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Pourquoi le gisement Gaza Marine n'a-t-il pas produit de gaz ?

Le gisement au large de Gaza n'a pas produit de gaz depuis sa découverte en 1999. Qu'est-ce qui a retardé son développement et que va-t-il en advenir ?
Le dirigeant palestinien Yasser Arafat en 2000, inaugurant la plate-forme gazière de Gaza Marine (AFP)

Le développement de Gaza Marine, un gisement de gaz en mer découvert en 1999, a été considéré comme une étape majeure vers l'indépendance énergétique palestinienne.

En novembre 1999, un contrat de vingt-cinq ans pour l'exploration et le développement du gisement a été signé entre le groupe British Gas Group (BG Group), la Consolidated Contractors Company (CCC), une compagnie palestinienne, et le Fonds d'investissement palestinien (FIP), un fonds de richesse souverain qui réinvestit dans des projets palestiniens.

« C'est un cadeau de notre Dieu à notre peuple, à nos enfants, à nos femmes, à notre peuple ici et ailleurs, à nos réfugiés et à ceux qui vivent ici sur notre terre », avait déclaré Yasser Arafat, alors Président palestinien, lors de l’inauguration de Gaza Marine en 2000.

Seize ans plus tard, ce gisement n'a jamais produit de gaz.

Suite à l'abandon, en mars, d'une transaction d'une valeur d’1,2 milliard de dollars qui aurait permis d’approvisionner une compagnie palestinienne de production d'électricité en gaz israélien, Gaza Marine est de nouveau sur le devant de la scène après que des responsables palestiniens ont suggéré que le gaz qu'Israël était censé fournir devra provenir désormais du gisement palestinien.

Il est difficile de comprendre pourquoi les responsables palestiniens (qui ont refusé de répondre aux questions de Middle East Eye) croient qu'il est maintenant possible d'extraire du gaz de Gaza Marine. Les demandes répétées de commentaires formulées auprès des bureaux londoniens de la CCC sont restées sans réponse. La société BG Group a pour sa part répondu qu'elle continue d'étudier les options pour le développement de Gaza Marine et qu'elle n'a pas défini de date pour une décision finale d'investissement.

Les observateurs avancent plusieurs raisons permettant d'expliquer l’inexécution du contrat depuis 1999.

L'une des raisons évoquées est la présence d'obstacles, notamment financiers et territoriaux, érigés par le gouvernement israélien. Lorsque le gisement a été découvert en 1999, on considérait communément qu'Israël, qui importait alors du gaz d'Egypte, serait le principal acheteur du gaz de Gaza Marine, selon Victor Kattan, chercheur postdoctoral à l'université nationale de Singapour et conseiller politique au think tank al-Shabaka.

Cela était « largement considéré comme une condition sine qua non imposée par les Israéliens pour la poursuite du développement des gisements », a écrit Kattan dans un article d'al-Shabaka en 2012.

Le coût élevé de l'investissement pour un gisement de gaz nécessite qu'un acheteur soit trouvé avant la production. Au cours des années, cependant, les négociations entre BG Group, le géant britannique de l'énergie qui détient les droits sur le gisement, et les gouvernements israéliens successifs, n'ont jamais abouti à un accord. Selon Kattan, cela est dû au fait que jusqu'en 2007 au moins, les Israéliens voulaient payer le gaz à un prix inférieur à celui du marché.

Les responsables israéliens ont clairement indiqué qu'ils ne souhaitent pas donner de l'argent à l'Autorité palestinienne, de peur qu’il ne finisse entre les mains du Hamas. Toutefois, l'Autorité palestinienne et BG Group ont fait des efforts pour créer « un mécanisme transparent et auditable » pour les revenus du gaz qui « ne sera pas incompatible avec les restrictions réglementaires américaines et européennes », selon un câble américain confidentiel daté de 2005 et publié par WikiLeaks.

« L'administration de [Benjamin] Netanyahou ne peut accepter aucun scénario dans lequel une administration palestinienne dirigée par le Hamas accéderait à ses propres ressources et les développerait », a écrit le journaliste Nafeez Ahmed.

Ahmed ainsi que d'autres observateurs sont allés plus loin en soutenant qu'Israël voit le développement du gaz palestinien comme une menace pour sa sécurité, ce qui laisse penser que les guerres israéliennes contre Gaza étaient avant tout menées pour empêcher les Palestiniens de devenir indépendants sur le plan énergétique.

Un autre problème est posé par l'impossibilité pour les Palestiniens d'accéder au gisement, qui se situe entre 17 et 21 milles marins au large des côtes gazaouies, suite à une ordonnance des forces israéliennes imposant désormais une limite de six milles marins, en violation des accords d'Oslo de 1993 qui ont défini une zone de vingt milles marins. En outre, les acteurs du développement du gisement auraient encore besoin de l'autorisation d'Israël pour exporter le gaz, dans la mesure où Israël contrôle les conduits d'acheminement, selon des responsables palestiniens.

Une autre réponse pourrait se trouver dans l'équilibre précaire offert par des activités commerciales dans une zone en proie à des guerres fréquentes : plusieurs sources ont indiqué à MEE que Gaza Marine représente une concession mineure dans le portefeuille de BG Group et que la compagnie n'a pas vraiment de raisons de faire avancer les choses, surtout si rien ne garantit qu'aucune autre guerre à Gaza ne se profile à l'horizon.

« J'ai l'impression que BG Group se montre vraiment peu intéressé à l'idée de développer le gisement », a confié Amiram Barkat, journaliste à Globes, un journal israélien traitant des questions énergétiques. « Ils affirment que cela relève de raisons économiques et que le gisement ne mérite pas d’y investir, pour des questions de faisabilité. Mais je sais que la CCC est beaucoup plus intéressée. »

Suite à la découverte par Israël de ses propres ressources en gaz naturel dans les années 2000, les perspectives d'un achat du gaz palestinien par Israël ont pris du plomb dans l’aile.

Toutefois, une décision de l'Autorité israélienne de la concurrence, attendue dans les prochaines semaines, pourrait éliminer un obstacle, selon Barkat.

En décembre, l'autorité a prévenu qu'elle pourrait statuer que la structure de propriété actuelle du gisement Leviathan, partagé entre l'entreprise américaine Noble Energy et la société israélienne Delek Drilling, constitue un cartel, et qu’elle pourrait ainsi formuler une demande de réorganisation.

Ce chamboulement autour de Leviathan, le plus grand gisement de gaz au large des côtes israéliennes, pourrait augmenter l'incertitude quant à l'approvisionnement d'Israël en gaz et ouvrir le marché à une nouvelle concurrence pour fournir en gaz l'Israel Electric Corporation (IEC), a expliqué Amiram Barkat.

« Au prix de 5 dollars par MMBTu, [le gaz de Gaza Marine] n'est plus si cher, étant donné que l'IEC paie actuellement 5,7 dollars pour le gaz du gisement de Tamar », a-t-il précisé. « Il serait donc logique que Gaza Marine soit en concurrence pour le marché de l'IEC. »

Voici une chronologie qui retrace l'historique de Gaza Marine et les événements liés.

Traduction de l'anglais (original) par VECTranslation.

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