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Au Yémen, le choléra tue, mais c’est le coronavirus qui provoque l’hystérie

Si les maladies mortelles prolifèrent au Yémen depuis le début de la guerre, le coronavirus inquiète davantage en raison du manque d’informations à son sujet
Un professionnel de santé yéménite prépare un site de quarantaine à Sanaa (Reuters)
Par Correspondant de MEE à SANAA, Yémen

Bien qu’aucun cas de coronavirus n’ait été identifié au Yémen, la pandémie fait paniquer la population bien plus que les maladies mortelles qui prolifèrent dans le pays depuis le début de la guerre il y a cinq ans. 

Plus d’un millier de personnes ont été tuées et des centaines de milliers touchées par le choléra, la diphtérie, la rougeole et la dengue en 2019, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Talal Mohammed, médecin dans la ville côtière de Hodeïda, explique à Middle East Eye que l’éducation est un facteur clé pour le contrôle des maladies.

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« Il y a quotidiennement des morts parmi les civils à cause de diverses maladies à Hodeïda, cela tient principalement au fait qu’il n’y a aucune sensibilisation et que de nombreuses personnes sont démunies et incapables de nettoyer leur maison », poursuit-il.

Il estime que les Yéménites se sont tellement habitués à ces maladies qu’ils ne les craignent plus, mais qu’en revanche beaucoup dans les régions rurales craignent le coronavirus car ils ont peu d’informations à son sujet.

La panique observable actuellement dans des pays aux systèmes de santé plus développés a également contribué à l’hystérie au Yémen, beaucoup craignant que le système sanitaire du pays, fracturé entre des gouvernements rivaux et à bout de souffle après cinq ans de guerre, ne soit pas capable de faire face. 

« Des pays développés tels que les États-Unis sont incapables de combattre le coronavirus, alors le Yémen sera une victime facile pour le coronavirus car le pays ne dispose pas d’un bon système de santé ni d’une bonne gouvernance qui puisse aider », déclare Ahmed Aidarous, habitant de la ville de Ta’izz, dans le sud-ouest.

L’homme de 36 ans a survécu à la dengue mais est désormais persuadé que le coronavirus est une menace plus grave. Toutes les informations dont il dispose à propos du virus, il les a obtenues dans les médias. 

« Le test du coronavirus est cher et il n’est pas largement accessible au Yémen, donc je pense que les cas vont apparaître soudainement et que nous serons alors confrontés à un réel problème »

- Nasri Abdulaziz, pharmacien

« Au Yémen, il y a des maladies comme la dengue et le choléra, mais nous savons à quoi elles sont dues et nous pouvons être traités pour ces maladies », ajoute-t-il. « J’ai entendu dans les médias que le coronavirus se propageait par l’air et que nous ne pouvions pas nous en protéger. »

Il redoute que le gouvernement yéménite, qui ne contrôle que certaines régions du pays tandis que d’autres sont détenues par les rebelles houthis soutenus par l’Iran, ne soit pas en mesure de répondre efficacement à une crise. 

L’ONU estime que 19,7 millions de personnes au Yémen n’ont pas accès aux soins de santé de base et que seule la moitié des installations de santé du pays fonctionnent.

Une source au ministère de la Santé dans la capitale contrôlée par les Houthis, Sanaa, a également déclaré que le système de santé n’était pas prêt à affronter le coronavirus, bien que les autorités fassent de leur mieux pour préparer des espaces de quarantaine.

« Nous vivons en état de siège depuis 2015, nous ne pouvons pas importer de médicaments ou de matériel médical et de nombreux hôpitaux ont été endommagés », déclare-t-il à MEE.

« Nous tentons de nous coordonner avec l’ONU pour préparer un bâtiment de quarantaine et nous avons lancé une campagne de sensibilisation à propos du coronavirus. »

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À Sana et Aden, où est établi le gouvernement, les habitants ont acheté en masse des masques et du savon pour les mains. 

Les Houthis ont fermé les écoles dans les zones qu’ils contrôlent tandis que les vols de l’ONU vers Sana ont été suspendus. 

Nasri Abdulaziz, pharmacien, dit craindre qu’il y ait déjà des cas au Yémen mais que ceux-ci n’aient pas été identifiés. 

Il rapporte qu’il n’y a qu’un seul endroit à Sanaa où les gens peuvent être dépistés et que ses services sont réservés à ceux qui viennent de l’extérieur du pays et souffrent d’une grave fièvre. 

« Le test du coronavirus est cher et il n’est pas largement accessible au Yémen, donc je pense que les cas vont apparaître soudainement et que nous serons alors confrontés à un réel problème. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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