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Les Tunisiens jettent un regard prudent sur l’élection algérienne

Rassemblement contre l’élection présidentielle algérienne devant le consulat algérien à Tunis, le 11 décembre (MEE/ Maryline Dumas)
Rassemblement contre l’élection présidentielle algérienne devant le consulat algérien à Tunis, le 11 décembre (MEE/Maryline Dumas)

Mohamed n’a même pas eu la curiosité de se déplacer lorsqu’il a entendu quelques cris au loin. Attablé dans un café à une cinquantaine de mètres du consulat algérien à Tunis, où une dizaine de personnes s’étaient réunies mercredi en fin d’après-midi pour protester contre des « élections non transparentes », le quinquagénaire est blasé : « Les révolutions n’apportent rien de bon. Regardez en Tunisie. J’ai le droit de vous parler, mais je n’ai pas de quoi vivre dignement. »

L’indifférence de ce Tunisien pour l’élection présidentielle algérienne n’est pourtant pas majoritaire dans le pays. Au contraire, la population regarde avec attention ce qu’il se passe chez la « grande sœur » voisine, soutenant, généralement, les contestations populaires. L’inverse serait étonnant alors que 20 000 Algériens sont officiellement résidents en Tunisie et que les familles binationales sont légion.

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C’est le cas par exemple de Zouhour Ouamara. Cette professeure de droit est née d’un père algérien et d’une mère tunisienne. Ce mercredi, elle était devant le consulat algérien de Tunis, portant une pancarte « Ulac L’vote Ulac » (pas d’élection).

« Cette élection ne répond pas aux volontés du peuple. Nous voulons un État de droit », scandait-elle, dénonçant « les bureaux de vote ambulants mis en place sur tout le territoire tunisien pour augmenter illégalement la participation. »

Alors que Kais Saied, président élu le 13 octobre, a déclaré que sa première visite à l’étranger aurait lieu en Algérie, la jeune femme – qui a voté pour lui – lance un appel au chef de l’État tunisien : « Vous qui estimez être l’élu d’une révolution du peuple, n’allez pas soutenir un faux élu algérien issu de l’ancien régime. »

Alaa Talbi, membre du Forum social maghrébin, qui réunit des associations impliquées dans le hirak, ne se fait guère d’illusion : « Rien ne changera avec les nouveaux élus tunisiens [le Parlement a été renouvelé en septembre]. On l’a vu le 1er novembre [pour la fête nationale] aux festivités de l’ambassade algérienne : Ghannouchi [président du nouveau parlement], Chahed [Premier ministre en charge des affaires courantes], Jemli [Premier ministre nommé]... tout le monde était là ! Le pouvoir tunisien et la majorité des partis sont dans une complicité totale avec le régime algérien. »

Officiellement, les autorités tunisiennes se disent neutres. Elles doivent en fait conjuguer leur tradition diplomatique de non-interférence dans les affaires internes d’un autre pays, leur image de modèle du Printemps arabe – tout en insistant sur le fait que l’histoire tunisienne ne peut pas être « calquée » ailleurs, selon l’expression d’un haut fonctionnaire – et la coopération étroite entre les armées algérienne et tunisienne.

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Un équilibre délicat pour la Tunisie, qui compte sur l’Algérie pour la sécurité de ses frontières occidentales. Pas question donc d’envisager un scénario catastrophe qui aurait forcément des répercussions sur la jeune démocratie.

Pour Nadia Mesghouni, responsable des affaires étrangères à l’Institut tunisien des études stratégiques, sous la tutelle de la présidence, quelles que soient les complications éventuelles, le retour en arrière n’est plus possible en Algérie : « Le régime et l’armée savent qu’ils sont sous le contrôle du peuple. La moindre corruption, le moindre faux pas sera guetté par la population. »

Par Maryline Dumas à Tunis.