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Une personnalité politique égyptienne « torturée à mort » en prison

L’ancien candidat à la présidentielle Abdel Moneim Aboul Fotouh est victime d’un « meurtre à petit feu », tout comme Mohamed Morsi, a affirmé son fils à MEE
Abdel Moneim Aboul Fotouh, ancien candidat à la présidentielle de 2012, a été victime de huit crises cardiaques en détention, a déclaré son fils (AFP)

Un éminent homme politique égyptien et ancien candidat à la présidentielle (en 2012) est victime d’un « meurtre à petit feu » en prison et pourrait connaître le même sort que Mohamed Morsi, alors que les autorités continuent de lui refuser l’accès à des soins médicaux, a averti son fils.

Abdel Moneim Aboul Fotouh, 68 ans, est en détention provisoire depuis février 2018. Il est accusé d’avoir rejoint un mouvement interdit et d’avoir diffusé de fausses nouvelles pour nuire à des intérêts nationaux.

« Nous le regardons se faire torturer à mort, c’est la douloureuse vérité »

- Ahmed Abdoul Fotouh

Il est détenu à l’isolement dans la prison de Tora au Caire, où le président Morsi, décédé le 17 juin, aurait été traité de la même manière.

Son fils Ahmed a déclaré à Middle East Eye qu’Aboul Fotouh s’était vu refuser « le traitement minimal qui garantirait son bien-être physique ».

Selon Ahmed, l’ex-candidat à l’élection présidentielle a subi huit crises cardiaques en détention, une allégation réfutée par le gouvernement égyptien.

« Malheureusement, nous le regardons se faire torturer à mort, c’est la douloureuse vérité », a ajouté Ahmed.

Il avait indirectement critiqué Sissi

Aboul Fotouh a participé à l’élection présidentielle de 2012 en Égypte et s’est classé quatrième avec 17,4 % des voix. Il avait été arrêté avant la présidentielle de mars 2018, au cours de laquelle l’actuel président Abdel Fattah al-Sissi s’était présenté pratiquement sans opposition et avait remporté une écrasante majorité des suffrages.

Aboul Fotouh est le fondateur et le président du parti Strong Egypt (Pour une Égypte forte), créé après son départ du mouvement des Frères musulmans en 2011, à la suite de désaccords avec ses dirigeants.

Il aurait été arrêté pour des entretiens donnés à des journalistes à Londres le mois précédent, dans lesquels il avait indirectement critiqué Sissi et l’exclusion de tous les rivaux potentiels du président avant les élections.

« Un sommeil ininterrompu, même pendant une heure, est un rêve pour lui » 

- Ahmed Abdoul Fotouh

Ahmed a déclaré que son père avait décrit sa cellule comme « un chaudron » en évoquant la pièce non ventilée sous la chaleur estivale égyptienne.

Dans ce contexte, les multiples demandes pour placer dans sa cellule un réfrigérateur où stocker ses médicaments ont été refusées, a précisé le fils du détenu.

Aboul Fotouh souffre depuis son arrestation de lésions aux cartilages en raison de mauvais traitements, a affirmé son fils. Les blessures ont limité ses mouvements et l’ont rendu plus vulnérable aux coups et aux caillots de sang.

Selon Ahmed, Aboul Fotouh a également déclaré à plusieurs reprises souffrir d’apnée du sommeil (respiration interrompue pendant le sommeil).

De plus, il a été empêché de subir la chirurgie qui avait été programmée avant son arrestation pour traiter les symptômes d’une hypertrophie de la prostate, ce qui affecte son sommeil.

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Tout cela semble avoir été aggravé par la progression constante de son diabète. « Un sommeil ininterrompu, même pendant une heure, est un rêve pour lui », a témoigné Ahmed.

Les seuls soins médicaux dont Aboul Fotouh a bénéficié sont des médicaments fournis « au hasard » et sans prescription ni suivi par des spécialistes, a précisé son fils.

Ahmed a reconnu qu’il ne pouvait pas imputer la négligence médicale aux médecins de la prison, qui ne disposent pas des moyens nécessaires pour prendre en charge leurs patients. « Les soins médicaux sont réduits à la prescription de médicaments par des médecins impuissants. »

Selon Ahmed, le seul moyen de sauver la vie de son père est de le transférer dans un hôpital situé à l’extérieur de la prison, voire dans un hôpital pénitentiaire.

« Ce serait notre seule chance d’empêcher sa mort », a-t-il ajouté.

Une situation qui rappelle celle de... Morsi

La situation d’Aboul Fotouh rappelle celle de Mohamed Morsi, l’ancien président renversé par Sissi lors d’un coup d’État militaire en 2013, décédé il y a deux semaines après s’être effondré devant un tribunal lors de l’un de ses procès.

Les avocats de Mohamed Morsi, sa famille et des organisations de défense des droits de l’homme ont déclaré qu’il avait été victime de négligence médicale délibérée au cours de ses sept années de détention depuis son éviction du pouvoir.

Pour le fils d’Aboul Fotouh, son père risque le même sort que l’ancien président Morsi

Human Rights Watch (HRW) a accusé le gouvernement égyptien d’avoir commis « de graves abus » contre Morsi en le privant du minimum de ses droits de prisonnier et a appelé à une enquête sur les circonstances de sa détention qui auraient pu conduire à sa mort.

Maintenant, pour le fils d’Aboul Fotouh, son père risque le même sort que l’ancien président, car il est soumis à un traitement tout aussi épouvantable dans la prison de Tora.

Deux groupes égyptiens de défense des droits de l’homme, le Centre Adala pour les droits et libertés et le Centre égyptien pour les droits sociaux et économiques, ont déposé une plainte auprès du procureur général réclamant une intervention rapide pour sauver la vie d’Abdel Moneim Aboul Fotouh.

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Les deux ONG ont exigé qu'il soit transféré à l’hôpital et qu'il soit autorisé à bénéficier de deux observateurs médicaux pour l’aider en cas d’urgence.

Hussein Bayoumi, chercheur en Égypte pour Amnesty International, a déclaré à MEE que la détention d’Aboul Fotouh était arbitraire et que les charges retenues contre lui étaient « infondées ».

Il a exhorté les autorités à le libérer immédiatement et à veiller à ce qu’il reçoive des soins médicaux appropriés.

Des groupes de défense des droits de l’homme ont documenté le quotidien de dizaines de milliers de prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons égyptiennes depuis l’arrivée au pouvoir de Sissi en 2013.

Beaucoup sont morts des suites de négligence médicale dans des circonstances qui, selon les ONG, constitueraient une forme de torture.

Traduit de l’anglais (original).

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