Alger-Bamako, nouveau front contre Emmanuel Macron
Paris fait preuve d’une « faillite mémorielle malheureusement intergénérationnelle chez un certain nombre d’acteurs de la vie politique française, parfois aux niveaux les plus élevés », a asséné le ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra, mardi 5 octobre, lors de sa visite à Bamako (Mali), en qualité d'envoyé spécial du président Abdelmadjid Tebboune.
Il répondait ainsi aux récentes déclarations du président français Emmanuel Macron sur les questions mémorielles et le système politique algérien, qui ont provoqué la colère d’Alger.
« Nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leur propre histoire […] Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, comportements et visions, intrinsèquement liés à la logique incohérente portée par la prétendue mission civilisatrice de l’Occident, la couverture idéologique du crime contre l’humanité qu’a été la colonisation de l’Algérie, du Mali et de tant de peuples africains », a ajouté Lamamra lors d’une déclaration à la télévision malienne.
Le chef de la diplomatie algérienne a rappelé en outre le soutien du Mali, dès son indépendance en 1960, au combat des Algériens contre la France coloniale en ouvrant ses frontières à l’Armée de libération nationale (ALN).
« Berceau de l’humanité, tombeau du colonialisme »
« En tant que pays africains fortement attachés à notre indépendance nationale, nous rappelons à qui veut nous entendre et entendre la voix de la raison que l’Afrique, qui est le berceau de l’humanité, est également le tombeau du colonialisme et du racisme », a insisté le ministre algérien.
« Dans les relations avec le partenaire français, il y a une logique de donner et de recevoir, il n’y a pas de cadeau, il n’y a pas d’offrande à sens unique […] Il y a des intérêts stratégiques et économiques bien compris, qui ne peuvent durer [...] et se consolider que dans le respect mutuel », a ajouté Lamamra qui, après la présidence algérienne et le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane, a donc réagi officiellement aux déclarations d’Emmanuel Macron.
Pour le chef de la diplomatie, « l’assainissement » de la relation bilatérale entre Alger et Paris doit obéir à un « respect mutuel inconditionnel, un respect de notre souveraineté, de notre indépendance de décision » et à « l’acceptation d’un partenariat sur une base de stricte égalité ».
Ces déclarations faites depuis Bamako coïncident avec un coup de froid dans les relations entre le Mali et la France. Car ce même mardi 6 octobre, les autorités maliennes ont convoqué l’ambassadeur français au Mali après les propos jugés « regrettables », « inamicaux et désobligeants » d’Emmanuel Macron.
« Abandon en plein vol »
Le jour même, le président français avait appelé, sur France Inter, à ce « que l’État revienne » au Mali. Avant cela, il avait qualifié de « honte » les accusations d’« abandon en plein vol » du Mali par la France portées par le Premier ministre de transition Choguel Kokalla Maïga à la tribune de l'ONU.
« La nouvelle situation née de la fin de l’opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires », avait déclaré Choguel Kokalla Maïga.
Au Sahel, où elle intervient militairement depuis 2013 contre les groupes islamistes armés, la France a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire avec une réduction de ses effectifs, d'ici à 2023, à 2 500–3 000 hommes, contre plus de 5 000 aujourd’hui.
Paris s’inquiète des informations indiquant que les autorités maliennes auraient envisagé de recourir à l’aide de la société privée paramilitaire russe Wagner.
Le 1er octobre, le ministre malien de la Défense, le colonel Sadio Camara, avait réceptionné quatre hélicoptères militaires fournis par la Russie, saluant « la fiabilité et le sérieux de ce partenaire qui nous a toujours donné satisfaction ».
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