Capitale africaine de la culture : Marrakech en disgrâce, Rabat dans l’incertitude
Après le désistement de Marrakech comme « capitale africaine de la culture » au profit de Rabat, le cafouillage continue autour de la candidature de la capitale du royaume, que le comité d’organisation n’a toujours pas validée.
L’annonce a pris tout le monde de court : Marrakech, élue en 2018 pour accueillir cet événement visant à inscrire la culture au centre des politiques de développement des villes sur le continent, a cédé sa place à Rabat. Un désistement d’autant plus que surprenant qu’il est intervenu à une semaine des festivités, qui devaient démarrer le 31 janvier.
« J’ai le triste regret de vous annoncer qu’il a été décidé, pour des raisons incompréhensibles, et après plusieurs mois de préparation intense, que la ville ocre se désistait au profit de Rabat », se désolait, le 22 janvier, le peintre et écrivain Mahi Binebine, président d’honneur de l’événement qui devait donner le la au projet.
Pourquoi cette volte-face au dernier moment ? Terré dans le silence, le maire de Marrakech, Mohamed Larbi Belcaid, qui a envoyé la lettre de désistement à l’organisation Cités et gouvernements locaux unis (CGLU Afrique) n’a donné aucune explication.
Selon plusieurs sources dans le milieu de la culture, la décision a été prise « en haut lieu ». Autrement dit, par Mohammed VI qui, selon des sources médiatiques, serait en colère en raison des retards de plusieurs chantiers à Marrakech.
Seule réaction du gouvernement : « Le transfert de la manifestation ‘’Capitales africaines de la culture’’ de Marrakech à Rabat est dicté par des considérations managériales et techniques, l’objectif étant de réunir toutes les conditions de réussite d’un événement de telle envergure et à dimension internationale », a commenté le ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, porte-parole du gouvernement, El Hassan Abyaba, quelques jours après le désistement de Marrakech.
Problème : aucune date n’a été annoncée pour l’organisation de l’événement à Rabat. Le choix même de la ville est toujours tributaire du vote du comité d’organisation de Capitales africaines de la culture. Et il faut dire que rien n’est gagné. En effet, après une réunion du comité d’organisation le 4 février, la candidature reste incertaine.
Dix millions d’euros
« Les membres du comité ont validé les lettres pour la présentation du projet de Rabat. Le résultat sera communiqué la semaine prochaine. C’est aux autorités marocaines d’en parler. Ce que je peux vous dire, c’est que le projet de faisabilité est en train d’être étudié pour la ville de Rabat », confie à Middle East Eye Khaled Tamer, directeur général de Capitales africaines de la culture.
« Tout est possible, il faut laisser le temps au comité de donner les grandes lignes par rapport à Rabat comme on a fait par rapport à Marrakech », poursuit-il. Voilà un premier obstacle, et non des moindres.
Le deuxième peut tout aussi s’avérer handicapant pour la ville « élue » par Mohammed VI : il faut plusieurs mois afin de s’organiser pour accueillir l’Afrique. Et quelque dix millions d’euros. Mais la ville a été désignée il y a plusieurs années par le roi comme « capitale culturelle du pays ».
« Les membres du comité ont validé les lettres pour la présentation du projet de Rabat. Le résultat sera communiqué la semaine prochaine »
- Khaled Tamer, directeur général de Capitales africaines de la culture
Contacté par MEE, Mehdi Qotbi, président de la Fondation nationale des musées et lobbyiste influent du royaume, semble serein : « Je vous réponds par des expériences que Rabat a organisées avec brio : l’organisation, il y a deux ans, de l’exposition ‘’l’Afrique en capitale’’, événement pendant lequel toute la ville était aux couleurs de l’Afrique, une réussite complète et totale. Puis, la biennale de Rabat qui fut un succès [l’événement a réuni plus de 140 000 visiteurs en trois mois] salué par la presse internationale aussi bien pour la qualité de l’organisation, le choix des œuvres et des artistes, que pour la diversité dans toute la ville de Rabat », vante-t-il.
« Rabat est capable aujourd’hui de recevoir une très grosse manifestation, c’est la seule ville marocaine à disposer d’autant de lieux d’accueils. Ceci dit, je n’ai aucune information sur cet événement en particulier et ne sais pas, par conséquent, combien de mois il faut pour l’organisation. » Une chose est sûre, selon lui : « En ce qui concerne la Fondation nationale des musées, nous sommes capables de nous mobiliser rapidement. »
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