L’accord gazier entre Israël, l’Égypte et l’UE est un autre feu vert à l’occupation et aux atteintes aux droits
L’Union européenne (UE) vient de signer un accord gazier tripartite avec l’Égypte et Israël, lequel va accroître sa dépendance au gaz israélien. Qualifié par la présidente de la Commission européenne d’« accord historique », celui-ci prouve qu’en ce qui concerne le respect des droits de l’homme et du droit international, l’UE et ses membres n’ont aucune crédibilité.
Cet accord s’inscrit dans le cadre de la recherche d’alternatives au gaz et au pétrole russe par l’UE dans le contexte de la guerre en Ukraine. Charles Michel, président du Conseil européen, affirme que l’embargo sur les importations de pétrole russe suspend « une énorme source de financement pour sa machine de guerre ».
En remplacement, l’UE s’engage sur un chemin qui va la rendre plus dépendante du gaz israélien, malgré l’occupation militaire depuis plus d’un demi-siècle et les 74 années de dépossession coloniale des Palestiniens par Israël, lequel commet des atteintes flagrantes au droit international qui s’apparentent à un crime d’apartheid.
Cet accord gazier fait suite à la mise en œuvre des accords d’Abraham, l’initiative négociée par les États-Unis pour normaliser les relations entre Israël et les États arabes. Cet accord rendra également l’UE plus dépendante de l’Égypte, régime dictatorial qui compte environ 60 000 prisonniers politiques et enfreint couramment les droits de l’homme, ce que l’Union normalise également.
En début d’année, l’UE a alloué 657 millions d’euros à EuroAsia Interconnector, une ligne sous-marine qui relie les réseaux d’électricité d’Israël, de Chypre, de la Grèce et de l’Europe.
Levier pour normaliser l’apartheid
Depuis des décennies, Israël bâtit son État et alimente son projet colonisateur via l’expropriation des terres et le pillage des ressources naturelles palestiniennes, y compris l’eau, le pétrole et le gaz, les carrières et les minéraux de la mer Morte dans les territoires occupés.
Le gaz qui doit être exporté vers l’Europe est exploité au large de Gaza, où depuis quinze ans Israël exerce un blocus brutal sur deux millions de Palestiniens et les bombarde régulièrement.
Israël empêche également les Palestiniens d’exploiter les réserves de gaz naturel du gisement marin de Gaza, s’assurant que la population palestinienne reste soumise à la volonté d’Israël.
En effet, Israël utilise le secteur de l’énergie comme levier pour normaliser davantage son apartheid et son régime colonisateur, développant éhontément sa diplomatie tout en commettant des crimes contre la population palestinienne.
Se présentant comme un modèle en matière militaire et de cybertechnologies, Israël expérimente et teste ces technologies sur les Palestiniens sous son contrôle.
La collaboration de l’Europe avec Israël dans le secteur de l’énergie, associée aux visites de hauts cadres de l’UE et des États-Unis en Israël, donne le feu vert au gouvernement actuel pour continuer à accélérer sa campagne d’oppression, sans avoir de rendre de comptes à rendre à l’international.
Au cours de l’année écoulée, les forces israéliennes ont tué des centaines de Palestiniens, rasé des centaines de maisons, poursuivi les campagnes étatiques de nettoyage ethnique et continué à persécuter les militants des droits de l’homme.
Et pourtant, au lieu de sanctionner et d’isoler Israël, la communauté internationale le récompense pour ses crimes de guerre via des accords et la diplomatie, renforçant la culture d’impunité de l’État.
Au mieux, les gouvernements européens continuent de formuler des vœux pieux rabâchant des éléments de langage éculés et déconnectés des réalités sur le terrain, tels que la « nécessité d’une solution à deux États ».
Dans le même temps, les institutions européennes dépensent de l’énergie politique à harceler les Palestiniens pour des manuels scolaires et cèdent face aux campagnes d’Israël contre les organisations de la société civile palestinienne.
Pour ne pas arranger les choses, les dirigeants palestiniens gardent le silence sur l’accord gazier entre Israël, l’Égypte et l’UE, lequel a été annoncé à peine deux jours après le versement par l’UE de 200 millions de dollars de financement tant attendu à l’Autorité palestinienne (AP).
Cela ne fait que confirmer une fois de plus que l’AP a accepté sa propre soumission au régime colonial et la dépossession des Palestiniens pour assurer sa survie politique.
Cela contribue d’autant à l’effacement du peuple palestinien de tout calcul géopolitique, éloignant encore plus la perspective d’une libération palestinienne et de l’autodétermination.
Le récent accord gazier représente une autre tache sur les valeurs fondatrices de l’Union européenne. Au lieu de s’opposer aux États néo-autoritaires aux programmes ethnonationalistes, et de mettre en œuvre une politique étrangère reposant sur des valeurs soutenues par un multilatéralisme fort, l’Europe ne fait que choisir son propre camp de colonisateurs et d’États portant atteinte aux droits de l’homme.
- Inès Abdel Razek est la directrice de plaidoyer pour le Palestine Institute for Public Diplomacy, une organisation palestinienne indépendante s’intéressant à la mobilisation internationale et aux campagnes numériques pour la justice, la liberté et l’égalité. Elle est également membre d’al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].