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La dernière menace d’exécution de Daech entraînera-t-elle de nouvelles violences en Égypte ?

C’est la première fois qu’un étranger a été enlevé et peut-être exécuté par l’État islamique en Égypte

L’ultimatum de 48 heures avant l’exécution de l’otage croate lancé par le groupe affilié à l’État islamique en Égypte, basé dans le Sinaï, a pris fin.

Bien qu’il reste difficile de savoir si l’État islamique a porté sa menace à exécution et tué Tomislav Salopek, un Croate de 30 ans, les analystes s’inquiètent des répercussions de cet incident et craignent que cela ne déclenche de nouvelles violences en Égypte.

« C’est le premier occidental à avoir été enlevé dans la capitale [le Caire] et devant être exécuté de cette manière. Les exigences du groupe sont [également] très similaires à celles de l’État islamique en Irak », a indiqué Omar Ashour, maître de conférences spécialiste des études de sécurité à l’université d’Exeter.

Dans une vidéo en ligne intitulée « Message au gouvernement égyptien », le groupe militant a menacé de tuer Salopek si les femmes musulmanes détenues dans les prisons égyptiennes n’étaient pas libérées. Cela devait être fait « sous 48 heures à compter de maintenant [mercredi] », a déclaré Salopek dans la vidéo, avant d’ajouter que l’État islamique le tuerait si l’accord n’était pas tenu.

Dans la vidéo, un homme masqué armé d’un couteau se trouve debout aux côtés de Salopek, et le drapeau noir de l’État islamique est clairement visible. Salopek, à genoux, vêtu d’une combinaison orange, lit un texte dans lequel il se présente et indique son âge, son pays d’origine et son lieu de travail. Il était employé par Ardiseis Egypt, filiale de la Compagnie générale de géophysique (CGG), une société spécialisée dans la géologie pétrolière et gazière basée en France.

Si Ashour estime que les exigences du groupe sont irréalistes, « surtout dans la mesure où l’État islamique ne détient pas de territoire permettant de procéder à un échange d’otages », il voit cette initiative comme une tentative du groupe « de capitaliser sur la situation en Égypte, en essayant de se présenter comme le principal obstacle au gouvernement militaire et comme le défenseur des faibles ».

Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukri, a annoncé vendredi matin la tenue d’une rencontre avec la vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères croate Vesna Pusić, au Caire, afin d’examiner les possibilités de sauver Salopek ; les observateurs se montrent toutefois sceptiques quant aux efforts du gouvernement.

« Le gouvernement égyptien et son appareil de sécurité ont un terrible bilan quand il s’agit d’essayer de sauver des otages, a précisé Ashour. Le régime se soucie plus de l’image de force qu’il souhaite renvoyer que du sort des individus. »

Ce jeudi, le président Abdel Fattah al-Sissi a inauguré le nouveau canal de Suez lors d’une célébration historique durant laquelle il a essayé de dépeindre l’Égypte comme le berceau de la stabilité, de la sécurité et du développement économique.

Toutefois, certains analystes doutent que le nouveau canal engendre des gains économiques et pensent que la capture de l’otage pourrait avoir des répercussions négatives pour le pays et nuire à sa tentative d’attirer des investissements étrangers.

« Si le fait qu’il [Salopek] a été enlevé au Caire, ville la mieux gardée d’Égypte, est tout à fait inhabituel, ce n’est pas la première fois que l’État islamique enlève ou exécute des étrangers hors d’Irak et de Syrie, comme cela est arrivé en Libye à plusieurs reprises », a indiqué Habib Sayah, spécialiste des mouvements militants et directeur de l’Institut Kheireddine, un think tank tunisien.

« Le trafic qui a permis de faire passer Salopek au Sinaï nécessite une logistique solide qui révèle la force du réseau de l’État islamique en Égypte. C’est peut-être nouveau pour la branche égyptienne, qui s’est concentrée jusqu’ici sur des attaques de guérilla et sur le ciblage des autorités égyptiennes, mais nous pourrions voir plus d’actes de ce genre. »

Ashour est du même avis : « Il est prévu que ce type d’incident se poursuive. Cette situation nuira à l’industrie du tourisme et sera également à l’origine d’une augmentation des actes terroristes, en particulier dans les zones urbaines, visant des cibles faciles telles que les touristes. »

« Ces événements seront exploités par le gouvernement comme un moyen de légitimer une répression encore plus brutale de l’opposition », a-t-il ajouté.

D’autres observateurs ont également signalé la possibilité d’un retour de bâton économique.

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Traduction : L’#EI au #Sinaï a planifié l’enlèvement pour qu’il tombe au moment de l’inauguration du canal de Suez. C’est manqué, comme on aurait dû s’y attendre. Comme je l’ai indiqué, la question qui se pose est l’impact à plus long terme sur les investissements.

L’enlèvement d’un occidental (un Croate, par hasard) avait pour but de faire fuir d’#Égypte les entreprises occidentales (en particulier du secteur de l’énergie).

Dans son texte, l’otage croate nomme le groupe qui l’aurait enlevé : Province du Sinaï (ou Wilayat Sinaï), précédemment connu sous le nom d’Ansar Baït al-Maqdis, qui a fait allégeance à l’État islamique en novembre 2014. Désormais, le groupe se considère comme « une province officielle » de l’État islamique en Égypte, mais il est difficile de connaître l’ampleur réelle de la coordination entre tous ces groupes.

La péninsule du Sinaï, qui est située dans la région reculée du désert égyptien et borde la bande de Gaza, Israël et le canal de Suez, est le foyer d’une insurrection depuis plusieurs années. Plusieurs centaines d’officiers de sécurité et de miliciens ont été tués au cours d’attaques et d’affrontements.

Depuis 2014, l’État islamique organise des exécutions massives de soldats syriens, irakiens et afghans. Le groupe a également tué plusieurs personnes originaires de pays occidentaux, dont les journalistes américains James Foley et Steven Sotloff, les travailleurs humanitaires britanniques David Haines et Alan Henning, ainsi que le travailleur humanitaire américain Peter Kassig. Les journalistes japonais Haruna Yukawa et Kenji Goto ont aussi été exécutés par le groupe militant.

Photo : le Croate Tomislav Salopek, sur une capture d’écran de la vidéo publiée par le groupe affilié à l’État islamique dans le Sinaï, le 5 août (AFP).

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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