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La crise syrienne, un test pour la postérité d’Obama

Le 44e président des États-Unis, Barack Obama, pourrait bien laisser à terme le souvenir d’un chef d’État incapable d’avoir mis fin à la catastrophe humanitaire en Syrie

Les présidents nord-américains ont autant de chance de rester dans les mémoires pour leurs échecs que pour leurs succès en matière de politique étrangère.

Jimmy Carter a scellé les accords de Camp David qui ont ramené la paix entre Israël et l’Égypte, et pourtant c’est la prise d’otages en Iran qui aura, jour après jour, terni l’image de sa présidence.

Bill Clinton n’a pas réussi à mettre fin aux atrocités du génocide rwandais et George W. Bush restera à jamais gravé dans les mémoires comme le président qui a entraîné les États-Unis dans une guerre coûteuse en Irak.

Le 44e président des États-Unis, Barack Obama, n’a pas seulement travaillé d’arrache-pied pour conclure un accord nucléaire avec l’Iran qui lui a ouvert la voie royale de la postérité, mais il a également rétabli les relations avec Cuba, favorisé un rééquilibrage vers l’Asie et pourchassé Osama ben Laden.

Et pourtant, il se peut qu’à terme, ce soit son incapacité à endiguer la catastrophe humanitaire en Syrie qui restera dans les mémoires.

En à peine plus de quatre ans, le conflit a fait plus de 240 000 victimes et a provoqué la crise des réfugiés la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’intérêt national

À bien des égards, la crise syrienne est un véritable fléau qui a déferlé sur la politique étrangère de l’administration Obama.

Barack Obama est arrivé au pouvoir déterminé à mettre fin à l’arrogance que suscitait son prédécesseur.

Les guerres en Irak et en Afghanistan, qui ont entraîné des occupations prolongées, ont épuisé les ressources nord-américaines et attisé le sentiment anti-américain chez une nouvelle génération de musulmans.

« Depuis le tout début, nous avons pu observer une Maison-Blanche qui analyse le problème et recherche des options et des solutions tout en s’assurant que les mesures proposées vont dans le sens d’une amélioration plutôt que d’une dégradation de la situation avant d’envisager toute nouvelle initiative politique », déclare un haut diplomate européen.

Barack Obama a adopté une approche hyper-rationaliste en matière de politique étrangère, à l’opposé de l’idéalisme qu’il faisait valoir lors de sa campagne présidentielle.

« Il pense que s’engager dans un nouveau conflit terrestre au Moyen-Orient n’est pas dans l’intérêt des États-Unis », a précisé son porte-parole, Josh Earnest, lors d’une nouvelle tentative de défense de la politique étrangère de la Maison-Blanche.

« Ce scénario ne servirait pas les intérêts supérieurs de notre sécurité nationale et ne nous dispenserait pas, en toute logique, d’une crise des réfugiés. »

Mais ce choix n’explique qu’en partie la réticence de Barack Obama. La Syrie illustre parfaitement cette tendance profondément marquée dans la présidence d’Obama.

À la Maison-Blanche, des personnalités majeures sont depuis longtemps contrariées par la prédominance du Moyen-Orient à l’ordre du jour de la présidence américaine.

De leur point de vue, l’Asie, avec sa forte population et une croissance exponentielle, n’a toujours pas reçu toute l’attention qu’elle mérite : le continent abrite la grande majorité de l’humanité et devrait se retrouver dans les décennies à venir à la tête de l’économie mondiale.

L’idée que l’Amérique peut résoudre toutes les crises mondiales est loin de convaincre l’administration Obama, qui était tout à fait disposée à laisser les alliés prendre les commandes dans les crises régionales.

L’Arabie saoudite pourrait ainsi réfréner l’essor des miliciens chiites au Yémen, l’Allemagne pourrait prendre en charge la crise économique en Grèce ainsi que la crise existentielle en Ukraine.

Mais les États-Unis ont choisi d’adopter une position non interventionniste à une période où plusieurs pays comme la Chine, l’Iran, la Russie et la Turquie cherchent à récupérer le pouvoir qu’ils ont perdu.

La Russie et l’Iran ont soutenu le gouvernement de Bachar al-Assad pour différentes raisons. La Russie voit dans la Syrie une opportunité stratégique de s’implanter au Moyen-Orient, alors que l’Iran, en s’alliant à certains groupes chiites à travers la région, a entraîné la déstabilisation des États arabes rivaux et déployé son pouvoir au-delà de ses frontières.

Une crise politique           

Dans ce contexte, c’est une véritable tempête qui s’est abattue ces derniers mois, car limiter l’engagement a aussi des travers.

La mission dirigée par les États-Unis visant à entraîner les rebelles syriens à combattre l’État islamique et à former, à terme, une cohorte de troupes sunnites capables de combattre l’armée syrienne, s’est considérablement essoufflée.

Il semble que la situation ait donné raison à ces hauts fonctionnaires qui avaient soutenu que le déploiement initial de quelques douzaines d’hommes était prématuré.

Ce n’est que récemment, face aux camps surchargés du Moyen-Orient et aux enfants échoués sur les plages européennes, que la longue tragédie que vivent les quatre millions de réfugiés syriens s’est traduite par une pression politique accrue à l’intérieur des États-Unis.

Selon un rapport récent du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), « Ne pouvant anticiper les effets que pourrait avoir une politique plus offensive et craignant que les alliés du gouvernement puissent exercer des représailles contre le personnel et les intérêts américains à l’étranger, l’administration Obama a tout fait pour éviter un renforcement de la participation des États-Unis dans le conflit ». 

« Mais seul un changement de la politique américaine mettra fin au conflit. » 

En privé, certains hauts fonctionnaires américains expriment le souhait que la situation chaotique en Syrie puisse éveiller les consciences en faveur d’un engagement fort de la puissance américaine, essentiel, selon eux, au maintien de l’équilibre mondial.

D’autre part, il y a aussi chez la population le sentiment de plus en plus répandu que le devoir moral et politique d’aller plus loin ne tardera pas l’emporter face au réalisme de Barack Obama.

« Il est urgent qu’Obama trouve une solution avant la fin de la présidence afin que le bilan de son mandat ne soit pas terni par ce fléau », a rapporté une source diplomatique.


Photo : un enfant syrien appelle sa mère en pleurant à l’entrée d’une tente dans le port de Mytilène, sur l’île grecque de Lesbos, en mer d’Égée, le 24 août 2015 (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par Julie Ghibaudo. 

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