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Des entreprises énergétiques menacées de poursuites concernant des licences israéliennes de forage de gaz au large de Gaza

Des ONG de défense des droits de l’homme affirment que les licences d’exploration accordées par Israël à des entreprises du secteur de l’énergie au cours des premières semaines de la guerre à Gaza empiètent sur les eaux palestiniennes et pourraient constituer le crime de guerre de pillage
Un ouvrier devant une plateforme gazière en Méditerranée près de Gaza (Ahikham Seri/AFP)

Les grandes entreprises énergétiques auxquelles Israël a accordé des licences pour la prospection de gaz au large de la côte de Gaza ont été averties qu’elles pourraient être poursuivies en justice pour d’éventuelles violations de la souveraineté maritime palestinienne et pour pillage de guerre.

Le ministère israélien de l’Énergie a accordé des droits d’exploration à trois sociétés — le géant italien de l’énergie Eni, la société basée au Royaume-Uni Dana Energy et la société israélienne Ratio Petroleum — trois semaines après le début de la guerre à Gaza en octobre.

Des avocats représentant trois ONG palestiniennes — Al Haq, le Palestinian Centre for Human Rights et al-Mezan Center for Human Rights — ont notifié aux entreprises, dans des courriers envoyés début février, qu’ils utiliseraient « tous les mécanismes juridiques de manière exhaustive » si elles allaient de l’avant et leur ont demandé de renoncer à toute activité liée aux licences.

Les ONG affirment que plus de la moitié de la zone pour laquelle les entreprises ont obtenu des licences se trouve à l’intérieur des frontières maritimes de la Palestine.

Ces frontières ont été déclarées en 2015 lorsque les Palestiniens ont adhéré à la convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), l’accord international qui fournit le cadre juridique pour toutes les activités marines et maritimes.

« Les mesures prises par Israël pour établir des faits sur le terrain de cette manière sont illégales et de mauvaise foi »

- Adalah

En 2019, les Palestiniens ont également fourni les coordonnées géographiques complètes et les cartes de la zone.

« En raison de cet empiètement, Israël ne peut pas vous avoir valablement accordé des droits d’exploration et vous ne pouvez pas avoir valablement acquis de tels droits », indique la lettre.

De son côté, le centre juridique Adalah, basé à Haïfa, a demandé au ministère israélien de l’Énergie et au procureur général de révoquer les licences accordées aux entreprises.

Dans une lettre également envoyée ce mois-ci, Adalah affirme que l’appel d’offres et l’attribution de licences pour cette zone, ainsi que pour deux autres zones incluses dans l’appel d’offres, violent le droit international humanitaire et le droit de la mer.

Israël n’a pas adhéré à la CNUDM et n’a pas déclaré l’intégralité de ses frontières maritimes. Adalah affirme que le pays ne peut pas délimiter unilatéralement ces frontières, ni accorder légalement des licences pour une zone dont il n’a pas les droits souverains.

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« Les mesures prises par Israël pour établir des faits sur le terrain de cette manière sont illégales et de mauvaise foi », soutient Adalah dans sa lettre.

Les quatre organisations qui contestent les licences soulignent que l’appel d’offres lancé par Israël en décembre 2022 indiquait clairement aux entreprises que les zones concernées n’avaient pas encore été délimitées.

L’appel d’offres prévoit que les entreprises ne seront pas indemnisées si une partie de la zone concédée est déduite au cours de la période de validité de la licence.

« Israël semble vouloir faire peser le risque de cette situation sur vos épaules », peut-on lire dans la lettre adressée aux entreprises.

Le ministère de l’Énergie et les trois entreprises n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

La délimitation des frontières

Les importantes découvertes de gaz naturel en Méditerranée orientale au cours des quinze dernières années ont transformé des pays autrefois importateurs de gaz, comme l’Égypte et Israël, en exportateurs.

Les Palestiniens ont quant à eux été empêchés de forer un gisement de gaz en mer découvert au large de la côte de Gaza en 1999 ou de procéder à toute exploration dans leurs frontières maritimes déclarées. Les Palestiniens paieraient 22 millions de dollars par mois à Israël pour s’approvisionner en électricité dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.

Israël avance que les frontières déclarées par les Palestiniens ne sont pas valides, soutenant que seuls les États souverains peuvent délimiter leurs frontières maritimes.

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Larry Martin, avocat du cabinet juridique américain Foley Hoag, qui représente les ONG en question, indique toutefois que la Palestine est un territoire reconnu par la communauté internationale, notamment en tant qu’État observateur auprès des Nations unies.

« Il devrait donc avoir le droit de revendiquer des droits souverains et une juridiction sur les ressources maritimes au même titre que n’importe quel autre État », affirme Larry Martin à Middle East Eye.

« Le fait qu’Israël continue à l’occuper illégalement ne devrait pas l’empêcher d’exercer ce droit. »

Suhad Bishara, directrice juridique d’Adalah, déclare à MEE qu’Israël se soustrait à ses obligations vis-à-vis du droit international, « appliquant illégalement ses intérêts et sa législation dans une zone qui ne relève pas de sa juridiction ».

Les organisations n’ont reçu aucune réponse du gouvernement israélien ni des entreprises, cependant Larry Martin affirme être optimiste quant au fait que les lettres, ainsi que la préoccupation de l’opinion publique, mettront fin à toute activité dans la zone concernée par les licences. « Si ce n’est pas le cas, nous sommes prêts à faire tout notre possible », assure-t-il.

À sa connaissance, aucune action en justice n’a été engagée concernant des zones situées à l’intérieur des frontières maritimes palestiniennes qu’Israël a précédemment identifiées comme appartenant à son propre réservoir de gaz ou pour lesquelles des licences d’exploration ou d’exploitation ont été accordées.

« Nous envisageons également des réclamations d’indemnisation potentielles liées à cette affaire », prévient Larry Martin.

Traduit de l’anglais (original) par Imène Guiza.

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