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Les noms arabes et musulmans à surveiller aux Oscars 

Des documentaires sur la vie en Syrie et en Tunisie sont nominés à la 92e cérémonie des Oscars ce dimanche
Le réalisateur syrien Feras Fayyad est le premier réalisateur de documentaires arabe nominé aux Oscars (AFP)

Hollywood remet ce dimanche 9 février ses prestigieux Oscars. La plupart des experts prédisent la victoire de 1917 (l’équipée désespérée de deux jeunes soldats durant la Première Guerre mondiale) dans la catégorie phare du meilleur film, et d’un carré de stars confirmées pour les récompenses décernées aux acteurs, mais cette 92e édition pourrait réserver son lot de surprises, en particulier chez les candidats et les récits arabes.

Si les dernières semaines peuvent servir d’indication, les signes sont positifs. Aux Golden Globes en janvier, le comédien de stand-up Ramy Youssef a remporté le prix du meilleur acteur dans une série humoristique pour Ramy, un regard fictif sur sa vie de musulman égypto-américain dans un New Jersey politiquement divisé.

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Ramy : un regard fictif sur la vie d’un musulman égypto-américain dans le New Jersey (AFP)

Le documentaire de guerre syrien Pour Sama a également remporté plusieurs victoires dont quatre British Independent Film Awards, ainsi que le meilleur documentaire aux BAFTA.

Ces dernières années, les talents arabes et musulmans ont brillé aux Oscars. En 2019, l’Égypto-Américain Rami Malek a remporté le prix du meilleur acteur pour Bohemian Rhapsody. Et Mahershala Ali, un musulman ahmadi, a remporté deux des trois derniers prix des meilleurs acteurs dans un second rôle pour Moonlight et Green Book. Les films libanais, The Insult et Capharnaüm, ont également été sélectionnés dans la catégorie du meilleur film étranger en 2018 et 2019.

Des stars de retour aux nominés, dans les catégories documentaires et courts métrages, voici les noms arabes et musulmans à surveiller de près dimanche.

1- Waad al-Kateab (Pour Sama)

Pour Sama raconte l’histoire familiale de la cinéaste et journaliste Waad al-Kateab. Entre tragédie et espoir, elle documente cinq ans de soulèvement dans sa ville natale d’Alep. Le film prend la forme d’une lettre d’amour écrite par Waad al-Kateab à sa petite fille Sama, née au plus fort du conflit dans la ville du nord-ouest de la Syrie.

« Tout est articulé autour de Sama. Sama n’est pas seulement ma fille, elle est tous les enfants en Syrie », explique la réalisatrice à Middle East Eye.

Il y a quatre ans à peine, Waad al-Kateab et son mari Hamza se cachaient avec Sama dans le sous-sol de l’hôpital bombardé qu’ils dirigeaient, en se demandant s’ils s’en sortiraient vivants pour raconter leur histoire. Ils avaient même élaboré plan B au cas où ils auraient été tués. 

« À un moment, nous avons discuté avec Channel 4 News de l’endroit où nous pourrions enterrer les images. Ainsi, si nous n’avions pas survécu, elles n’auraient pas été perdues », a raconté Waad al-Kateab au public des BAFTA.

Dans un discours puissant, elle a dédicacé sa récompense, pour le meilleur documentaire, au « grand peuple syrien qui souffre encore aujourd’hui » et a exhorté les personnes présentes : « Les gens sont bombardés en ce moment, les habitants d’Alep devraient entendre nos voix. Le peuple syrien doit entendre les voix de ce grand pays, laissez-les entendre votre voix ».

2- Feras Fayyad (The Cave)

The Cave du réalisateur syrien Feras Fayyad, qui raconte le quotidien d’un hôpital de la Ghouta orientale, est également nominé pour le meilleur documentaire.

Comme l’histoire de Waad al-Kateab, The Cave se concentre sur une figure féminine, le docteur Amani Ballour, pédiatre et médecin qui assiste chaque jour à la mort et à la destruction alors qu’elle soigne les victimes des frappes aériennes et des attaques chimiques. Contrairement à Pour Sama, il y a, dans The Cave, peu de signes d’espoir ou d’une guerre sur le point de se terminer. 

« En tant que Syrien, j’ai une obligation envers mes compatriotes », a déclaré le réalisateur Feras Fayyad à Middle East Eye. « Je ne peux plus porter les blessés et enterrer les morts. Je ne suis plus en mesure de porter des armes et de défendre l’endroit où vit de ma famille. La seule chose que je puisse faire maintenant est d’exposer la vérité, de montrer ce qui se passe en Syrie au plus large public qui soit. »

Feras Fayyad a reçu sa première nomination aux Oscars en 2018 pour Les Derniers Hommes d’Alep, qui suit un groupe de Casques blancs alors qu’ils tentent de sauver la vie de civils dans la ville assiégée. 

Mais pour Pour Sama et The Cave, la concurrence est rude. American Factory, le premier film produit par Higher Ground, la société de production de Barack et Michelle Obama est présenté comme le favori dans la catégorie des documentaires.

3- Meryam Joobeur (Brotherhood)

Les espoirs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord aux Oscars cette année ne se limitent pas aux longs métrages documentaires. La réalisatrice tuniso-canadienne Meryam Joobeur est nominée dans la catégorie du meilleur court métrage pour Brotherhood.

Le film, tourné en langue arabe, raconte l’histoire d’un jeune homme qui retourne dans sa maison familiale rurale, en Tunisie, un an après avoir rejoint le groupe État islamique (EI), avec sa nouvelle épouse syrienne qui porte le niqab.

On estime qu’entre 3 000 à 6 500 ressortissants tunisiens ont rejoint l’EI à l’étranger, ce représente un des taux par habitant les plus élevés au monde.

Le film de Meryam Joobeur a déjà remporté plusieurs prix, dont celui du meilleur court métrage canadien au Festival international du film de Toronto.

4- Nefta Football Club

https://www.youtube.com/watch?v=kwrKXiRH2xQ

Pour que Brotherhood gagne une statuette dimanche, il devra battre un autre court métrage qui se déroule aussi en Tunisie, Nefta Football Club.

Ce film de dix-sept minutes suit deux frères qui font face à un dilemme après être tombé sur un âne portant des sacs pleins de poudre blanche à la frontière tuniso-algérienne. 

Selon le réalisateur français Yves Piat, l’histoire avait été inspirée par des passeurs qu’il a rencontrés lors d’un voyage au Maghreb il y a 30 ans.

Alors que Brotherhood est intense et pesant, Nefta Football Club est un conte plus léger avec un rebondissement final satisfaisant.

5- Rami Malek et Mahershala Ali

Les acteurs Rami Malek et Mahershala Ali reviennent aux Oscars ce week-end pour remettre des prix.

L’année dernière, Rami Malek avait remporté le prix du meilleur acteur pour sa transformation magistrale en Freddie Mercury dans Bohemian Rhapsody. Dans les coulisses de la salle de presse, l’homme de 38 ans a parlé en arabe et a célébré son héritage moyen-oriental.

« En devenant adulte, j’ai réalisé à quel point mon héritage et ma tradition étaient beaux. La richesse de la culture, de la magie, de la musique, du cinéma et de l’art pur qui vient du Moyen-Orient », a-t-il déclaré aux journalistes.

Peu de temps après sa victoire aux Oscars, Rami Malek a été confirmé comme le méchant dans le nouveau James Bond, No Time To Dies, malgré des réactions mitigées.

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Rami Malek reçoit l’Oscar du meilleur acteur lors de la 91e cérémonie des Oscars (Matt Sayles / AMPAS / AFP)

Mahershala Ali, qui a marqué l’histoire en 2017 en devenant le premier musulman à remporter l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, revient également. Il est aussi le premier acteur noir à remporter deux oscars en trois ans.  

Mahershala Ali s’est converti à l’islam il y a dix-neuf ans et est membre de la communauté musulmane ahmadie, une branche de la religion fondée au Pendjab au XIXe siècle, basée sur les enseignements de Mirza Ghulam Ahmad.

Traduit (original) de l’anglais.

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