Les sanctions américaines pourraient avoir des conséquences minimes sur l’économie iranienne
Alors que les États-Unis s’apprêtent à réimposer des sanctions contre les secteurs pétrolier et bancaire iraniens en ce début de la semaine, experts et analystes estiment que ces mesures économiques pourraient n’impacter que de manière marginale l’économie iranienne et ne devraient en rien modifier les activités du pays au Moyen Orient.
« Cela fait plus de 40 ans que l’Iran vit sous sanctions. Il n’y a rien de nouveau », estime Seyed Hossein Mousavian, ancien diplomate iranien et spécialiste des politiques au Moyen-Orient à l’Université de Princeton, spécialisé dans les répercussions du Plan d’action global conjoint (JCPOA), l’accord sur le nucléaire signé en 2015 entre l’Iran et plusieurs puissances mondiales.
« L’Iran est le pays le plus expérimenté au monde en matière de sanctions. Je pense qu’aucun autre pays de la région n’a l’expérience, la capacité ou l’envergure nécessaires pour résister aux sanctions »
- Hossein Mousavian, chercheur à l’Université de Princeton et diplomate iranien
« L’Iran est le pays le plus expérimenté au monde en matière de sanctions. Je pense qu’aucun autre pays de la région n’a l’expérience, la capacité ou l’envergure nécessaires pour résister aux sanctions », souligne l’expert à Middle East Eye.
Les sanctions américaines, qui doivent entrer en vigueur le 5 novembre, toucheront, entre autres, les ventes et l’acheminement du pétrole iranien.
Cela comprend les opérations maritimes et portuaires du pays, ainsi que les transactions bancaires effectuées par la National Iranian Oil Company et la Central Bank of Iran.
Certaines sanctions américaines ont déjà été réimposées à l’Iran en août, suite au retrait américain, en mai, de l’accord sur le nucléaire signé en 2015.
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Cette première série de nouvelles sanctions a réduit d’un tiers les exportations de pétrole iranien, comparé au jour où les sanctions américaines ont été levées en 2015, conformément au JCPOA, explique Kenneth Katzman, analyste principal pour l’Iran au Congressional Research Service, qui effectue des recherches pour le Congrès américain.
Parmi les répercussions souhaitées par les sanctions : la limitation du programme d’armement conventionnel de l’Iran jusqu’au « changement radical de régime », reconnaît Kenneth Katzman à MEE.
« L’objectif ultime... c’est que l’économie de l’Iran s’effondre au point que sa structure politique s’écroule. L’objectif minimal des sanctions est de saper l’économie iranienne afin que l’Iran ne soit plus en mesure de développer des armes stratégiques, d’acheter des armes classiques coûteuses ou de maintenir le même niveau de production économique – et cela pourrait amener Téhéran à se rasseoir à la table des négociations nucléaires. »
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Pourtant, Seyed Hossein Mousavian explique à MEE que les sanctions ne dissuaderont en rien l’industrie iranienne des armes conventionnelles.
« La guerre Iran-Irak des années 1980 a poussé l’Iran à devenir autosuffisante en matière de production d’armes conventionnelles. Aujourd’hui, l’Iran est le plus puissant producteur de régional d’armes conventionnelles – chars, avions, avions de chasses, missiles, et tout le reste », note-t-il.
Du Hezbollah aux Houthis
Selon Hossein Mousavian, l’Iran « pourrait traverser une conjoncture économique difficile » sous la pression des sanctions et pourrait effectivement en pâtir un peu, vu le prix relativement élevé du pétrole en ce moment sur le marché mondial, à environ 63 dollars le baril.
Il s’attend toutefois à ce que les dirigeants iraniens qualifient la situation de « grande victoire » car ils espèrent sevrer l’économie du pays de son pétrole.
« C’est un objectif très important de la sécurité politique iranienne que de faire tourner une économie sans pétrole », insiste Hossein Mousavian à MEE.
Il semble également peu probable que les sanctions mettent fin à l’implication de l’Iran dans d’autres zones de la région, ce qui fut l’un des objectifs déclarés des États-Unis lorsque ces mesures économiques draconiennes ont été réimposées.
L’Iran finance, forme et soutient plusieurs groupes au Moyen-Orient, notamment les combattants du Hezbollah au Liban, le mouvement houthi au Yémen, les milices chiites en Irak et les forces fidèles au gouvernement du président syrien Bachar al-Assad, souligne Kenneth Katzman.
Si les sanctions internationales « ont vraiment commencé à se faire sentir en 2012 et 2013 », cela n’a pas empêché l’Iran de s’impliquer auprès de ces groupes, fait-il remarquer à MEE.
« Il n’existe aucun lien observable entre sanctions américaines et performances économiques iraniennes, pas plus qu’elles ne restreignent ses opérations régionales. L’Iran est resté au même niveau d’activité régionale qu’avant le début des sanctions. »
Vendredi, les États-Unis ont accordé des dérogations à huit importateurs iraniens de pétrole, dont l’Irak, la Turquie, l’Inde, la Chine, la Corée du Sud et le Japon.
Plusieurs de ces pays dépendent en partie du pétrole iranien, la Turquie notamment, qui importe un quart de ses 830 000 barils quotidiens de son voisin iranien, rapporte Bloomberg.
Katzman précise à MEE que la loi sur les sanctions américaines n’oblige pas les autres pays à suspendre immédiatement toute importation en provenance d’Iran.
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« Il suffit à chaque pays de réduire considérablement ses achats à l’Iran tous les six mois. Techniquement, ils ne sont pas légalement tenus de tout arrêter immédiatement. »
Entre-temps, quelques jours seulement avant le renouvellement des sanctions américaines, les dirigeants iraniens ont déclaré n’avoir aucune appréhension pour l’avenir.
« Aucune sanction de l’Amérique n’aura la moindre efficacité contre notre grande et courageuse nation... Nous avons les connaissances et capacités de gérer les affaires économiques du pays », a fait savoir Bahram Qasemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, à la télévision publique.
Photo : de nouvelles sanctions américaines entrent en vigueur contre l’Iran le 5 novembre et toucheront notamment le secteur du pétrole et du gaz (Reuters).
Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.
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