EN IMAGES : « Le Liban n’a pas d’âge », un centenaire hors des clichés
« Ce pays n’a pas besoin d’un centenaire pour se grandir ou exister aux yeux du monde », explique Sylvie Andreu, coordinatrice de Le Liban n’a pas d’âge, 1920-2020, (éditions Bernard Chauveau), un ouvrage qui a mobilisé durant près d’une année une trentaine d’artistes, auteurs et photographes libanais, toutes générations et sensibilités confondues.
« En dépit de ces obstacles hors normes, cet ouvrage voit le jour, comme une urgence, pour témoigner de ce que ces artistes ont à dire du Liban. ‘‘Ce livre arrive au bon moment pour qu’on se rappelle de la beauté du Liban et de son peuple’’, comme nous l’a exprimé l’un d’eux au lendemain du 4 août », témoigne Sylvie Andreu en évoquant le jour où une explosion a détruit le port de Beyrouth, faisant plus de 190 morts et 6 500 blessés.
Les photographes participant à l’ouvrage « ont eu le choix difficile de sélectionner trois photos, d’hier et d’aujourd’hui, au plus près de leur réalité, vécue, retouchée, fantasmée et de décrire les circonstances dans lesquelles ils ont opéré ». (« Centre-ville, Beyrouth, 20 octobre 2019 », Elias Moubarak, Bernard Chauveau Édition)
Il y a d’abord les photos rassemblées durant plusieurs années par le collectionneur, auteur et commissaire d’expositions Georges Boustany. « La guerre, les exodes, les destructions, tout ceci a jeté à la rue des vies entières d’images, de documents, d’objets intimes, à tel point que l’on s’étonne de trouver dans les vieux cartons des pièces essentielles à la rédaction du roman national », écrit Boustany, auteur du texte d’ouverture de l’ouvrage. (« Une famille visite Raouché, à Beyrouth », photographe ambulant, mai 1971, collection Georges Boustany, Bernard Chauveau Édition)
L’ouvrage présente ensuite, grâce à un autre collectionneur, Tarek Nahas, un panorama historique et politique de la photographie libanaise. Il évoque cette nouvelle génération de photographes qui « questionnent des thématiques majeures au Liban et plus largement dans ce monde contemporain qui connaît des bouleversements radicaux », écrit Nahas.
« Ils ont en fait anticipé les bouleversements que connaît le Liban depuis le mois d’octobre 2019. Ce sont cette génération et cette société qui fascinent Myriam Boulos dans ses photographies qui soulignent la fragmentation et les contradictions présentes dans le pays. Elle donne la parole à une génération qui cherche à avoir l’opportunité de se construire un avenir. » (« De gauche à droite, Nour, Farah et Nour en train de manifester rue Azarieh, octobre 2019 », Myriam Boulos, Bernard Chauveau Édition)
« Partant du principe que tirer la langue est une des premières manifestations chez le nourrisson impuissant, ce projet interprète nos révolutions, où le peuple tire sa langue à ses dirigeants en guise de refus de l’autorité », écrit le photographe Gilbert Hage. (Photo du projet I Hated You Already Because of The Lies I Had Told You [je te détestais déjà à cause des mensonges que je t’avais racontés], 2011, Gilbert Hage, Bernard Chauveau Édition)
Pour le photographe Roy Dib, « nous sommes piégés dans un cycle sans fin, comme en apesanteur au-dessus d’une ville où il nous est impossible d’enterrer ceux que nous aimons. Au lieu de cela, nous répétons leurs funérailles la nuit précédant leur départ au combat ». (« Hésitation, série Revisiting Hesitation [revenir sur l’hésitation], 2018, Roy Dib, Bernard Chauveau Édition)
« En explorant les nuits beyrouthines, j’ai cherché le vrai Liban. À travers les brèches, au-delà du folklore et du superficiel, il y a celles et ceux qui ont vécu la guerre et qui, le temps d’une fête, laissent voir un bout de leur intériorité. Un moment où la résilience, les excès, les fuites et les abandons prennent corps… », raconte la photographe et vidéaste Cha Gonzalez, dont le projet phare s’intitule justement « Abandon », finaliste du Virginia Prize for women. (« 20 h 07, Hamra, août 2009 », Cha Gonzalez, Bernard Chauveau Édition)
« La Palestinienne Amneh al-Sharqawi est assise sur un lit dans la tente des disparus du centre-ville de Beyrouth et tient la photo de son fils, Ahmad. Il a été enlevé en 1986 dans sa maison par des membres de la milice libanaise. Il avait 21 ans, il était marié et sa femme attendait leur deuxième enfant. Sa mère l’a cherché au Liban et en Syrie, mais ne l’a jamais retrouvé. Le 13 juillet 2017, Amneh, qui n’a cessé de rechercher son fils, est décédée sans savoir ce qui lui était arrivé », témoigne la photographe Dalia Khamissy qui travaille notamment sur les disparitions forcées au Liban. (« Imm Ahmad », série The Missing of Lebanon [les disparus du Liban], 2010, Dalia Khamissy, Bernard Chauveau Édition)
« Underbelly est une installation photographique qui suit les pas d’un tueur en série imaginaire dans la ville de Beyrouth. Je me suis librement inspirée du roman policier 2666 de Roberto Bolaño, qui relate le meurtre de 112 femmes à Santa Teresa et l’enquête infructueuse de la police qui s’ensuit. Je m’aventure dans les banlieues de la ville, livrant un portrait de Beyrouth la nuit à travers la fiction de ces meurtres irrésolus. Les photographies, prises à la chambre, relatent des scènes où les corps des femmes inertes sont presque imperceptibles dans le théâtre de l’espace urbain nocturne. Par ce travail, j’utilise la photographie comme un geste performatif et transgressif d’exploration d’espaces limites », écrit Lara Tabet, médecin et artiste visuelle qui enquête, notamment, sur les traumatismes de la guerre au Liban. (Underbelly 1, 2017, Lara Tabet, Bernard Chauveau Édition)
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