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« Tuer des Arabes est un devoir religieux » : l’avenir d’Israël entre les mains de la jeunesse de droite

Comment votera la jeunesse israélienne lors des élections nationales de ce mardi ? Reportage sur un marché de Jérusalem-Ouest, où de jeunes Israéliens expliquent à MEE pourquoi ils détestent la gauche et considèrent Netanyahou comme un « centriste faible »
Moshe Feiglin, dirigeant de Zehout, un parti religieux ultranationaliste, salue la population tandis qu’il fait campagne avant les élections sur le marché de Mahane Yehuda à Jérusalem (Reuters)
Par Daniel Hilton à JÉRUSALEM et Lubna Masarwa

Le marché de Mahane Yehuda est en pleine effervescence. Nous sommes vendredi, jour de shabbat et des Israéliens de tout le pays viennent ici pour faire leurs provisions pour le weekend et admirer les attractions et les odeurs des ruelles couvertes. 

À un étal, un homme avec un tapis de yoga sous le bras inspecte des tomates. À côté de lui, un autre porte un fusil d’assaut.

Des centaines de jeunes fréquentent ce marché couvert des années 1920, l’un des lieux de rencontre les plus populaires de Jérusalem-Ouest. Ils boivent de la bière, sirotent des cappuccinos et bavardent.

Et à quelques jours des élections législatives dans le pays, les politiciens sont là pour les rencontrer.

Arrivé dans un vacarme de musique médiocre, le ministre des Affaires étrangères, Yisrael Katz, visite les étals, serre la main des passants et leur propose des selfies.

Juste derrière lui se trouve Gilad Erdan, ministre de la Sécurité et de l’Information. Comme Katz, il appartient au Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou et tente d’obtenir des soutiens pour le parti avant les élections de ce mardi.

Il ne devrait pas rencontrer trop de difficultés. Le marché de Mahane Yehuda, également connu sous le nom de « shouk », est le genre d’endroit où les épiceries ont des photos grand format de Menahem Begin, l’ancien Premier ministre de droite, accrochées au mur.

Et quand il s’agit de la jeunesse israélienne, le Likoud a une longueur d’avance.

Un nouveau sondage publié la semaine dernière montre que les jeunes Israéliens sont bien plus susceptibles de voter pour Netanyahou que pour son rival centriste, Benny Gantz. Dans la tranche d’âge des 18–24 ans, le Premier ministre bat l’ex-chef de l’armée de près de 50 points.

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Lorsqu’ils rencontrent et saluent leur jeune électorat, le défi pour Katz et Erdan consiste à les convaincre que le Likoud, qui a supervisé le gouvernement le plus à droite de l’histoire israélienne, est suffisamment à droite.

« Le Likoud est à droite, mais pas assez », déclare Tamar Rate-Etzyon, colon, architecte paysagiste et archéologue de 29 ans, à Middle East Eye.

« Le Likoud est à droite, mais pas assez »

- Tamar Rate-Etzyon, 29 ans

La jeune femme, qui vit dans une colonie israélienne illégale en Cisjordanie occupée, indique qu’elle votera pour l’Union des partis de droite, un ensemble de factions marginales regroupant de manière controversée les partisans du suprémaciste juif Meir Kahane, qui souhaitait débarrasser Israël des Arabes.

La Cour suprême a empêché un Kahaniste, Michael Ben-Ari, de se présenter aux élections, pour « appel à une renonciation violente aux droits de la population arabe » et « incitation au racisme ».

Un autre, Itamar Ben Gvir, a réchappé à un contrôle judiciaire et déambule dans le marché de Mahane Yehuda entouré d’adolescents distribuant des tracts appelant à la fin du « pouvoir de la Cour suprême » tout en brandissant des drapeaux.

« Ils sont comme moi et ils sont fidèles à leurs électeurs », estime Tamar Rate-Etzyon. « Je suis croyante et j’ai foi en mes convictions. Je ne vais pas me mentir et voter pour quelqu’un d’autre juste pour ne pas être qualifiée d’extrémiste »

L'ennemi à gauche

Ailleurs, deux garçons de 17 ans arborent les portraits de Ben-Ari et Ben Gvir sur leur t-shirt.

Les deux adolescents, originaires de la colonie d’Eli près de Naplouse en Cisjordanie, ne sont pas en âge de voter. Mais s’ils l’étaient, ils voteraient pour le Likoud, malgré leur tenue et le fait que Netanyahou ne soit pas assez à droite à leur avis.

Tamar Rate-Etzyon, colon israélien, au marché de Mahane Yehuda de Jérusalem-Ouest (MEE)
Tamar Rate-Etzyon, colon israélien, au marché de Mahane Yehuda de Jérusalem-Ouest (MEE)

Bien que le scrutin de cette année arrive trop tôt pour les deux adolescents, ils s’engageront dans l’armée israélienne dans quelques mois à peine et les candidats vouant une répression violente aux Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza les inspirent.

« Nous devrions punir les Arabes pour qu’ils se tiennent bien », estime l’un d’eux. « Tuer des Arabes est un devoir religieux. »

Son ami pense que la paix avec les Palestiniens n’est tout simplement pas une option et que juifs et Arabes devraient être totalement séparés.

« Les Israéliens n’ont pas d’autre choix que de voter Likoud », affirme-t-il. « La chose la plus importante est de garder la gauche à distance. »

« Les Israéliens n’ont pas d’autre choix que de voter Likoud. La chose la plus importante est de garder la gauche à distance »

- Un Israélien de 17 ans

Bien sûr, tout le monde n’est pas ancré aussi à droite. Mais deux jeunes hommes à proximité avouent seulement du bout des lèvres qu’ils votent pour la coalition Bleu Blanc de centre-droit dirigée par Gantz.

Âgés de 26 ans, ils sont issus de l’enclave notoirement libérale de Tel Aviv. « C’est pourquoi nous parlons comme ça », explique l’un d’eux.

Quelques instants plus tard, le dédain des habitants de Jérusalem pour cette ville méditerranéenne est visible lorsqu’une dispute éclate dans la cohue qui entoure Katz et Erdan.

« Va te faire foutre gauchiste, retourne à Tel Aviv », crie quelqu’un à un photographe qui tente de capturer Erdan pointant du doigt un ultra-orthodoxe.

La réponse fuse : « Qui est-ce que tu qualifies de gauchiste ? C’est toi le gauchiste ! »

À contre-courant

De fait, « gauchiste » est devenu une insulte commune dans la société israélienne, alors qu’il s’agissait autrefois d’une étiquette portée fièrement par de nombreux dirigeants israéliens, explique à MEE la professeure Noa Lavi du Collège universitaire de Tel Aviv-Yaffo.

« Les dix dernières années ont vu beaucoup de propagande contre la gauche », poursuit-elle. « Être de gauche est désormais considéré comme une traîtrise. »

Gilad Erdan, ministre de la Sécurité et de l’Information, en campagne sur le marché de Mahane Yahuda à Jérusalem (MEE/Daniel Hilton)
Gilad Erdan, ministre de la Sécurité et de l’Information, en campagne sur le marché de Mahane Yahuda à Jérusalem (MEE/Daniel Hilton)

En 2016, Noa Lavi a publié une étude sur la jeunesse israélienne. Selon ses conclusions, celle-ci est plus à droite que la jeunesse d’Europe occidentale.

Après avoir mené une enquête auprès des Israéliens âgés de 18 à 29 ans et l’avoir comparée à une étude similaire réalisée en Europe, la chercheuse a constaté que seules la République tchèque et la Hongrie s’approchaient des résultats israéliens.

Noa Lavi note qu’aux États-Unis, les personnes nées entre 1995 et 2008, connues sous le nom de « Génération Z », montrent des signes d’appartenance à la population la plus libérale et la plus démocratique du pays. En Israël, c’est l’inverse.

« Cette tendance tient à de nombreuses raisons complexes », déclare-t-elle.

« Depuis une dizaine d’années, les jeunes Israéliens vivent sous un gouvernement très, très à droite. C’est tout ce qu’ils connaissent »

- Noa Lavi, universitaire

« Depuis une dizaine d’années, les jeunes Israéliens vivent sous un gouvernement très, très à droite. C’est tout ce qu’ils connaissent. »

« Pendant ce temps, l’éducation tend à être extrêmement sioniste mais n’encourage pas la pensée critique. Les médias et le service militaire jouent également un rôle important. »

La religiosité, ajoute Noa Lavi, est également un facteur contributif. Son étude a révélé que la jeunesse israélienne – juive comme palestinienne – est la deuxième la plus croyante en Europe occidentale, après la Pologne.

« La religion va de pair avec les opinions de droite », commente-t-elle.

Méfiance rampante

Le fait que les jeunes Israéliens soit majoritairement de droite ne signifie cependant pas qu’ils donneront tous leur voix à des partis comme le Likoud.

Arial, un soldat en repos âgé de 20 ans assis dans un café avec son arme à feu suspendue à son épaule, déclare en avoir assez des politiciens corrompus d’Israël.

Comment fonctionnent les élections israéliennes ?

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Les Israéliens se rendent aux urnes ce mardi 9 avril pour élire les membres de la Knesset, le Parlement israélien qui compte 120 sièges. Ce sera la deuxième élection en quatre ans à peine, suite à la convocation d’élections anticipées par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, embourbé dans des scandales de corruption.

Les électeurs voteront pour des partis et non pour des candidats individuels : plus un parti obtient de voix, plus il obtient de sièges à la Knesset.

Cliquez ici pour consulter les profils des partis et candidats.

Après les élections, le président israélien consultera les chefs de parti afin de déterminer la coalition la plus susceptible de former un gouvernement stable.

Le président nommera également le Premier ministre, qui est généralement le chef du parti qui a remporté le plus de sièges.

Netanyahou, en particulier, a été accusé de corruption, ce qui, pour de nombreux analystes, serait à l’origine de son appel à des élections anticipées.

« Encore et encore, rien de nouveau ne nous est donné », affirme le jeune homme originaire de Jérusalem, qui décrit ses opinions politiques comme étant « à droite ».

« Tous ceux qui ont été élus sont des menteurs. Tout ce qui les intéresse, c’est l’argent et le pouvoir, ils ne se soucient pas des citoyens. »

Selon un sondage réalisé par le Guttman Center de l’Institut israélien pour la démocratie, la confiance dans les élections est peu élevée. Plus du quart des répondants ont déclaré ne pas faire confiance à « l’intégrité » des élections.

Arial, pour sa part, ne votera pas.

« Peu importe qui est élu, ils sont tous pareils », estime-t-il. « Netanyahou est un centriste faible. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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