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Palmyre est un coup majeur porté à Daech, mais Assad fait toujours face à une lutte acharnée

Palmyre offre au président syrien l’occasion de renforcer son crédit dans la lutte contre l’État islamique, mais son pouvoir est toujours basé sur le soutien étranger

La reprise par l’armée syrienne de Palmyre au groupe État islamique comporte un point positif universellement reconnu.

Ses ruines antiques, dont beaucoup ont craint la destruction par l’État islamique en raison de son aversion pour les « idoles » préislamiques, devraient désormais rester en sécurité, le président Bachar al-Assad se présentant une nouvelle fois comme le gardien des antiquités de la Syrie.

« La libération de la cité historique est un accomplissement important et la preuve de l’efficacité de la stratégie adoptée par l’armée syrienne et ses alliés dans la guerre contre le terrorisme », a déclaré Assad ce dimanche.

Pour les habitants de Palmyre, cependant, la reprise de la ville par les forces d’Assad n’est pas synonyme de répit.

« Palmyre n’est pas libérée aujourd’hui ; elle est juste passée d’une tyrannie à l’autre, d’un contrôle ennemi à l’autre », a expliqué à Middle East Eye Mohamed Alkhateb, porte-parole du groupe d’opposition Palmyra Coordination.

Beaucoup ont salué la reprise de Palmyre ce dimanche comme étant une victoire majeure pour le gouvernement syrien, sur le plan stratégique mais aussi sur le plan symbolique.

À son apogée, l’État islamique aurait contrôlé la moitié de l’ensemble du territoire syrien. Cependant, cette zone comprenait de vastes déserts autour de Palmyre, ce qui signifie que d’énormes étendues de territoire sont désormais entre les mains du gouvernement.

La défaite de l’État islamique à Palmyre a été considérée par beaucoup comme étant catastrophique pour le groupe, qui a perdu plus de 400 combattants, un bilan qui constitue « les pertes les plus lourdes subies par l’État islamique dans une seule bataille depuis sa création », d’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Lundi, le journal progouvernemental al-Watan a cité le commandement général de l’armée syrienne, qui a affirmé que Palmyre ouvrirait la voie à d’autres bastions de l’État islamique.

Sa capture « représente une base pour élargir les opérations militaires que nos forces héroïques entreprennent contre l’État islamique, depuis plusieurs directions, notamment Deir ez-Zor et Raqqa, et contribuera à resserrer l’étau sur l’État islamique et à couper leurs lignes d’approvisionnement », a indiqué le communiqué.

http://www.youtube.com/watch?v=pFOpjJmfRE0

Images des dégâts dans les zones civiles de Palmyre diffusées par la télévision d’État syrienne

La prise de la route de 190 km reliant Deir ez-Zor et Palmyre permettra aux forces d’Assad d’isoler les points chauds de l’État islamique à Hama, Raqqa et dans l’est d’Alep des bastions irakiens du groupe.

Selon Abou al-Abbas, un civil qui a fui Palmyre, l’État islamique pourrait se regrouper dans la ville de Sokhné, sur la route de Deir ez-Zor, où le groupe pourra organiser des stratégies d’attaque à la voiture piégée et d’autres stratégies offensives.

Abbas a affirmé au site web Syria Direct que Sokhné s’avérerait être un « cauchemar » pour les forces d’Assad.

La reprise de Palmyre par Assad soulève deux autres questions cruciales : d’une part, avec l’aide de ses alliés, la perspective de la victoire contre l’opposition se profile une nouvelle fois à l’horizon alors que des territoires retombent entre les mains du gouvernement. Plus cette situation se poursuivra, moins Assad aura de raisons de rechercher une sortie négociée du conflit.

« Assad a déjà perdu tout intérêt pour les pourparlers de Genève et pour la transition », a écrit l’analyste Charles Lister sur Twitter. « Sa victoire à Palmyre élimine pour lui toute raison de discuter d’un changement politique. »

D’autre part, cette situation contribue à réaffirmer à la communauté internationale l’image de meilleur allié contre l’État islamique développée par Assad.

De nombreuses personnalités politiques à travers l’Europe ont déjà commencé à changer leur fusil d’épaule au sujet d’Assad et se sont mises à plaider en faveur de son maintien au pouvoir tant que la menace de l’État islamique perdure.

Le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel García-Margallo a affirmé en novembre qu’Assad constituait le « moindre des maux » dans la guerre contre l’État islamique, tandis que son homologue britannique Philip Hammond a appelé Assad à rester au pouvoir pendant une « période de transition ».

Le maire de Londres Boris Johnson a donné son point de vue ce dimanche, qualifiant Assad de « monstre » tout en l’applaudissant néanmoins pour la reprise de Palmyre.

« Le premier point est que peu importe à quel point le régime d’Assad peut être repoussant (et il l’est), ses adversaires de l’État islamique [...] sont bien pires », a-t-il écrit dans le Sunday Telegraph.

« Ce sont ceux qui se sont taillé cet infâme mini-État dans le désert, cette étoile noire dont le rayon tracteur maléfique a attiré tellement d’aspirants djihadistes pitoyables de Grande-Bretagne et d’autres pays d’Europe occidentale. »

Le maintien relativement réussi du cessez-le-feu en Syrie a donné à tous les camps prenant part au conflit le temps de se regrouper. L’exclusion de l’État islamique et de la filiale d’al-Qaïda, le Front al-Nosra, a cependant attiré davantage l’attention sur ces deux groupes.

Assad a profité de l’occasion du cessez-le-feu pour développer la crédibilité de ses forces dans la lutte contre l’État islamique.

Hassan Hassan, chercheur associé à Chatham House, a indiqué à Middle East Eye que les partisans d’Assad le poussent depuis longtemps à se présenter comme le seul rempart contre l’État islamique et les autres groupes de cet acabit.

« Aujourd’hui, ces mêmes partisans affirment que le régime devrait se concentrer sur Raqqa en plus d’ancrer l’idée que le régime d’Assad est la seule force efficace contre les extrémistes », a-t-il précisé.

Des vérités qui dérangent

Pourtant, bien que la reprise de Palmyre ait pu renforcer la confiance d’Assad, elle a également soulevé un certain nombre de faits inconfortables.

Le plus important a été que cette victoire a révélé une fois de plus à quel point ses succès ont été tributaires du soutien russe au cours des six derniers mois.

Scott Lucas, rédacteur en chef du site web EA WorldView, a prévenu ce mardi qu’Assad n’aurait tout simplement « pas pu regagner la ville » sans le soutien de la Russie et des autres acteurs étrangers.

À cet égard, la décision prise plus tôt ce mois-ci par la Russie de retirer partiellement ses forces peut être considérée comme un moyen de mettre Assad sous pression pour qu’il engage sérieusement le dialogue avec l’opposition et de lui faire comprendre qui contrôle réellement l’équilibre du pouvoir en Syrie à l’heure actuelle.

« Cela marque le début d’une nouvelle phase, la mise en œuvre sur le terrain des accords américano-russes sur la Syrie, la priorité étant de combattre l’État islamique tout en faisant pression en faveur du cessez-le-feu et du retour au calme », a soutenu Edward Dark, analyste spécialiste de la Syrie basé à Alep.

« Les Russes ont opposé des pressions et forcé Assad à se plier aux règles en les menaçant de retirer leur soutien aérien. Les Américains ont fait de même en maintenant les fronts rebelles relativement calmes. »

La poursuite du cessez-le-feu et la nécessité de paraître prêt à participer au processus de paix syrien signifie également qu’Assad pourrait détourner son attention des bastions de l’opposition tels qu’Alep ou la Ghouta orientale et se concentrer plutôt sur Raqqa et Deir ez-Zor, contrôlées par l’État islamique, dont la prise offrirait au président un énorme coup de pouce aux yeux de la communauté internationale.

« Assad pourrait-il prendre Raqqa ? Peut-être, si l’Iran envoie plus de milices et s’il y a une trêve au cours de laquelle le régime d’Assad saurait qu’il n’y aurait pas de combats pendant un mois », a affirmé Hassan Hassan.

Il a ajouté que la prise de Palmyre et la revitalisation du gouvernement en tant que force luttant contre l’État islamique sont tristement ironiques quand on pense à l’efficacité passée de l’opposition, qui a chassé le groupe de la majeure partie de la Syrie en 2014.

« Lorsque l’opposition combattait l’État islamique, c’était plus spontané que ce jeu cynique qui se met en place aujourd’hui », a-t-il soutenu.

Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.

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