Le double coup de géopolitique au Moyen-Orient pourrait contribuer à la hausse des prix du pétrole
Un double coup de géopolitique au Moyen-Orient menace de faire grimper les prix du pétrole.
Le premier, c'est le conflit militaire grandissant entre les forces irakiennes et les Kurdes, qui risque d'interrompre l'approvisionnement énergétique.
Un deuxième coup tourne autour des tensions croissantes entre l'administration Trump et la République islamique d'Iran. Elle pourrait conduire à la réintroduction de sanctions américaines sévères, y compris l'interdiction d'acheter du pétrole brut iranien.
« On commence enfin à voir les facteurs géopolitiques influer sur le prix du pétrole », constate l'analyste principal de la politique énergétique chez Hedgeye à Washington DC et ancien chef de cabinet du Département de l'Énergie des États-Unis.
Les cours à terme du pétrole brut léger non corrosif se négociaient récemment à environ 52 dollars (43,90 euros) le baril à la Chicago Mercantile Exchange (CME, l’un des deux principaux marchés à termes des Etats-Unis), ce qui représente une hausse notable par rapport aux 26 dollars du début 2016.
Tiraillements entre les forces irakiennes et les Kurdes
La première question qui se pose pour le marché pétrolier est relative à ce qui pourrait arriver entre les Irakiens et les Kurdes, maintenant que le groupe État islamique (EI) est sur le point d'être expulsé de Syrie et d'Irak.
Les Kurdes ont longtemps souhaité leur propre patrie indépendante de l'Irak, de la Syrie et de la Turquie. Comme preuve de la prise de contrôle par l'Irak de Kirkouk, région riche en pétrole, les pays existants ont exprimé le désir de maintenir leur contrôle du territoire, en particulier là où il y a des richesses pétrolières.
L'Irak a produit environ 4,4 millions de barils de pétrole par jour en 2016, selon l’Agence d’information sur l’énergie (AIE) américaine.
Cela fait du pays le sixième producteur en importance au monde, derrière le Canada, mais légèrement devant l'Iran.
Le problème, c'est que le va-et-vient entre l'Irak et les Kurdes ne devrait pas se calmer de sitôt.
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« Un nouvel équilibre durable ne devrait pas émerger rapidement », affirme un récent rapport du Groupe Eurasia, sinistrement intitulé « IRAQ - New Round of escalation looms » (Un nouveau cycle d’escalade se profile)
« Le gouvernement irakien et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani ne semblent pas vouloir parvenir à un compromis, surtout si l'on considère l'intention de Bagdad d'étendre son contrôle sur le territoire kurde », poursuit le rapport.
Selon les rapports récents du Groupe Eurasie, ces derniers jours, les affrontements militaires entre les forces irakiennes et l'aile militaire du PDK se sont intensifiés. Aucun des deux camps ne semble prêt à reculer.
Des deux camps, l'Irak semble beaucoup plus fort sur le plan militaire et la faction kurde, au sens large, est politiquement divisée.
Aucune des deux parties n'étant disposée à donner son assentiment, il semble probable que d'autres escarmouches se produiront. Bien que le marché pétrolier ne se concentre pas uniquement sur l'action militaire, les commerçants s'inquiètent quand il y a une probabilité accrue d'interruption des approvisionnements énergétiques. Cela semble plus que possible pour l'avenir immédiat, assurent les experts à Middle East Eye.
« Les conflits et les tensions vont durer indéfiniment et perturber la production pétrolière », affirme Larry Goldstein, directeur de la Energy Policy Research Foundation Inc.
Lorsque l'approvisionnement en pétrole est interrompu, les prix grimpent parce que le marché de l'énergie est finement équilibré, de sorte que même de petits changements peuvent faire une grande différence sur les marchés à terme.
Les États-Unis se rapprochent des sanctions contre l'Iran
Entre-temps, de nouvelles sanctions américaines contre l'Iran (en particulier à l'encontre des Gardiens de la révolution) ont été imposées et d'autres sanctions commerciales à l’impact économique plus grand restent plus qu'une possibilité dans environ « deux à trois mois » à partir de maintenant, selon un rapport récemment publié.
« Nous pensons que les sanctions américaines sur les exportations de pétrole brut de l'Iran, ainsi que les sanctions en matière d'assurance et de transport maritime devraient être à nouveau être imposées début 2018 », indique le rapport de la société financière américaine Hedgeye.
De telles sanctions auraient un impact profond sur les prix mondiaux du pétrole, car l'Iran a ajouté environ 1 million de barils de pétrole brut par jour sur le marché mondial depuis la levée des sanctions l'an dernier, selon M. Hedgeye. Même si Washington applique des sanctions, il est probable que les entreprises européennes qui commercent avec les États-Unis cesseraient de traiter avec l'Iran. Résultat net : les prix à terme du pétrole brut léger non corrosif pourraient grimper au-dessus de 60 dollars le baril.
L'adoption de sanctions plus sévères fait suite au refus du président Trump de certifier que l'Iran s'est conformé à l'accord visant à limiter l'accès de ce pays aux armes atomiques. Fin septembre, MEE a souligné qu'un tel retrait de certification serait très probable.
La principale raison pour laquelle Hedgeye considère que les sanctions sont assez inévitables est que l'Iran semble « peu susceptible de négocier ou de faire des concessions », selon le rapport. Et c'est la renégociation qui va dans le bon sens dans ce cas-ci.
Même si l'administration n'a pas réussi à faire adopter une loi par le Congrès, Trump est un négociateur expérimenté et il semble peu probable qu'il revienne sur sa décision.
Quelques nouvelles aggravantes en chemin
La hausse des prix de l'énergie pourrait être une bonne chose pour les grands exportateurs d'énergie comme l'Arabie saoudite, mais elle n'aiderait pas vraiment les grandes économies industrialisées d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord. Une augmentation du prix de l'essence aux États-Unis agit comme une taxe supplémentaire et réduit le pouvoir d'achat des consommateurs, ce qui atténue la croissance du PIB.
Et c'est là que les nouvelles deviennent légèrement meilleures.
Aux États-Unis, la production de pétrole brut et de liquides de gaz naturel devrait ajouter l'équivalent d'environ 1 million de barils de pétrole par jour en 2018, selon Goldstein d'EPRINC. Il explique que les producteurs qui se concentrent sur l'extraction du pétrole piégé dans les dépôts de schistes ont déjà fixé les prix de la production d'énergie de l'année prochaine. C'est ce qu'on appelle dans les milieux financiers « la couverture ».
Les producteurs savent que ce qu'ils produiront l'an prochain est vendu, affirme M. Goldstein. « Ils ont déjà leur argent ».
Cela signifie que les foreurs américains de pétrole de schistes livreront l'approvisionnement supplémentaire, que les prix des marchés à terme baissent ou non. Cela atténuera les pertes résultant de sanctions ou d'interruptions d'approvisionnement en Irak dues au conflit militaire.
Néanmoins, si les États-Unis frappent l'Iran de sanctions et que les combats entre Kurdes et forces irakiennes interrompent l'approvisionnement en pétrole, il sera difficile de ne pas voir, à court terme, les prix du brut grimper.
Photo : Des flammes émergent des torchères dans les champs pétrolifères de Kirkouk (Reuters)
Traduit de l'anglais (original) par Dominique Macabies.
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