Pour la faune et la flore de Palestine, la pandémie de coronavirus est un « mal pour un bien »
La pandémie de coronavirus a entraîné l’immobilisation d’une grande partie du monde, alors que le bilan du virus ne cesse de s’alourdir et que les gouvernements du monde entier adoptent des mesures de plus en plus strictes pour endiguer la propagation de la maladie.
Mais quand Imad Atrash regarde par les fenêtres de son domicile en Cisjordanie occupée, il trouve un réconfort inattendu.
« Les oiseaux ont commencé à nicher sur les arbres dans mon jardin pour la première fois », déclare le directeur exécutif de la Palestine Wildlife Society à Bethléem. « En raison de la mise en quarantaine à domicile, nous avons commencé à remarquer la présence d’animaux sauvages tels que les renards et les chacals près des maisons des habitants, sans crainte. »
Après l’établissement dans certains cercles du lien entre l’épidémie de COVID-19 en Chine et des animaux sauvages tels que les chauves-souris et les pangolins, Pékin a imposé une « interdiction globale » du commerce et de la consommation de ces animaux. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également mis en garde contre les contacts avec les animaux sauvages en raison de la transmission potentielle du coronavirus ou d’autres maladies des animaux aux humains.
Dans les territoires palestiniens occupés, 480 cas de COVID-19 ont été officiellement enregistrés, ainsi que quatre décès dus à la maladie.
Les couvre-feux imposés par le gouvernement ont conduit des millions de personnes à rester confinées chez elles afin de ralentir la transmission du virus.
Mais pour Imad Atrash – et d’autres militants écologistes palestiniens – le confinement est également « un mal pour un bien », car la pandémie a entraîné des changements drastiques dans les relations des gens avec la nature.
Retour de la faune
Chaque printemps, de nombreux Palestiniens se rendent dans le désert et les montagnes des territoires occupés pour collecter des plantes sauvages comestibles et des œufs d’oiseaux ou pour chasser des animaux sauvages.
Mais cette année, les quarantaines et les restrictions de circulation ont mis fin à ces activités.
Imad Atrash espère que le confinement des humains aide en particulier à sauver la gazelle de montagne palestinienne.
Alors qu’on en dénombrait 1 500 en Cisjordanie occupée en 2000, il ne reste aujourd’hui que 300 à 350 gazelles, ce qui a conduit l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) à ajouter la gazelle palestinienne à la liste rouge des espèces menacées.
Toutefois, selon Said Ayman Abudahir, directeur général de l’éducation et de la sensibilisation à l’écologie auprès de l’Autorité palestinienne pour la qualité de l’environnement, « en raison de la quarantaine à domicile, le braconnage a considérablement diminué ».
Pendant ce temps, les plantes sauvages qui étaient sur le point de disparaître – les lois et les règlements d’application n’ayant pas réussi à les protéger des effets de la culture excessive – ont poussé librement et plus abondamment que par le passé.
« L’effet de la quarantaine à domicile a eu une influence positive sur les zones reculées et les parcs publics tels que la vallée de Wadi Qana, Ain Alsakout et la vallée du Jourdain en général », explique à MEE Saeed Abu Limon, militant écologiste palestinien de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.
Les tendances observées par les écologistes palestiniens correspondent aux observations mondiales sur l’impact écologique des réductions massives de l’activité humaine. Depuis le début de l’épidémie, les scientifiques ont enregistré une baisse significative des niveaux de pollution atmosphérique dans toutes les régions du monde confinées, y compris en Palestine.
Les émissions de monoxyde de carbone et de CO2 ont chuté de près de 50 % par rapport à l’année dernière, selon des chercheurs de l’Université Columbia.
Retour à la terre
L’industrie alimentaire locale a également tiré des avantages inattendus des décrets de distanciation sociale en Palestine.
En raison des politiques israéliennes qui privent les habitants de Cisjordanie de leurs terres depuis plusieurs décennies, des milliers de Palestiniens ont renoncé au fil des ans à cultiver leurs terres, se tournant plutôt vers d’autres emplois en Israël ou dans les colonies, notamment dans le secteur de la construction – et ce, au détriment de la sécurité alimentaire palestinienne.
Désormais, en raison de l’épidémie de coronavirus en Israël – où près de 15 000 cas et 193 décès ont été enregistrés – et des strictes restrictions en matière de circulation, des centaines de travailleurs palestiniens sont revenus gagner leur vie dans leur ville natale.
Certains ont saisi l’occasion pour retourner aux champs et produire des légumes – d’autant plus que la pandémie de coronavirus a suscité des craintes quant à son possible impact sur la sécurité et la production alimentaires.
Yousef Qadah est un travailleur palestinien du village de Shuqba, dans le centre de la Cisjordanie, qui travaillait dans le secteur de la construction en Israël. En raison de l’épidémie de coronavirus, il a quitté son emploi et a commencé à s’occuper de sa ferme dans sa ville natale, en plantant des amandiers et des oliviers, des aubergines, des tomates et des concombres.
« J’ai trouvé ma véritable voie dans l’agriculture et le fait de prendre soin de la terre », affirme-t-il à MEE. « Le fruit de ma terre a un goût différent, il est plus savoureux. »
Même les jeunes Palestiniens occupant d’autres emplois dans le territoire palestinien occupé se tournent de plus en plus vers le jardinage sur leurs terres ou dans leurs arrière-cours, à l’image de Murad Sartawi.
Sartawi, qui habite le village de Sarta, dans le gouvernorat de Salfit, possède un magasin de pièces détachées. Mais depuis la quarantaine et le couvre-feu, il investit plus de temps et d’énergie dans sa ferme et la plantation de légumes à récolter cet été.
« L’un des avantages de la quarantaine à domicile est que bien que je n’interagisse pas avec les gens, je reste dans mon exploitation à travailler, passant tout le temps à réhabiliter ma terre, sur laquelle je n’avais pas assez de temps pour travailler auparavant », explique-t-il à MEE.
Sartawi ajoute que bon nombre de ses proches et amis lui ont emboîté le pas.
Migrer des zones urbaines vers la campagne semble être un phénomène nouveau en Palestine dû au coronavirus.
Yara Dowani a décidé de quitter son domicile en ville et de déménager dans une ferme à la campagne après avoir entendu parler de la quarantaine et des restrictions de circulation.
« Nous préférons être enfermés dans notre ferme plutôt que dans nos appartements en ville », confie-t-elle à MEE.
Yara Dowani travaille à Om Sleiman, une exploitation agricole communautaire créée en 2016 par Mohammed Abu Jayyab, originaire de la bande de Gaza assiégée, et Muhab Alami, originaire de Jérusalem.
La ferme est construite sur des terres appartenant au village de Bilin, à l’ouest de Ramallah, et propose des produits frais biologiques aux clients abonnés qui viennent les chercher sur une base hebdomadaire.
« Pendant la quarantaine, nous sommes plus productifs et nous essayons de rendre l’exploitation plus adaptée à la vie quotidienne », rapporte Yara Dowani. « Malgré le manque d’électricité et d’eau chaude, nous nous concentrons sur le côté positif, c’est-à-dire le fait d’être plus connectés et de vivre pleinement ici, à la ferme. »
Mais alors que les écologistes palestiniens se réjouissent des conséquences positives de la pandémie, l’occupation israélienne demeure – et avec elle, les politiques visant à exproprier les Palestiniens.
Depuis l’émergence du coronavirus, les raids, arrestations, démolitions punitives de maisons et attaques de colons se poursuivent sans relâche.
Malgré cela, Yara Dowani reste persuadée que les efforts des Palestiniens pour maintenir des relations enrichissantes et bénéfiques avec leur environnement sont plus importants que jamais.
« En ces temps d’incertitude, nous pensons que, plus que jamais, les petites exploitations comme Om Sleiman devraient briller en tant que modèle économique durable qui n’est pas affecté par le système capitaliste et consumériste », déclare-t-elle.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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