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Maroc : bataille autour du mariage des mineures 

En 2018, 40 000 mariages de mineures ont été recensés. Un chiffre qui alarme la société civile marocaine ainsi qu’une partie de la classe politique
Le PJD (islamiste) qui veut amender la loi en limitant les autorisations des juges aux mariages des mineures de 16 ans. (AFP)
Par Margaux Mazellier à CASABLANCA, Maroc

La question du mariage des mineures fait à nouveau débat au Maroc. Deux groupes parlementaires de la coalition nationale s’affrontent sur cette sensible question de société. 

D’un côté, le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) qui veut amender la loi en limitant les autorisations des juges aux mariages des mineures de 16 ans.

De l’autre, le Parti du progrès et du socialisme (PPS), qui souhaite faire respecter sans exception aucune, à 18 ans, l’âge légal du mariage.

Appel à modifier le code de la famille

Depuis début mars, une campagne nationale est menée par le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), nouvellement présidé par Amina Bouayach. Cette campagne a débouché sur une rencontre organisée vendredi 22 mars à Rabat en partenariat avec le Conseil de l’Europe sur le thème « Mariage des mineures : abolir l'exception, rétablir la norme ». 

Pointant du doigt le nombre croissant de mariage des mineures (40 000 mariages en 2018), le CNDH, avec l’appui de l’Europe et d’une partie de la société civile marocaine, demande à ce que le code de la famille soit modifié.

L’article 20 laisse par exemple l’autorisation du mariage d’une mineure à l’appréciation du juge

Plus précisément, les ONG demandent l’abrogation des articles 16 et 20 de ladite loi qui permettent aux juges d’accorder une dérogation pour contracter un mariage sans atteindre l’âge légal ou encore de reconnaître un mariage coutumier.

Vides juridiques

Malgré l’entrée en vigueur du nouveau code de la famille en 2004, qui fait passer l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans, des vides juridiques demeurent. 

L’article 20 laisse par exemple l’autorisation du mariage d’une mineure à l’appréciation du juge, « par décision motivée précisant l'intérêt et les motifs justifiant ce mariage ». « Il aura entendu, au préalable, les parents de la mineure ou son représentant légal. De même, il aura fait procéder à une expertise médicale ou à une enquête sociale », peut-on lire dans le texte de loi. Or, la loi ne précise pas les motifs pouvant motiver sa décision la juge. 

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D’autre part, l’article 16 du code de la famille, relatif à la régularisation du mariage coutumier dit par la fatiha (mariage religieux), ouvre lui aussi la voie aux dérogations. Cet amendement permet de régulariser ce type de mariage « informel » à l’âge de 15 ans. 

Dans un article publié par L’Économiste, Fatima Zahra Moumou, vice-présidente de l’association Droit & justice affirme qu’« il faut absolument interdire le mariage des mineures de moins de 18 ans et supprimer l’article 16 de la moudawana [code de la famille]. De même, il faudrait inclure des sanctions pour toutes les personnes autorisant cela ».

Un mémorandum du CNDH sur le sujet est en cours de rédaction. Il prévoit, entre autres, des propositions au sujet des mécanismes permettant de lutter contre le mariage précoce des filles, des outils de prévention ainsi que de promotion de leurs droits.

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