L'État islamique publie une interview du pilote jordanien capturé
L'Etat islamique a publié lundi dans son magazine Dabiq une interview de Maaz Al-Kassasbeh, le pilote jordanien qu’il tient en captivité.
Dans un article intitulé « The Capture of a Crusader Pilot » [« La capture d'un pilote croisé »], Maaz Al-Kassasbeh est interrogé sur les armes employées et les opérations effectuées par les « Croisés » et les « forces aériennes apostâtes ».
« La planification des missions, la définition des cibles et la répartition des tâches sont menées depuis des bases américaines situées au Qatar », indique Maaz Al-Kassasbeh à l'intervieweur.
« Les missions confiées aux pays participants sont préparées la veille, et l'on informe les participants de leurs tâches à 4 heures le jour suivant. Les Américains utilisent des snipers aériens, des satellites, des espions et des drones qui décollent des pays du Golfe pour identifier et étudier les cibles. Nous recevons des cartes aériennes et des photos des cibles. »
Tout au long de cette interview, Maaz Al-Kassasbeh est appelé « Murtadd », ce qui signifie « apostat ». L'identité de l'intervieweur n'est pas précisée.
« Avez-vous rencontré les Croisés américains ? », demande l'intervieweur.
« Bien sûr », répond Maaz Al-Kassasbeh.
« Environ 200 Américains travaillent sur la base aérienne de Muwaffaq Al-Salti. Parmi eux, on dénombre seize pilotes américains, dont une femme. Les autres occupent des postes de techniciens, ingénieurs et autres postes techniques. Les Américains dînent parfois avec nous et mangent du ‘’mansaf’’ [une spécialité jordanienne à base de viande] qu'ils apprécient beaucoup. Ils ne mentionnent pas les détails des opérations pour des questions de confidentialité et de sécurité. »
L'intervieweur conclut l'entretien en demandant à Maaz Al-Kassasbeh : « Savez-vous ce que l'Etat islamique va faire de vous ? »
« Oui... Ils vont me tuer... », répond-il.
Maaz Al-Kassasbeh, un lieutenant de la Force aérienne royale jordanienne (RJAF) âgé de 26 ans, participait à un bombardement aérien près de la ville de Raqqa, considérée comme l'un des bastions de l'EI en Syrie, lorsque son avion s'est écrasé le 24 décembre.
L'EI prétend avoir abattu l'avion, qui avait perdu de l'altitude, à l'aide d'un missile à infrarouges. Maaz Al-Kassasbeh corrobore cette version dans son interview.
Cependant, des représentants américains contestent cette affirmation, indiquant que « les preuves montrent clairement que l'avion n'a pas été abattu [par l'EI] ».
Le magazine contient entre autres un article du journaliste britannique capturé, John Cantlie, intitulé « Meltdown » [« Débâcle »], qui retrace l'historique de l'effondrement financier international et aborde la question de la frappe par l'EI d'une nouvelle monnaie – un projet de longue date qui doit encore se concrétiser.
Cantlie y critique la croissance des « monnaies fiduciaires liées au dollar » et explique que la nouvelle monnaie de l’Etat islamique se composerait d'une gamme de dinars en or et de dirhams en argent. L’article cite sur un ton approbateur l’homme politique de droite américain Ron Paul et l'universitaire anarchiste David Graeber au sujet de l'inévitable effondrement de l'économie mondiale basée sur le dollar.
« De nombreuses banques centrales dénigrent bien sûr l'idée d'un retour à l'or ou à l'étalon-or au 21e siècle, prétendant qu'il s'agirait d'une véritable régression », écrit John Cantlie.
« Mais c'est le travail des grandes banques de dénigrer l'or, puisque si le monde revient à un système monétaire basé sur les métaux précieux, le contrôle qu'elles et les gouvernements exercent sur le pays et la situation financière de la population serait mis à mal. Ils n'auraient plus de travail. Il est impossible de manipuler la valeur de l'or. Elle répond aux exigences du marché. En revanche, la monnaie papier peut être trafiquée à l'envi. Et tout est prévu pour soutirer un maximum d'argent aux consommateurs moyens. »
John Cantlie est suspecté de s'être converti à l'islam et d'être devenu partisan de l'EI après avoir été capturé par des militants en Syrie en 2012. Depuis septembre 2014, il est apparu dans de nombreuses vidéos de propagande de l'EI où il explique calmement et avec éloquence la position de celui-ci, confirmant ou niant les rumeurs le concernant.
Le magazine critique également Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQAP) et rend hommage à Man Haron Monis, un partisan de l'EI responsable de la prise en otage de 17 personnes dans un café de Sydney en Australie à la mi-décembre, qui s’est soldée par deux morts.
Dabiq se décrit comme un « périodique spécialisé dans les questions du tawhid (unité), du manhaj (recherche de la vérité), de l'hijrah (migration), du jihad (guerre sainte) et du jama'ah (communauté) ».
L'EI est réputé pour ses campagnes médiatiques adroites et bien ficelées depuis qu'il a pris le contrôle de la ville de Mossoul en Irak en juin 2014. Les nombreux articles, vidéos et enregistrements publiés par le groupe sur des sites web et des plateformes de réseaux sociaux sensibles à sa cause constituent, selon les analystes, l'une des clés du recrutement de milliers de volontaires par le groupe à l'échelle internationale.
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