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Selon Mohamed Ali, l’Égypte construit des tunnels secrets pour transporter l’eau hors du pays malgré la pénurie

Pourquoi est-ce que des installations de traitement de l’eau n’ont-elles pas été construites pour les mystérieuses infrastructures bâties sous le canal de Suez si l’eau est destinée à l’Égypte ?
Le barrage de la Renaissance éthiopienne, en construction sur le Nil (Reuters)

Le gouvernement égyptien a construit des tunnels secrets sous le canal de Suez pour transporter de l’eau vers des destinations certainement situées hors d’Égypte malgré la grave pénurie d’eau que connaît le pays, rapporte le lanceur d’alerte Mohamed Ali à Middle East Eye.

« Les ingénieurs qui ont travaillé sur ces tunnels m’en ont parlé et confié qu’ils avaient coûté des milliards de dollars », déclare Ali à MEE, depuis un endroit tenu secret en Espagne.

Ce dernier, qui a travaillé pendant des années en tant qu’entrepreneur pour l’armée et le gouvernement égyptiens, précise que ses contacts dans le secteur de la construction lui ont indiqué que les infrastructures manquaient autour des tunnels, soulevant des questions quant à la destination de cette eau.

« Si l’eau va au Sinaï, alors pourquoi n’ont-ils pas commencé à établir des usines de traitement de l’eau ? », s’interroge Ali.

« Cela signifie que l’eau ne va pas au Sinaï, elle va ailleurs. »

« Il y a un grand point d’interrogation. Je demande à Sissi de nous répondre, à moi et au peuple égyptien : où va cette eau ? »

- Mohamed Ali

La croissance démographique, la mauvaise gestion des ressources et un manque d’investissement dans les infrastructures hydrauliques ont fait de l’Égypte l’un des pays où le « stress hydrique » est le plus fort, selon l’ONU.

L’Égypte pourrait manquer d’eau d’ici 2025, prédit l’ONU.

Mohamed Ali, qui a bien connu les rouages de l’armée et du gouvernement égyptiens, vit dorénavant dans la clandestinité et est devenu l’un des détracteurs les plus célèbres du président Abdel Fattah al-Sissi.

Depuis le début du mois de septembre, il a sorti une salve de vidéos accusant Sissi et d’autres hauts responsables de corruption généralisée.

Ces vidéos ont déclenché l’ire de la population contre le président et, fin septembre, ont provoqué les premières grandes protestations contre son régime depuis des années.

Abdel Fattah al-Sissi, selon Ali, a gaspillé l’argent qui aurait pu être utilisé pour atténuer cette crise. « Il a admis qu’il y avait une pénurie d’eau du Nil », note le lanceur d’alerte égyptien.

« Il y a un grand point d’interrogation. Je demande à Sissi de nous répondre, à moi et au peuple égyptien : où va cette eau ? »

Partage du Nil

Le grand barrage de la Renaissance éthiopienne, un mastodonte de 4 milliards de dollars en cours de construction sur le Nil en Éthiopie, est source d’anxiété en Égypte.

Bien que situé à 2 500 km au sud du Caire, ce barrage pourrait avoir un effet dévastateur sur l’approvisionnement en eau de l’Égypte. Environ 90 % des 100 millions d’habitants que compte le pays dépendent de l’eau du Nil.

carte

Une fois le barrage construit sur le Nil Bleu, l’une des deux principales artères du Nil, l’Éthiopie contrôlera efficacement le débit du fleuve.

« Personne ne peut toucher à la part égyptienne de l’eau du Nil », déclarait Sissi en 2016. « C’est une question de vie ou de mort […] c’est notre pays et l’accès à l’eau doit être garanti pour nos citoyens, d’Assouan à Alexandrie. »

Malgré ses discours fermes, Sissi a récemment été critiqué pour son incapacité à résoudre le problème avec le gouvernement éthiopien.

L’Égypte a demandé l’assurance de l’Éthiopie que le barrage de la Renaissance n’aurait aucune incidence sur la quantité d’eau que le pays reçoit. Les négociations sont rompues mais devraient reprendre ce lundi.

« Ce qui se passe actuellement en Égypte est un désastre, en particulier le barrage de la Renaissance et si l’eau du Nil est bloquée pour l’Égypte », estime Mohamed Ali.

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L’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan ont déjà fait des progrès vers une solution concernant l’écoulement du Nil, signant en 2015 un accord-cadre dont le contenu n’a pas été intégralement rendu public.

Cependant, Sissi a blâmé le soulèvement de 2011 qui a évincé l’autocrate de longue date Hosni Moubarak, lequel aurait selon lui compromis la position de l’Égypte dans ces négociations.

« Sans [les événements de] 2011, il y aurait eu un accord solide et aisé concernant la construction de ce barrage. Mais quand le pays a exposé son dos et […] tendu le bâton pour se faire battre, tout est devenu possible », a déclaré Sissi dimanche lors d’un forum militaire.

Mohamed Ali dément catégoriquement les propos de Sissi, rejetant la responsabilité de la crise et le blocage des négociations sur le président.

« Comment pouvez-vous dire qu’en 2011 l’Égypte a été mise à nu et que nous avons été exposés ? C’est vous qui avez signé le contrat avec l’Éthiopie », assène-t-il.

Ali dénigre également la demande de Sissi d’une médiation internationale pour faciliter les négociations avec l’Éthiopie après avoir dit que les discussions qui ont pris fin plus tôt ce mois-ci ont une fois de plus abouti à une impasse.

« N’êtes-vous pas celui qui a fait appel à un tiers pour résoudre le conflit ? Qui est donc responsable ? … la révolution ? », demande-t-il indirectement au président.

À la lumière des dépenses présumées de l’Égypte pour les tunnels secrets de transport de l’eau ainsi que d’un pacte qui incite déjà le gouvernement à restreindre le développement de la culture du riz et de la canne à sucre, Ali appelle Sissi à divulguer les détails.

« L’Égypte se dirige vers une crise de l’eau. Il a déjà interdit la plantation de riz, pourquoi ? Pourquoi a-t-il interdit la plantation de canne à sucre ? »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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