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Deux ans de drame supplémentaires entre Netanyahou et Obama

« Les relations personnelles entre les deux leaders ont toujours été mauvaises », a déclaré à Middle East Eye Josh Ruebner de la Campagne américaine pour la fin de l’occupation israélienne

NEW YORK – La réaction de la Maison Blanche au succès de Benjamin Netanyahou aux élections de mercredi a été glaciale, s’inscrivant dans le contexte de vives disputes avec le Premier ministre israélien au sujet des négociations de paix avec les Palestiniens et de l’encadrement du programme nucléaire iranien.

Netanyahou s’est engagé à former un nouveau gouvernement de coalition suite au vote majoritairement à droite des électeurs lors du scrutin de mardi. Durant les derniers jours de sa campagne, il avait abandonné les négociations sur un Etat palestinien, socle du processus de paix appuyé par les Etats-Unis.

« La politique américaine depuis plus de vingt ans s’est fondée sur la solution à deux Etats comme objectif dans la résolution du conflit », a déclaré mercredi le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, au sujet d’un accord insaisissable qui a été poursuivi par les administrations tant républicaines que démocrates.

« Sur la base des commentaires du Premier ministre Netanyahou, les Etats-Unis vont réévaluer leur position et la marche à suivre ».

La Maison Blanche a aussi été alarmée par ce qu’elle a appelé la « rhétorique de division » de Benjamin Netanyahou, qui a indiqué que l’extrême gauche amenait les Arabes israéliens à voter « en masse » afin de faire pencher le scrutin contre lui, explique Earnest.

« La rhétorique cherchant à marginaliser un segment de la population est extrêmement préoccupante », a déclaré Josh Earnest aux journalistes, alors qu’il apparaissait que le Likoud de Netanyahou avait gagné trente sièges sur les cent-vingt que compte la Knesset, battant le bloc de centre-gauche, l’Union sioniste, de vingt-quatre sièges.

Un éditorial du New York Times s’est fait l’écho de ses préoccupations. Le journal a vilipendé Netanyahou pour ses « diatribes racistes » contre les Arabes israéliens, pour « construire de manière agressive » des colonies en territoire palestinien et pour n’avoir jamais prix les négociations de paix au sérieux.

Les analystes étaient divisés sur la question de savoir si la déclaration de Netanyahou constituait un véritable tournant politique, exprimant sa frustration face aux négociations de paix au point mort, voire une manœuvre visant à consolider le soutien de l’extrême droite dans la perspective d’une élection que beaucoup avaient prédit qu’il perdrait.

Mais la plupart se sont accordés sur le fait que cette déclaration va faire durer une relation tendue entre les deux dirigeants qui se sont heurtés à plusieurs reprises sur le projet nucléaire iranien et sur la construction de colonies israéliennes, et ce probablement jusqu’à ce qu’Obama quitte ses fonctions en 2017.

« Les relations personnelles entre les deux leaders ont toujours été mauvaises », a déclaré à Middle East Eye Josh Ruebner, de la Campagne américaine pour la fin de l’occupation israélienne. « Rien ne va contribuer à l’amélioration de cette alchimie durant ces deux dernières années ».

« La seule question ouverte est de savoir si la réélection de Netanyahou va déclencher une reconsidération des options dont dispose l’administration Obama ».

La Maison Blanche ne va probablement pas retirer son soutien militaire, économique et diplomatique à Israël, mais l’élection peut influencer la prochaine manœuvre d’Obama en ce qui concerne les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, qui se sont effondrés l’année dernière, a-t-il expliqué.

Selon Neri Zilber, un analyste du Washington Institute for Near East Policy, Obama et Netanyahou vont probablement « minimiser l’importance de leurs différences ». La Maison Blanche pourrait s’aventurer à tracer un nouveau « cadre relatif aux contours d’une solution négociée ».

Natan Sachs, un expert israélien de la Brookings Institution, un autre think tank basé à Washington, partage cette opinion et ne prédit aucun grand changement à une politique qui n’a pas réussi à générer de progrès ces dernières années. « Continuité est le maître mot à présent », a-t-il déclaré à MEE.

Alors que Netanyahou a été critiqué pour ses querelles avec le président américain, Obama a conscience qu’Israël bénéficie d’un large soutien bipartisan aux Etats-Unis. « L’administration Obama va essayer de garder un profil bas sur le dossier israélo-palestinien et laisser le prochain président s’en occuper », indique Josh Ruebner à MEE.

Mais en « claquant la porte à la solution à deux Etats », Netanyahou pourrait s’aliéner davantage les Européens et les démocrates américains, de plus en plus préoccupés par la construction de colonies et les opérations militaires israéliennes à Gaza , ajoute Ruebner.

« Les think tanks américains vont commencer à réfléchir à la suite dans ce paradigme post processus de paix ; quelles sont les nouvelles réalités ? », dit-il à MEE. « Ces conversations vont avoir lieu dans toutes sortes d’endroits, mais pas à la Maison Blanche ».

Ce n’est pas un secret que la relation entre Obama et Netanyahou s’est détériorée ces dernières années, mais les tensions ont atteint un nouveau pic ce mois-ci quand l’Israélien a prononcé un discours au Congrès et discrédité le plan d’Obama visant à arrêter le programme nucléaire iranien.

Ce discours a été largement considéré comme une brèche au protocole et une source d’embarras pour un président en exercice, minant par ailleurs ses efforts de conclure un accord avec la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne afin de stopper Téhéran dans sa capacité à construire des armes nucléaires.

Le succès de Netanyahou aux élections signifie qu’il va vraisemblablement rester Premier ministre, ce qui lui fournit une plateforme pour critiquer un accord qui, selon lui, laisse Téhéran avec la plupart des infrastructures nécessaires pour enrichir de l’uranium et construire des armes apocalyptiques.

Selon Natan Sachs, Netanyahou est la « voix la plus féroce » contre l’accord avec l’Iran, que beaucoup de parlementaires républicains aux Etats-Unis voient avec suspicion. « Cela ne sera pas une surprise si nous voyons de nouveaux drames politiques à Washington DC et entre Washington et Jérusalem », indique-t-il à MEE.

« S’il y a un accord, nous allons clairement voir une confrontation avec Israël à ce sujet. Mais Israël est juste le front d’une opposition plus vaste des Etats arabes sunnites : l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, qui sont tout autant opposés à l’accord que ne l’est Israël », ajoute-t-il.

Mercredi, les républicains, y compris des candidats potentiels à la course à la Maison Blanche de 2016, ont exprimé leur soutien pour Netanyahou. Selon Scott Walker, un parlementaire du Wisconsin, « les Etats-Unis et Israël doivent rester unis et s’opposer à l’Iran ».

L’ancien gouverneur de l’Arkansas, Mike Huckabee, a déclaré officiellement : « Je suis gêné que l’administration Obama fasse confiance à l’Iran alors que cela nuit à Israël. Les bureaux de vote ont fermé, le peuple s’est exprimé et il est temps pour le gouvernement américain de supporter à nouveau Israël ».

Le secrétaire d’Etat John Kerry et d’autres négociateurs jouent contre la montre afin de parvenir à un accord cadre avec l’Iran d’ici la fin du mois. Pour Zilber, Israël ne peut pas entreprendre d’action militaire seul et sera lié par tout accord que conclut la Maison Blanche.

« Israël devra respecter tout accord diplomatique que les Etats-Unis et la communauté internationale concluront sur le programme nucléaire iranien », indique-t-il à MEE. « La notion selon laquelle Israël peut torpiller un accord international avec l’Iran n’est pas probable, même après cette victoire retentissante de Netanyahou ».
 

Traduction de l'anglais (original).

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