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Guerre à Gaza : Israël veut s’emparer d’un gisement gazier palestinien de plusieurs milliards de dollars

Le conflit a gelé de fait les projets visant à relancer un projet gazier gazaoui de 1,4 milliard de dollars qui aurait été du gagnant-gagnant pour Israël et les Palestiniens
Les Palestiniens de Gaza réclament leurs droits au gaz des gisements maritimes, en septembre 2022 (AFP)

Après l’attaque des combattants palestiniens le 7 octobre, laquelle a tué près de 1 200 personnes et vu des centaines d’otages emmenés à Gaza, Israël a réagi impitoyablement. 

Il a largué plus de 18 000 tonnes de bombes sur Gaza jusqu’à présent, tuant plus de 11 000 Palestiniens – surtout des femmes, des enfants et des personnes âgées – en plus d’un mois de frappes aériennes implacables.

Un haut responsable de l’ONU à New York a récemment démissionné de son poste, qualifiant les événements à Gaza de « parfait exemple de génocide » dont les gouvernements occidentaux sont « pleinement complices ». Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a juré que son pays ne cèderait pas jusqu’à l’élimination du Hamas.

Alors que l’horrible massacre en est à sa sixième semaine, le sujet des ressources énergétiques pourrait s’ajouter à la complexité de la guerre actuelle.

Selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel ont été découvertes au large de la bande de Gaza et ailleurs en Cisjordanie occupée

L’objectif ultime d’Israël n’est pas seulement de détruire le Hamas et/ou d’exclure les Palestiniens de leur patrie, mais de confisquer les ressources gazières de Gaza d’une valeur de plusieurs milliards de dollars

« Les territoires palestiniens occupés se trouvent au-dessus d’importantes réserves de richesses en pétrole et en gaz naturel, dans la zone C de la Cisjordanie occupée et sur la côte méditerranéenne au large de la bande de Gaza. Cependant, l’occupation continue d’empêcher les Palestiniens de développer leurs gisements d’énergie ainsi que d’exploiter et de tirer bénéfice de ces ressources », indique l’étude menée par la CNUCED en 2019.

Dans ce contexte, la question de la souveraineté sur les gisements gaziers de Gaza est vitale pour Israël.

Les accords d’Oslo II signés en 1995 ont accordé à l’Autorité palestinienne (AP) la juridiction maritime sur ses eaux jusqu’à 20 milles nautiques de la côte ; par conséquent, l’Autorité palestinienne a signé un contrat d’exploration gazière sur 25 ans avec la société British Gas Group (BG) en novembre 1999.

En l’an 2000, les deux puits forés par British Gas au large de Gaza ont révélé des réserves gazières estimées à près de 40 milliards de mètres cubes ; 60 % de ces réserves appartiennent aux Palestiniens. 

En juillet 2000, le Premier ministre israélien a accordé à BG une autorisation en matière de sécurité pour forer le premier puits, Marine 1, dans le cadre de la reconnaissance politique par Israël de la juridiction de l’Autorité palestinienne sur ce puits. 

Opportunité de collaboration

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’Europe a essayé de trouver des alternatives aux approvisionnements en énergie russe, et a remis sur la table une initiative palestinienne visant à extraire le gaz naturel au large de Gaza. On espérait que le projet à 1,4 milliard de dollars – impliquant l’Autorité palestinienne, l’Égypte, Israël et le Hamas – pourrait voir le début de la production de gaz d’ici mars 2024. 

Un tel projet aurait posé les fondations d’une collaboration gagnante-gagnante entre les Palestiniens et Israël.

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Mais avec l’escalade dramatique du conflit israélo-palestinien ces dernières semaines, cet horizon semble inaccessible et le projet est gelé dans un futur immédiat. 

Au contraire, le 29 octobre, alors que la guerre battait son plein et qu’aucun cessez-le-feu ne se profilait, le gouvernement de Netanyahou a accordé une douzaine de licences à six entreprises, parmi lesquelles BP et l’italien ENI, pour une exploration gazière au large du bassin méditerranéen.

Ces nouvelles ressources en pétrole et en gaz naturel découvertes en Méditerranée orientale sont estimées à un montant stupéfiant de 524 milliards de dollars. Cependant, selon un rapport de l’ONU, une part significative de ces ressources devront être tirées des territoires occupés palestiniens.

En outre, lors du sommet du G20 à New Delhi au mois de septembre, les États-Unis et l’Union européenne ont annoncé leur soutien à un plan de construction d’un corridor économique reliant l’Inde au Moyen-Orient et à l’Europe, projet massif pour rivaliser avec les nouvelles routes de la soie de la Chine

Netanyahou l’a qualifié de « plus grand projet de coopération de l’histoire [israélienne] », ajoutant : « Notre pays, Israël, sera un carrefour central dans ce couloir économique ; nos chemins de fer et nos portes ouvriront une nouvelle voie depuis l’Inde à travers le Moyen-Orient et l’Europe, et inversement. »

Le Premier ministre indien Narendra Modi et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane lors du sommet du G20 à New Delhi, en septembre. Les États-Unis et l’Union européenne ont annoncé un plan de construction d’un corridor économique reliant l’Inde à l’Europe (AFP)
Le Premier ministre indien Narendra Modi et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane lors du sommet du G20 à New Delhi, en septembre. Les États-Unis et l’Union européenne ont annoncé un plan de construction d’un corridor économique reliant l’Inde à l’Europe (AFP)

Israël ambitionne de devenir un exportateur majeur de gaz et de pétrole. Ces vingt dernières années, le pays est passé d’importateur net d’énergies fossiles à exportateur de gaz naturel.

La déclaration de guerre contre Gaza par Netanyahou en octobre 2023 s’inscrit dans la lignée de la précédente invasion de Gaza par Israël en 2014, lorsqu’au moins 2 104 Palestiniens avaient été tués dont 1 462 civils. L’objectif militaire sous-jacent de l’occupation de Gaza est l’expulsion des Palestiniens de leur patrie.

Le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a déclaré que le projet était de « tout éliminer » et un autre ministre, Guideon Saar, a affirmé que Gaza « [devait] être plus petite à la fin de la guerre ». Par ailleurs, un « document de réflexion » du gouvernement israélien propose le transfert des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza vers la péninsule du Sinaï en Égypte

Cependant, l’objectif ultime d’Israël n’est pas seulement de détruire le Hamas et/ou d’exclure les Palestiniens de leur patrie, mais de confisquer les ressources gazières de Gaza d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.

- Seyed Hossein Mousavian est spécialiste de la sécurité et de la politique nucléaire au Moyen-Orient à l’université de Princeton. Il a anciennement dirigé la commission des affaires étrangères du Conseil suprême de sécurité nationale iranien. Il est l’auteur de Iran and the United States: An Insider’s view on the Failed Past and the Road to Peace, sorti en mai 2014 chez Bloomsbury, ainsi que de A Middle East Free of Weapons of Mass Destruction, publié en mai 2020 chez Routledge. Son dernier ouvrage, A New Structure for Security, Peace, and Cooperation in the Persian Gulf, a paru en décembre 2020 chez Rowman & Littlefield.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Seyed Hossein Mousavian is Middle East Security and Nuclear Policy Specialist at Princeton University, and a former Chief of Iran’s National Security Foreign Relations Committee. His books: “Iran and the United States: An Insider’s view on the Failed Past and the Road to Peace” was released in May 2014 by Bloomsbury, “A Middle East Free of Weapons of Mass Destruction”, published in May 2020 by Routledge. His latest book: “A New Structure for Security, Peace, and Cooperation in the Persian Gulf” published in December 2020 by Rowman & Littlefield Publishers.
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