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L’Afrique du Nord aussi est une terre meurtrie par les séismes

Au Maghreb, avec le déplacement continu de deux plaques tectoniques, la terre tremble quasiment tous les jours avec une fréquence moyenne de 50 séismes par mois
Des sauveteurs tentent de retrouver les victimes dans les ruines des maisons effondrées à la suite du violent séisme qui a ravagé la ville d’Agadir, au Maroc, le 29 février 1960, faisant 12 000 morts (AFP)
Des sauveteurs tentent de retrouver les victimes dans les ruines des maisons effondrées à la suite du violent séisme qui a ravagé la ville d’Agadir, au Maroc, le 29 février 1960, faisant 12 000 morts (AFP)

Comme l’ont douloureusement rappelé les séismes qui ont frappé la Turquie et la Syrie le 6 février dernier, le nord-est du bassin occidental de la Méditerranée – et la Turquie en particulier – est intensément soumis à des séismes majeurs.

Il s’agit de l’une des zones sismiques les plus actives au monde. Ces 120 dernières années, 18 séismes de magnitude supérieure à 7 sur l’échelle de Richter y ont été enregistrés. La raison est purement géologique : c’est le lieu où s’affrontent trois plaques tectoniques.

Tout près, le Maghreb est une autre zone sismique très active en Méditerranée, avec une sismicité considérée comme modérée à forte. Le littoral méditerranéen de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc est bordé par la limite entre les plaques africaine et eurasienne qui rapprochent l’Afrique de l’Europe de six millimètres par an, avec la première qui s’enfonce sous la seconde.

La Méditerranée est située à la rencontre de trois plaques tectoniques : africaine, eurasienne et arabique. Au Maghreb, la plaque africaine, très active, passe sous la plaque eurasienne
La Méditerranée est située à la rencontre de trois plaques tectoniques : africaine, eurasienne et arabique. Au Maghreb, la plaque africaine, très active, passe sous la plaque eurasienne

Ce mouvement continuel, sorte de friction dans les couches profondes de la croûte terrestre, accumule au fur et à mesure de l’énergie, qui est libérée brusquement pour remonter vers la surface et provoquer le tremblement de terre.

C’est le long de cette bordure que se sont produits des séismes majeurs, comme ceux en Algérie centrale, à Chlef (ex-El Asnam, ex-Orléansville) en 1954 et 1980, respectivement de magnitude 6,1 et 7,1, et à Boumerdès en 2003, de magnitude 6,8.

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Le Maroc a quant à lui été touché le 28 février 1969 à 2 h 40 par un séisme de magnitude 7,8 – le « 1969 Portugal earthquake » – dont l’épicentre a été localisé dans l’Atlantique à 300 km à l’ouest de Gibraltar et 200 km des côtes du Portugal.

C’est le plus fort tremblement de terre à avoir frappé cette région depuis le puissant et terrible séisme du 1er novembre 1755 à Lisbonne.

La plus puissante secousse tunisienne connue à ce jour s’est produite le 10 septembre 1993 à 16 h 02 avec son épicentre à 150 km en mer à l’est de la ville de Sfax.

Au Maghreb, avec le déplacement continu des deux plaques tectoniques, la terre tremble sans arrêt, quasiment tous les jours, avec une fréquence moyenne de 50 séismes par mois.

Parmi eux, 90 % sont d’une magnitude inférieure à 3 ; ils ne sont révélés que par les sismographes. Imperceptibles pour les populations, ils se produisent en grande partie loin des centres d’habitation.

Au Maghreb, 90 % des secousses sont d’une magnitude inférieure à 3 ; ils ne sont révélés que par les sismographes

Ils sont en majorité regroupés dans des zones situées dans une bande de 50 km de large qui longe le littoral, mais des séismes sont aussi enregistrés dans la partie du Maghreb dite « mobile », comprise entre cette bande au nord et une ligne de 2 000 km de long qui va d’Agadir au Maroc à Gabès en Tunisie.

Ce tracé suit une grande faille, en fait une suite discontinue de failles appelée « accident sud-atlasique », qui marque le seuil de la plateforme du Sahara, géologiquement inactif.

Cette faille, active également, est à l’origine des tremblements de terre peu nombreux et de faible intensité enregistrés le long des reliefs du Haut-Atlas marocain et de l’Atlas saharien algérien.

Au Maghreb, les secousses « majeures » ne sont certes pas aussi fréquentes que dans et autour de la plaque anatolienne, mais l’histoire des trois pays est jalonnée de tremblements de terre destructeurs.

Une malédiction

Depuis que les premiers sismographes ont été installés au début du siècle dernier (en 1910 en Algérie et 1937 au Maroc), la plus violente secousse jamais enregistrée dans la région ouest méditerranéenne s’est produite le 10 octobre 1980 à 12 h 25 à proximité de la ville de El Asnam (aujourd’hui Chlef).

De magnitude 7,3, elle a été ressentie dans un rayon de 250 km. Les pertes humaines se sont élevées 2 633 morts et 80 % de la ville d’El Asnam et ses villages limitrophes ont été détruits.

Une victime du séisme d’El Asnam, en Algérie, le 10 octobre 1980 (AFP/Gérard Fouet)
Une victime du séisme d’El Asnam, en Algérie, le 10 octobre 1980 (AFP/Gérard Fouet)

Le 9 septembre 1954 à 1 h 07, la même ville et sa région ont été frappées par un autre séisme majeur de magnitude 6,5 qui a fait 1 500 morts et détruit la ville et ses alentours.

Ces deux catastrophes très destructrices à 26 ans d’écart ont été perçues comme une malédiction. Orléansville, qui avait pris le nom de Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans, en 1856, 26 ans après le début de l’occupation française, a repris son ancien nom, El Asnam, en 1964, deux ans après l’indépendance du pays.

El Asnam en arabe signifie « idoles », ce qui, dans la religion musulmane, renvoie aux dieux de la période antéislamique et est interdit. Ainsi, pour chasser le mauvais sort, on donnera à la ville le nom de Chlef, celui du cours d’eau qui coule dans la vallée.

Le jeudi 21 mai 2003 à 18 h 45 (GMT), une autre secousse majeure de magnitude 6,8 a frappé le centre du Maghreb. L’épicentre est localisé dans une zone côtière à environ 60 km à l’est de la capitale Alger, la région de Boumerdès, où plusieurs villes, Boumerdès, Zemmouri, Corso, Tidjelabine, Réghaïa, Thénia, Bordj Menaïel, Sidi Daoud et Dellys, ont été affectées par d’importants dégâts.

Le séisme de Boumerdès est le dernier en date des grands tremblements de terre au Maghreb – et probablement pas le dernier, avertissent les sismologues

Le séisme de Boumerdès a fait 2 278 morts. Il a été ressenti à 300 km de l’épicentre et a généré un tsunami ressenti dans tout le bassin occidental de la Méditerranée, causant des dégâts aux Baléares.

Si depuis, il y en a eu de nombreux autres, d’intensité plus faible, avec des pertes humaines et des dégâts moins importants, le séisme de Boumerdès est le dernier en date des grands tremblements de terre au Maghreb – et probablement pas le dernier, avertissent les sismologues.

L’histoire sismique de la région est jalonnée d’événements semblables rapportés par la littérature et les témoignages.

En Algérie, le plus ancien rapporté avec quelques détails remonte au 3 janvier 1365, de magnitude inconnue mais de force X (sur l’échelle MSK qui en comprend XII). Il avait complétement détruit la ville d’Alger.

En mai 1716, Alger est encore ravagée par un tremblement de terre d’intensité IX qui fait 200 000 morts.

Le 2 mars 1825, à Blida, 50 km au sud d’Alger, une secousse d’intensité inconnue cause la mort de 7 000 personnes.

Dans le pays central du Maghreb, toutes les régions enregistrent des secousses, surtout autour d’Alger, dans la vallée du Chelif, celle de la Soummam, jusque dans l’est.

Agadir et Al Hoceima

Le 27 décembre 1941 à 18 h 17, au Maroc, la ville côtière de Jadida, au sud-ouest de Casablanca, et ses 15 000 habitants sont frappés par un séisme de magnitude 6,6. C’est le plus puissant enregistré dans le pays à ce jour.

Les témoignages historiques rapportent que la terre au Maroc a tremblé de manière plus ou moins régulière depuis 1079.

À Melilla, dans le nord, à plusieurs reprises, en 1579 et plus violemment en 1660 avec d’importants dégâts, puis en 1792 et 1848. Dans la région d’Agadir et de Marrakech en 1719 et 1731. Le 29 février 1960, un séisme dévastateur d’une magnitude de 5,7 degrés sur l’échelle de Richter a détruit Agadir, faisant 12 000 morts et des dégâts matériels estimés à l’époque à 290 millions de dollars.

Le 12 avril 1773, un violent séisme a détruit presque complètement la ville de Tanger et plusieurs maisons à Fès se sont effondrées.

La terre tremble dans tout le Maroc mais avec plus de fréquence et d’intensité dans la région d’Agadir en raison de sa proximité avec l’accident sud-atlasique et dans le Rif autour de la ville côtière d’Al Hoceima, où on a enregistré un séisme de magnitude 5,2 le 7 janvier 2023 après une série de dix séismes d’intensité moyenne en 2022.

Une Marocaine passe à côté d’un immeuble effondré à Imzouren, au sud d’Al Hoceima, frappé par un séisme de magnitude 6,3, le 24 février 2004 (AFP/Abdelhak Senna)
Une Marocaine passe à côté d’un immeuble effondré à Imzouren, au sud d’Al Hoceima, frappé par un séisme de magnitude 6,3, le 24 février 2004 (AFP/Abdelhak Senna)

La Tunisie est située dans une zone relativement modérée en activité sismique, ce qui ne signifie nullement qu’elle en est à l’abri.  Elle n’a toutefois pas connu de grand séisme comme ses voisins de l’ouest.

En 1758, Tunis a été affectée par une secousse de 6,2 sur l’échelle de Richter et en 1970, Chouat (à l’ouest de la capitale) a connu un séisme de 5,6. Dans la région de Sfax, un séisme de 6,2 à El Djem et de 5 à Sened en 1989 ont été recensés parmi les plus importants.

Sur le littoral de la Méditerranée occidentale, au bord de la limite entre les plaques tectoniques, une secousse de 5,6 a touché Bizerte en 1894.

Après le séisme du 6 février 2023 en Turquie, l’Institut national de la météorologie tunisien a dû démentir les rumeurs infondées de tsunami qui aurait déferlé sur les côtes orientales.

En Méditerranée occidentale, de très nombreux séismes ont été à l’origine de tsunamis, dont trois majeurs entre 1693 et 1908 en Sicile. Le plus récent est celui du 21 mai 2003, provoqué par le séisme de Boumerdès de magnitude 6,8. Il a été observé le long de toutes les côtes espagnoles, françaises et italiennes en Méditerranée.

Aux Baléares, avec une amplitude de vague de plus de 2 mètres, des bateaux et embarcations ont été sérieusement endommagés. Comme pour les séismes, il est quasiment certain, selon des sismologues européens, qu’un tsunami se produira en Méditerranée dans les 30 prochaines années.

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