa sortie posant que « nos ancêtres sont Gaulois ». L’historien et anthropologue Hervé Le Bras est formel : « C’'est la droite qui fabrique Marine Le Pen en grande partie [...] Car c'est en 2007 que Nicolas Sarkozy met le paquet en reprenant des thèmes FN », indique-t-il à MEE.
Et puis à gauche aussi, où Manuel Valls prédit que la campagne pour l'élection présidentielle de 2017 se fera essentiellement autour des questions culturelles et identitaires. Désormais, selon Nicolas Lebourg, « le FN n’a plus besoin de faire campagne ; les autres partis le font pour lui. Il s’agit là du signe d’une nette victoire de l’hégémonie culturelle ».
Si cette hypothèse est vraie, si le FN a bien percolé toutes les idées politiques, quelles conséquences sur le paysage politique français ? Le temps est encore aux hypothèses.
LR et dans une moindre mesure le PS tentent, sur le FN, la technique de neutralisation en reprenant les thèmes frontistes. Toute la question est de savoir si l’électeur français ne préférera pas l’original aux ersatz, lui qui semble avoir compris, comme le note Nicolas Lebourg, que voter FN « c’est adhérer à la contestation. Un moyen d’agir sur le réel. Un acte de lobbying aussi car c’est l’un des rares moments où l’électeur est écouté par les autres partis ».
Mais si tous les partis font désormais aussi du FN, que restera-t-il au parti d’extrême-droite pour se démarquer ? La réponse : investir ce qui ne l’est plus par les autres partis. Toutes les strates de l’électorat et tous les sujets désertés par ses concurrents trop occupés à courir derrière lui : création d’un « collectif Nouvelle Écologie », d’un collectif « Banlieues patriote » pour les quartiers dits sensibles, d’un collectif Racine pour l’Éducation nationale, d’un collectif Audace et Croissance Bleu Marine pour le monde de l'entreprise… Sur tous les sujets, en somme, le FN fourbit ses arguments, que le groupe « Horaces », collectif de hauts fonctionnaires et chefs d’entreprises du parti, structure en fournissant analyses et propositions.
Voter FN « c’est adhérer à la contestation. Un moyen d’agir sur le réel. Un acte de lobbying aussi car c’est l’un des rares moments où l’électeur est écouté par les autres partis »
- Nicolas Lebourg
Le FN s’est toujours affirmé comme un parti hors des clivages traditionnels, « ni gauche, ni droite ». C’était sa force jusqu’à présent, car cette position ou posture lui assurait une mobilité, une volatilité qui le rendait fluide et adaptable. Partout et nulle part à la fois. Or un FN aux portes du pouvoir suppose une « sédentarisation » idéologique qui l’obligera à devenir un parti « comme les autres ». Est-il prêt ?
Le FN entreprend aussi sa mue de parti du « contre » vers le « pour », d’un parti de mise en accusation vers un parti de construction. Là, il sera alors confronté au réel, lui qui ne cesse de se réclamer de la réalité, avec la nécessité de fournir un programme politique cohérent. Car quid de la méfiance des milieux économiques ? Quid de l’image de parti encore perçu comme différent, « un danger pour la démocratie » (56 % des sondés en février 2016, Baromètre d’image TNS-Sofres/Le Monde). Quid d’une France traversée par des lignes de clivages exacerbées par les attentats et la situation économique ? Il n’est pas certain qu’un FN au pouvoir « apaise » les Français, comme l’affirme son slogan. Car au bout du compte, l’obsession de l’immigré, de l’étranger, ne fait pas à elle seule une politique efficace et rassembleuse.
Photo : la présidente du Front national, Marine Le Pen (AFP).
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