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En Cisjordanie, les colons profitent du confinement lié au coronavirus pour annexer des terres palestiniennes

Alors que les attaques de colons sont monnaie courante, une nette augmentation des violences a été constatée depuis la proclamation de l’état d’urgence sanitaire
Des colons israéliens ont notamment tenté de rétablir un « avant-poste » dans le sud de la Cisjordanie (MEE/Akram Al-Waraa)
Par Akram al-Waara à BETHLÉEM, Cisjordanie occupée

En Cisjordanie occupée, les colons exploitent le confinement imposé pour ralentir la propagation du nouveau coronavirus afin d’annexer des terres palestiniennes et mener des attaques contre les civils et leurs maisons.

Au cours des derniers jours, au moins trois incidents ont été rapportés, au cours desquels des colons israéliens ont rasé des terres palestiniennes et pavé des routes dans les districts de Naplouse, Jérusalem et Bethléem.

« Les colons savent que les gens auront trop peur de venir nombreux et de protester contre ces tentatives, comme nous le faisions avant. C’est donc une situation idéale pour prendre le contrôle du territoire »

- Ghassan al-Najjar, activiste

Un pic d’attaques contre les Palestiniens et leurs biens a également été observé. Middle East Eye a documenté des violences dans les villages de Madama, Burqa et Burin.

« D’habitude, nous subissons des attaques de colons plusieurs fois par mois », explique à MEE Ghassan al-Najjar, un activiste de Burin, un village situé à 5 km au sud de Naplouse.

« Mais depuis que nous avons été mis sous confinement à cause du coronavirus, celles-ci ont décuplé », indique le trentenaire, ajoutant que les colons, sous la protection des soldats israéliens, font quotidiennement des raids dans le village désormais.

Il ajoute que des habitants de la colonie de Har Brakha ont tenté de s’emparer de terres palestiniennes à la périphérie du village.

« Les colons savent que les gens restent chez eux à cause du coronavirus, alors ils essaient d’en profiter pour nous attaquer et prendre plus de terres », déplore l’activiste.

Une nette augmentation des attaques

Alors que les attaques de colons en Cisjordanie sont monnaie courante, des militants de tout le territoire occupé ont signalé une nette augmentation des violences depuis la proclamation de l’état d’urgence sanitaire en raison de la pandémie de coronavirus début mars.

Au sud de la Cisjordanie, dans le district de Bethléem, centre de l’épidémie de coronavirus en Palestine, le militant Mahmoud Zawahreh, 48 ans, rapporte à MEE que les colons ont adopté des tactiques similaires ces derniers jours dans la commune de Khallet al-Nahleh.

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Les colons essaient de s’emparer d’une colline de ce village depuis 2013. Au fil des ans, raconte Zawahreh, les colons de la méga-colonie voisine d’Efrat ont tenté de rétablir l’« avant-poste » qui s’y trouvait après son démantèlement par les forces israéliennes.

« Une décision de justice a prouvé que les terres appartenaient à des Palestiniens et les tentes des colons ont été démontées », rappelle Zawahreh. « Jusqu’à récemment, ils n’avaient pas tenté de revenir ici. »

Au cours des derniers jours, les colons sont en effet revenus, cette fois avec davantage de tentes, de réservoirs d’eau et de générateurs électriques. Lundi dernier, ils ont commencé à paver un chemin de terre afin de créer un accès plus facile à l’avant-poste.

« La crise du coronavirus limite les déplacements des Palestiniens, en particulier autour de Bethléem, en raison de la quarantaine et du couvre-feu imposés par le gouvernement », explique Mahmoud Zawahreh.

« Les colons le savent et en profitent. Ils savent que les gens auront trop peur de venir nombreux et de protester contre ces tentatives, comme nous le faisions avant. C’est donc une situation idéale pour eux afin de prendre le contrôle du territoire. »

« Entre le marteau de l’occupation et l’enclume du coronavirus »

Alors que la pandémie de coronavirus ne montre aucun signe de ralentissement, les Palestiniens se disent contraints de choisir entre protéger leur santé et protéger leurs terres.

« À cause des colons et de l’occupation, nous ne pouvons pas suivre les directives fixées par l’Organisation mondiale de la santé ou notre propre gouvernement pour nous protéger du coronavirus », déclare Ghassan al-Najjar.

« Si nous restons chez nous, nous nous protégeons du virus, mais nous finissons par perdre nos terres. »

« Il est triste et frustrant pour nous, Palestiniens, de voir que pendant cette pandémie, l’humanité s’unit pour se défendre et se protéger mutuellement contre ce virus alors qu’ici, les colons font le contraire »

- Mahmoud Zawahreh, activiste

Cherchant à défendre le village tout en minimisant l’exposition des habitants les uns aux autres et aux colons, l’activiste et d’autres jeunes hommes de la région de Burin ont créé un petit groupe chargé de protéger les terres pendant le confinement.

« Habituellement, tout le village vient défendre les terres, mais maintenant, nous travaillons en petit nombre et faisons des roulements pour minimiser l’exposition potentielle », décrit-il. « C’est tout ce que nous pouvons vraiment faire pour l’instant. »

Depuis Khallet al-Nahleh, Mahmoud Zawahreh exhorte la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement israélien pour qu’il mette fin aux « crimes des colons » en Cisjordanie.

« Il est triste et frustrant pour nous, Palestiniens, de voir que pendant cette pandémie, l’humanité s’unit partout dans le monde pour se défendre et se protéger mutuellement contre ce virus alors qu’ici, les colons font le contraire. Ils exploitent le virus à leur avantage, pour nuire à l’humanité des autres et voler la terre des autres », dénonce-t-il.

« En Palestine, nous sommes coincés entre le marteau de l’occupation et l’enclume du coronavirus. »

Traduit de l’anglais (original).

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