La Mémoire créative de la révolution syrienne, un répertoire de l’incroyable richesse artistique née du soulèvement
En 2013, deux ans après le début du soulèvement populaire en Syrie, Sana Yazigi, graphiste syrienne originaire de Damas, lance le site internet La Mémoire créative de la révolution syrienne, qui recense et répertorie les œuvres des artistes syriens créées pendant la révolution.
La fièvre de collecter
« Dès les premiers mois du soulèvement, j’ai observé et été stupéfaite par la profusion d’œuvres artistiques. Je ne voulais pas que tout cela soit oublié ou effacé, je voulais garder une trace. Il y avait une fièvre de documenter ce qui était en train de se passer », déclare-t-elle à MEE.
« En arrivant à Beyrouth en 2012, j’ai commencé à collecter, rédiger, archiver. Je me suis rendu compte de la quantité d’œuvres créées, je me suis entourée d’une équipe pour tout rassembler. »
Le site rassemble aujourd’hui des centaines d’artistes et plus de 28 000 œuvres. Peinture, musique, graffiti, vidéo, caricature... toutes les formes d’expression artistique et populaire produites pendant la révolution y sont répertoriées. Un travail d’archives exceptionnel dans un contexte de crise.
« Les listes ont été établies petit à petit. On était tous en train de fuir le régime. Il y avait une atmosphère de méfiance et de peur. On travaillait anonymement. Beaucoup d’artistes étaient anonymes aussi. On retrouvait leurs œuvres sur des blogs ou des pages Facebook. On a enregistré des copies de tout ce qu’on a trouvé pour les archives », explique Sana Yazigi.
« Petit à petit, quand je suis sortie de l’anonymat, j’ai pris contact avec les artistes. La plupart sont très heureux que le projet existe. Aujourd’hui encore, on découvre de nouvelles pièces qui n’avaient pas été rendues publiques par peur. »
Mémoire vivante
En plus du site internet, un livre a été publié et une exposition mobile a été mise en place. L’ouvrage Chroniques de la révolte syrienne, des lieux et des hommes, 2011-2015 se présente sous forme de répertoire alphabétique retraçant des faits propres à cinquante villes, villages et quartiers qui ont marqué l’histoire de la révolution syrienne depuis 2011.
Chaque texte est accompagné d’œuvres réalisées par des artistes provenant des lieux en question. Les chroniques reviennent sur le début du mouvement de révolte, ses vecteurs de mobilisation et ses dynamiques internes.
D’autres projets autour du site continuent de voir le jour, la plateforme ne cesse d’évoluer. Comme à travers la « Carte », qui relie les archives à leurs emplacements géographiques dans toute la Syrie, mais aussi aux dates, catégories, mots-clés ou auteurs.
L’expérience 2.0 offre un véritable voyage au cours duquel les lecteurs peuvent facilement découvrir les Syriens, leurs paroles, leurs rêves et leurs espoirs, mais aussi leurs souffrances et leurs tragédies.
Il en est ainsi du projet « Les murs d’Idleb », où tous les graffitis de la ville de Saraqeb ont été archivés. Plus de 360 œuvres seront présentées dans une chronologie qui sera mise à jour régulièrement.
Collecter les œuvres sous toutes leurs formes, telle est la mission de Sana Yazigi. « À terme, on aimerait intégrer les archives nationales car, après la guerre, la révolution doit faire partie de l’histoire de la Syrie, ces archives appartiennent à la mémoire collective. »
« La révolution a fait naître un changement social et historique clair. »
Illustrations issues de La Mémoire créative de la révolution syrienne, reproduites avec l’aimable autorisation de Sana Yazigi.
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