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Syrie : une nouvelle loi contre la torture… mais l’impunité pour plus de dix ans de guerre

Le président syrien a promulgué une nouvelle loi criminalisant les actes de torture, mais les ONG et les opposants à Bachar al-Assad expriment leur scepticisme sur la sincérité de cette démarche
Presque 15 000 personnes ont été tuées en Syrie des suites d’actes de torture depuis le début de la guerre civile en 2011, dont quasiment la totalité a été infligée par les forces de Damas, selon le Réseau syrien pour les droits de l’homme (AFP/Fadel Senna)
Presque 15 000 personnes ont été tuées en Syrie des suites d’actes de torture depuis le début de la guerre civile en 2011, dont quasiment la totalité a été infligée par les forces de Damas, selon le Réseau syrien pour les droits de l’homme (AFP/Fadel Senna)
Par MEE

En mars, le Réseau syrien pour les droits de l’homme a publié un rapport faisant état d’un chiffre terrible : au moins 14 664 personnes ont été tuées en Syrie des suites d’actes de torture depuis le début de la guerre civile en 2011, dont quasiment la totalité a été infligée par les forces de Damas.

C’est dans ce contexte que le président Bachar al-Assad a promulgué, le 30 mars, une nouvelle loi criminalisation les actes de torture.

« Les peines sont graduées dans le texte de la loi selon la gravité du crime, atteignant la peine de mort si la torture a entraîné la mort d’une personne, ou si elle a été agressée par viol, alors que la peine est la prison à vie en cas de torture d’un enfant, ou bien d’une personne handicapée, ou si elle s’est soldée par une incapacité permanente », précise l’agence officielle Sana.

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Adoptée pour être en conformité avec la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que la Syrie a ratifiée en 2006, cette loi ne s’applique toutefois pas à la décennie qui vient de s’écouler, comme le souligne Amnesty International.

L’ONG précise par ailleurs que le texte « ne fournit pas de voies de recours aux victimes passées de la torture, ne prévoit aucune mesure de protection pour les témoins et victimes de torture, et ne précise pas si les victimes de torture ou, dans l’éventualité de leur mort, leur famille, recevraient une indemnisation ».

« L’adoption de cette loi par le régime syrien, malgré son implication dans la torture de centaines de milliers de détenus, soulève des questions sur ses objectifs cachés, qui sont loin de vouloir réellement ‘’criminaliser la torture’’ », affirme le site syrien d’opposition Enad Baladi.

Des poursuites en Europe

Pour être conforme au droit international relatif aux droits humains, la loi devrait, « dans un premier temps, garantir que les auteurs d’actes de torture et d’autres traitements cruels et inhumains soient traduits en justice, dans le cadre de procès équitables, devant des tribunaux civils et sans que la peine de mort ne soit requise », ajoute Amnesty International.

L’ONG demande à Damas de permettre en urgence à des observateurs indépendants de se rendre dans les centres de détention tristement célèbres du pays – où on recense depuis des années de nombreux décès résultant d’actes de torture –, à titre de première étape afin de faire la preuve d’une intention véritable de faire cesser le recours à la torture par des représentants de l’État.

En janvier, Anwar Raslan, 58 ans, un ancien colonel accusé de crimes contre l’humanité, a été condamné à la perpétuité en Allemagne. Il a été reconnu coupable de la mort de prisonniers et de la torture de milliers d’autres entre 2011 et 2012 (AFP/Thomas Frey)
En janvier, Anwar Raslan, 58 ans, un ancien colonel accusé de crimes contre l’humanité, a été condamné à la perpétuité en Allemagne. Il a été reconnu coupable de la mort de prisonniers et de la torture de milliers d’autres entre 2011 et 2012 (AFP/Thomas Frey)

Damas fait d’ailleurs l’objet de plusieurs actions en justice lancées en Europe. En janvier, Anwar Raslan, 58 ans, un ancien colonel accusé de crimes contre l’humanité, a été condamné à la perpétuité en Allemagne. Il a été reconnu coupable de la mort de prisonniers et de la torture de milliers d’autres entre 2011 et 2012, dans un centre de détention secret du pouvoir à Damas, qui faisait partie de ce que Human Rights Watch avait appelé, dans un rapport datant de 2012, « l’archipel de la torture ».

Ce procès, scindé en deux, s’était déjà conclu par la condamnation le 24 février 2021 d’un ex-membre des renseignements d’un grade subalterne à quatre ans et demi de prison pour « complicité de crimes contre l’humanité ».

Les plaintes de Syriens affirmant avoir été torturés dans les prisons syriennes se sont multipliées en Allemagne, qui applique le principe juridique de la « compétence universelle » permettant à un État de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient leur nationalité et l’endroit où ils ont été commis.

En septembre 2020, près de 27 000 photos inédites exfiltrées de Syrie par « César », un ex-photographe de la police militaire qui s’était enfui en 2013 avec 55 000 photographies de corps torturés dans les prisons du régime, ont été remises au parquet fédéral.

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En juin 2020, l’ONG allemande ECCHR annonçait que sept Syriens et Syriennes victimes ou témoins de viols et d’agressions sexuelles dans des centres de détention du régime avaient déposé plainte.

Cette plainte vise nommément neuf hauts responsables du gouvernement et des services de renseignement de l’armée de l’air. Parmi eux, un proche du président Assad, Jamil Hassan, ancien chef des services de renseignement de l’armée de l’air en poste jusqu’en 2019, qui fait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt international de l’Allemagne et de la France.

Fin juillet 2021, la justice a mis en accusation un ex-médecin syrien d’une prison militaire de Homs, poursuivi pour crimes contre l’humanité pour avoir torturé des détenus. Son procès s’est ouvert le 19 janvier à Francfort.

Un mécanisme international pour faciliter les enquêtes

Des plaintes ont aussi été déposées en Autriche, en Norvège ou en Suède, qui fut en 2017 le premier pays à condamner un ex-soldat du régime pour crime de guerre.

Toujours en Suède, quatre ONG ont porté plainte en avril 2021 contre le président Bachar al-Assad et plusieurs hauts responsables après deux attaques chimiques en 2013 et en 2017.

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En Espagne, la justice, n’ayant pas pu trouver de violation prima facie (avant d’avoir eu recours à la recherche de preuves) des droits fondamentaux des victimes, a rejeté une plainte déposée par une citoyenne d’origine syrienne contre neuf hauts responsables du régime pour la détention forcée, la torture et l’exécution présumées de son frère en 2013.

Enfin, un « mécanisme international chargé de faciliter les enquêtes sur les violations les plus graves du droit international » commises depuis mars 2011, mis sur pied fin 2016 par l’ONU, poursuit un travail de compilation de preuves pour faciliter d’éventuels jugements de leurs responsables.

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