Les ventes d’armes américaines à Riyad derrière le limogeage de l’inspecteur général du département d’État ?
À la demande du chef des Affaires étrangères américaines Mike Pompeo, le président des États-Unis a limogé vendredi soir Steve Linick, inspecteur général du département d’État, dont le rôle est de contrôler, en toute indépendance et avec toute latitude, l’exercice du pouvoir exécutif au sein de la diplomatie de la première puissance mondiale.
« J’ai le droit absolu en tant que président de mettre fin à ses fonctions », a déclaré Donald Trump en affichant sans détour sa volonté de se « débarrasser » des inspecteurs généraux nommés par son prédécesseur démocrate Barack Obama.
L’opposition démocrate a aussitôt dénoncé une « vengeance » politique et a ouvert une enquête parlementaire à la Chambre des représentants, qu’elle domine.
Car, d’après elle, l’inspecteur venait d’ouvrir une enquête sur des plaintes selon lesquelles le secrétaire d’État confiait des tâches domestiques à un agent du ministère payé avec l’argent du contribuable : sortir le chien des Pompeo, aller chercher leurs vêtements au pressing ou encore faire des réservations au restaurant pour des repas privés du couple.
Mais l’inspecteur s’intéressait aussi à d’autres aspects, plus politiques, du mandat du chef de la diplomatie américaine, a déclaré le président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Eliot Engel.
Traduction : « J’ai appris qu’il y a peut-être une autre raison au limogeage de l’inspecteur général Linick. Ses services enquêtaient – à ma demande – sur la déclaration d’urgence fallacieuse faite par Trump pour pouvoir envoyer des armes à l’Arabie saoudite. Nous n’avons pas encore le tableau complet, mais il est troublant de savoir que le secrétaire d’État Pompeo voulait se débarrasser de Linick. »
L’administration Trump avait en effet invoqué il y a un an « l’agression iranienne » pour vendre des armes à Riyad malgré l’absence de feu vert du Congrès américain, qui s’y opposait en raison de l’attitude de plus en plus critiquée du royaume saoudien.
Et c’est Mike Pompeo lui-même qui avait eu recours à une obscure procédure d’« urgence » pour débloquer 22 contrats d’armement en souffrance pour un montant total d’environ huit milliards de dollars.
« Abus de pouvoir »
La Chambre et le Sénat ont tous les deux adopté des résolutions pour bloquer ces ventes. Mais Trump, ardent promoteur des ventes d’armes aux États-Unis et des relations avec l’Arabie saoudite, leur a opposé leur veto, et il n’y avait pas assez de soutien au Sénat dirigé par les républicains pour passer outre.
Les parlementaires démocrates avaient dénoncé un tour de passe-passe « sans précédent » et « inacceptable », voire un « abus de pouvoir » et un « mépris total pour le Congrès ».
Mike Pompeo n’a pas hésité, pour rappel, à sabrer des centaines de millions de dollars d’aide américaine destinée aux Palestiniens, à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou encore à l’Afghanistan, en invoquant la nécessité de « bien dépenser » l’argent des contribuables.
Le ministre s’était déjà attiré quelques critiques pour avoir emmené, depuis début 2019, son épouse Susan Pompeo dans de nombreux voyages, alors qu’elle n’exerce aucune fonction officielle, obligeant des fonctionnaires et des agents de sécurité à s’occuper d’elle.
Mais cette polémique n’avait pas prospéré.
Mike Pompeo était en revanche sorti affaibli de l’affaire ukrainienne qui a valu une mise en accusation au président américain, finalement acquitté par le Sénat en début d’année.
S’il a conservé la confiance de Donald Trump, ce ténor du gouvernement a perdu celle de bon nombre des fonctionnaires de son ministère, choqués qu’il n’ait pas défendu les diplomates traînés dans la boue par les cercles trumpistes – voire par le président lui-même.
Après avoir dû faire profil bas pendant plusieurs semaines, Mike Pompeo est revenu récemment sur le devant de la scène pour mener l’offensive de l’administration Trump contre la Chine, accusée d’être « responsable » de la propagation du nouveau coronavirus.
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