L’État islamique passe au niveau supérieur en Égypte
L’explosion retentissante du consulat italien, situé dans le cœur de la capitale égyptienne, montre que le groupe État islamique (EI) a intensifié sa campagne meurtrière contre le gouvernement égyptien en frappant un allié occidental du Caire
Samedi, un attentat à la voiture piégée a frappé le consulat, tuant un civil et blessant neuf autres personnes. C’est la première fois qu’une mission diplomatique étrangère est ciblée par une attaque en Égypte depuis que des groupes armés ont lancé une insurrection contre les forces de sécurité du pays il y a deux ans suite à une répression massive de la dissidence.
L’attentat, qui a été revendiqué par l’État islamique, fait suite aux appels du porte-parole du groupe, Abu Mohamed al-Adnani, de frapper des cibles occidentales, où qu’elles se trouvent.
« Je ne pense pas que c’était l’Italie en tant que telle qui était visée, mais plutôt un pays occidental, quel qu’il soit », a déclaré H. A. Hellyer, spécialiste du monde arabe à la Brookings Institution, un think tank basé à Washington.
L’attaque est une mise en garde claire à l’attention du Caire.
« De cette manière, les terroristes peuvent montrer qu’ils sont capables d’atteindre le gouvernement au centre du Caire, près de la station de métro, sous un important pont routier, et contre une institution étrangère, sans causer [un grand nombre] de victimes – cette fois-ci. »
L’emplacement du consulat, au centre-ville du Caire, en faisait une cible idéale, selon un diplomate occidental qui a témoigné sous couvert d’anonymat.
La mission est en effet abritée dans un bâtiment historique situé entre la station ferroviaire de Ramsès et la place Tahrir, au beau milieu d’un labyrinthe de rues remplies de piétons, de véhicules et de commerçants.
« La sécurité y est plus difficile à maintenir que dans les ambassades du Royaume-Uni ou des États-Unis », celles-ci se trouvant dans le quartier huppé de Garden City, a précisé le diplomate.
« Donc c’était en quelque sorte une cible facile. »
La portée croissante de l’EI
Le Premier ministre italien, Matteo Renzi, a déclaré au journal La Repubblica que « certains aspects [de l’attentat] étaient le fruit du hasard » et « révélaient la capacité logistique [du groupe] à frapper une nation occidentale ».
Il a ajouté que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi était le seul à pouvoir « sauver » l’Égypte.
« C’est ma position personnelle ; je suis fier de l’amitié qui nous unit et je le soutiendrai dans la voie de la paix parce que la paix en Méditerranée est impossible sans l’Égypte », a déclaré Renzi à Al-Jazeera.
L’Italie et l’Égypte sont liées depuis plusieurs années par d’importants liens politiques et économiques, et le gouvernement italien a accueilli Sissi à Rome peu après son élection à la présidence l’année dernière.
L’Égypte a été ébranlée par une vague de violences depuis qu’Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de l’armée, a renversé le président démocratiquement élu Mohamed Morsi en juillet 2013.
S’était ensuivie une répression gouvernementale qui avait conduit à la mort de centaines de personnes et à l’emprisonnement de milliers d’autres opposants au gouvernement.
Les milices affirment que leurs attaques sont menées en représailles à cette répression.
L’attentat de samedi témoigne de la portée croissante des militants de l’EI, capables d’attaquer non seulement dans le Sinaï Nord, où ils ont tué des dizaines de policiers et de soldats, mais aussi au cœur même de l’Égypte.
Les attentats du Sinaï ont été revendiqués par le groupe égyptien « Province du Sinaï », affilié à l’EI, alors que celui de samedi a été revendiqué par un groupe se faisant appeler « État islamique en Égypte ».
« C’est la première tentative d’établir un nouveau groupe affilié à l’EI en Égypte continentale », a observé Michael Wahid Hanna, spécialiste de l’Égypte auprès du think tank new-yorkais Century Foundation.
« Cette attaque fait état de l’ambition et de la portée de l’EI. C’est un développement significatif... Nous ne pouvons dire si cette expansion est viable mais c’est sans conteste une tentative de s’étendre. »
Des « cellules terroristes démantelées »
La police égyptienne a indiqué par le passé que des miliciens avaient cherché à s’implanter au Caire et dans le delta du Nil, d’après les dires des habitants eux-mêmes, qui renseignent régulièrement les forces de sécurité.
En mai, six membres présumés de l’EI accusés du meurtre de soldats ont été exécutés, certains d’entre eux avaient été arrêtés lors d’une descente de police effectuée au nord du Caire l’année dernière.
« Chaque jour nous démantelons des cellules terroristes, nous déjouons des attaques, et les forces de sécurité sont déployées pour protéger les installations », a déclaré un haut gradé de la police.
« Peut-être que le consulat italien a été attaqué car l’Italie soutient l’Égypte. »
Pour Mohamed al-Zayat, chercheur au Regional Centre for Strategic Research du Caire, les militants véhiculent un message clair affirmant que « l’Égypte est instable ».
« Et si vous frappez les prémisses d’institutions étrangères, cela aura beaucoup plus d’écho à l’étranger que si vous frappez une installation égyptienne. »
Photo : un policier égyptien surveille les prémisses du consulat italien au Caire où a eu lieu une puissante explosion qui a causé la mort d’une personne le 11 juillet 2015 (AFP).
Traduction de l’anglais (original).
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