« C’était mon seul revenu » : au Liban, la détresse des chauffeurs de taxi face au confinement
Les rues de Beyrouth sont habituellement emplies du bruit assourdissant des klaxons des « services », à la recherche de clients. Les « services », ce sont ces taxis collectifs qui font office de transports en commun au Liban et dans d’autres pays de la région, dépourvus de transports publics.
Mais face à l’épidémie mondiale de coronavirus, le gouvernement libanais a pris des mesures drastiques pour en limiter la propagation. Parmi celles-ci, les restrictions de leurs déplacements, l’interdiction pour les taxis de prendre plusieurs passagers et l’instauration d’un couvre-feu de 19 heures à 5 heures.
Dans les rues désertes, le désespoir des taxis
Les chauffeurs de taxi subissaient déjà de plein fouet la crise économique qui ne cesse de s’aggraver au Liban depuis octobre 2019. La dévaluation de la livre libanaise et la diminution du nombre de clients due à la baisse du tourisme leur ont déjà fait perdre une part importante de leurs revenus cette année.
Ali Cheaito, chauffeur de taxi à Beyrouth, soupire. « Je louais ma voiture mais je ne peux plus, donc je n’ai pas travaillé depuis un mois. Je reste assis à la maison », confie-t-il à Middle East Eye.
Le taxi est dépendant des rythmes de la vie urbaine. Mais aujourd’hui, les rues désertes de la capitale tranchent avec les habituels embouteillages monstres qui caractérisent Beyrouth.
Depuis l’épidémie de coronavirus, de nombreux chauffeurs de taxi se retrouvent au chômage technique. C’est notamment le cas de Hagop Ishkhan, 60 ans, dont c’est le métier depuis huit ans. « J’ai dû arrêter de travailler. C’était mon seul revenu. Comme beaucoup, je suis maintenant dépendant de l’aide sociale », indique-t-il à MEE.
La plupart ne dispose pas de couverture sociale qui leur permettrait de faire face à cette période sans emploi. Pour cause, chauffeur de taxi est une profession très peu réglementée par l’État libanais. C’est pourtant lui qui, légalement, délivre les licences. Mais les fameuses plaques minéralogiques rouges font l’objet d’un trafic d’ampleur (20 000 licences seraient illégales).
Des élans de solidarité
Mardi 24 mars, un chauffeur de taxi a mis le feu à son véhicule à Beyrouth après s’être fait verbaliser par la police pour avoir cherché à exercer son métier malgré le confinement.
Traduction : « Un chauffeur de taxi a brûlé sa voiture ce matin dans le quartier de la cité sportive à Beyrouth pour protester contre la décision interdisant la présence de plus d’un passager dans les services. »
La vidéo de cet acte de désespoir a fait le tour des réseaux sociaux et a donné lieu à des initiatives de solidarité. Les pages du mouvement de contestation qui dure depuis maintenant près de six mois, comme « ThawraTV », relaient notamment ces actions de soutien. Ainsi, 1 250 paniers de nourriture ont été distribués à des chauffeurs dans le besoin.
Traduction : « Parce que les chauffeurs de taxis doivent sortir travailler pour subvenir à leurs besoins, aidez-les à leur permettre de se confiner en faisant des dons. »
Un taxi travaille habituellement entre huit et dix heures par jour, pour un salaire journalier d’environ 50 000 livres (soit 30 euros). Dans la situation actuelle, les chauffeurs de taxis sont obligés de multiplier les crédits, quitte à crouler sous les dettes.
« L’épicerie en bas de chez moi me fait des crédits, je prends de la nourriture, juste ce dont la maison a besoin. Mais ils ne peuvent pas me le faire éternellement, donc maintenant je suis dans une situation d’urgence, car comment je fais pour les payer ? », s’inquiète Ali Cheaito.
Depuis une dizaine de jours, dans les villes les plus pauvres, des Libanais dérogent au confinement pour crier leur colère face à une situation économique intenable. Par crainte d’une explosion sociale, le gouvernement a annoncé, mardi 31 mars, le déblocage d’une aide de 400 000 livres (245 euros) par foyer pour les plus démunis.
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