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Sommet de l’OTAN : tous les regards sont tournés vers Erdoğan 

De la Syrie aux pays baltes, MEE passe en revue les sujets sur lesquels s’opposent Ankara et les autres États membres de l’Alliance atlantique
(MEE/Mohamad Elaasar)
Par Ragip Soylu à ANKARA, Turquie

Les 3 et 4 décembre, les dirigeants des 28 États membres de l’OTAN sont à Watford, dans la banlieue de Londres, pour discuter de « la façon de réinventer l’alliance » qui, pour beaucoup, a perdu son âme ces dernières années.

Quels que soient les désaccords et les doutes au sujet de l’Alliance atlantique, une chose est néanmoins certaine à propos du sommet : les problèmes autour de la Turquie figurent en bonne place à l’ordre du jour.

Des sources proches du gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan ont déclaré à Middle East Eye que le président turc axerait principalement la discussion sur la Syrie et les menaces terroristes qui en sont issues.

Il devrait chercher un soutien politique et financier pour son projet de « zone de sécurité » dans le nord-est de la Syrie, où il souhaite installer des centaines de milliers de réfugiés qui vivent en Turquie.

Cependant, d’autres États membres de l’alliance, comme la France, voient d’un mauvais œil les récentes politiques d’Ankara, en particulier l’offensive turque en Syrie et son rejet d’un plan de défense de l’OTAN pour la Pologne et les pays baltes.

Voilà les principaux sujets liés à la Turquie qui devraient être abordés au sommet de l’OTAN :

Crise autour du plan de défense 

Le gouvernement turc a suspendu les plans de l’OTAN pour la défense de la Baltique le mois dernier. La raison ? Cela dépend à qui vous le demandez.

Des sources au sein de l’organisation ont déclaré à l’agence de presse Reuters que la Turquie essayait d’obtenir de l’OTAN que celle-ci qualifie de groupe terroriste la milice syro-kurde des Unités de protection du peuple (YPG), composante majeure des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis.

Cependant, les responsables turcs affirment avoir pris cette mesure uniquement après que les États-Unis et certains pays européens ont bloqué l’approbation d’un document qui décrivait les YPG comme une menace pour la Turquie. 

Ankara considère les YPG comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui est désigné comme une organisation terroriste par la Turquie, les États-Unis ou encore l’Union européenne.

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Une source au sein de la sécurité turque a déclaré lundi aux journalistes que le blocage de certains plans en vue d’obtenir des concessions sur d’autres sujets était une tactique typique à l’OTAN et que tous les pays s’en servaient.

« Ce qui est anormal ici, c’est de révéler ces négociations internes normales à la presse », a ajouté la source. 

Cette impasse s’est traduite par des coups de téléphone répétés entre les responsables turcs et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Ce sujet devient pressant à mesure que le temps passe. 

Özgür Ünlühisarcıklı, directeur pour la Turquie du German Marshall Fund, une organisation basée à Washington qui vise à promouvoir les relations transatlantiques, a déclaré qu’une solution serait probablement trouvée pendant ce sommet, étant donné l’importance de ces plans de défense.  

« Comparée à d’autres pays, la Turquie s’est montrée accommodante jusqu’à présent. Je suis sûr que la Turquie et ses alliés trouveront un moyen de mettre fin à cette crise », a-t-il affirmé. 

Qui est en état de mort cérébrale : l’OTAN ou Macron ?

Le mois dernier, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’OTAN était en état de « mort cérébrale » en raison du manque de coordination stratégique entre ses membres, notamment en ce qui concerne l’invasion turque du nord-est de la Syrie.

« On assiste à une action agressive, non coordonnée, d’un allié de l’OTAN, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu », a-t-il déclaré.

Recep Tayyip Erdoğan a riposté à la critique de Macron en disant du président français qu’il était lui-même « en état de mort cérébrale » et « très inexpérimenté ».

Le président français Emmanuel Macron et son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan se séparent à la fin d’une conférence de presse commune à l’Élysée le 5 janvier 2018 (AFP)
Le président français Emmanuel Macron et son homologue turc Recep Tayyip Erdoğan se séparent à la fin d’une conférence de presse commune à l’Élysée le 5 janvier 2018 (AFP)

Erdoğan, comme le président américain Donald Trump, a également accusé la France de ne pas contribuer suffisamment à l’alliance. 

Une source dans la sécurité turque, s’exprimant face à la presse lundi, a souligné l’importance de la Turquie pour l’OTAN et a déclaré qu’Ankara était attaché à l’alliance.

Des responsables turcs avaient précédemment assuré à MEE que le gouvernement d’Erdoğan n’avait aucunement l’intention de quitter l’OTAN car tous ses membres étaient représentés de façon égale dans le processus de décision.

« C’est un parapluie de défense militaire dans lequel nous avons investi notre argent et notre sang. Pourquoi devrions-nous partir ? » a demandé la source.

Conflit dans l’est de la Méditerranée

La Turquie et le gouvernement libyen soutenu par l’ONU ont signé la semaine dernière un protocole d’accord pour délimiter les zones maritimes dans l’est de la Méditerranée – une tentative visant à bloquer toute nouvelle activité de forage grecque et chypriote dans la région.

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En réaction, le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis a déclaré dimanche qu’il demanderait le soutien de l’OTAN vis-à-vis des initiatives turques dans la région.

Les responsables turcs considèrent que leur accord avec la Libye est un succès car selon eux, d’un point de vue légal, celui-ci a contrecarré un accord entre la Grèce, Chypre et l’Égypte pour diviser la région en leur faveur.

Le ministre des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a déclaré la semaine dernière que les responsables turcs restaient ouverts à la discussion avec la Grèce et l’Égypte.

Syrie

L’un des sérieux points de discorde entre la Turquie et certains membres clés de l’OTAN est l’offensive turque dans le nord-est de la Syrie.

Emmanuel Macron a averti Ankara la semaine dernière de ne pas porter atteinte à l’OTAN en prenant des décisions militaires unilatérales qui pourraient affecter les opérations de la coalition soutenue par les États-Unis contre le groupe État islamique.  

« Cela pourrait se transformer en jeu de “à qui criera le plus fort”. Pendant ce temps, Poutine appréciera le spectacle ! »

- Özgür Ünlühisarcıklı du German Marshall Fund

Erdoğan a répondu que la France n’avait pas à se mêler des affaires de la Turquie en Syrie. Le président français avait déjà irrité la Turquie en accueillant fréquemment des représentants des YPG au palais de l’Élysée.

« Qu’est-ce que vous faites en Syrie ? » a demandé Erdoğan à Macron.

« Gesticulez autant que vous voulez… vous finirez par respecter le droit de la Turquie à combattre le terrorisme tôt au tard. » 

D’autres alliés de l’OTAN, notamment la France, la République tchèque, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Allemagne et le Royaume-Uni, se sont mis d’accord pour restreindre les exportations d’armes à la Turquie en raison de son opération syrienne, suscitant la condamnation d’Ankara.

La Turquie souhaite normaliser ses relations avec ces pays et cherche à obtenir un soutien politique à ses projets dans le nord-est de la Syrie, où elle souhaite mettre en place une zone tampon le long de la frontière turque pour garder les YPG à distance et potentiellement accueillir les réfugiés syriens qu’elle accueille actuellement sur son sol.

Erdoğan et Macron, ainsi que le Premier ministre britannique Boris Johnson et la chancelière allemande Angela Merkel, se rencontrent ce mardi pour discuter d’une solution politique à la guerre en Syrie.

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« Je pense que la Turquie ne sera que l’un des nombreux points de désaccord lors de ce sommet de l’OTAN », a déclaré Ünlühisarcıklı du German Marshall Fund, ajoutant que l’achat par Ankara d’un système de défense aérienne russe S-400 était une autre cause d’agacement.

« Macron critiquera les États-Unis et la Turquie en ce qui concerne la Syrie, presque tous les autres critiqueront la Turquie pour son incursion en Syrie et son acquisition de S-400 », a-t-il ajouté.

« Trump critiquera quasiment tout le monde concernant les dépenses de défense ; Merkel critiquera Macron pour son approche vis-à-vis de la Russie et ses engagements envers l’OTAN ; Erdoğan critiquera presque tout le monde pour ne pas avoir fait preuve de solidarité avec la Turquie contre le terrorisme.

« Cela pourrait se transformer en jeu de “à qui criera le plus fort”. Pendant ce temps, Poutine appréciera le spectacle ! »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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