Les défenseurs syriens des droits de l’homme demandent une enquête sur le massacre de Tadamon
Plus d’une dizaine d’importantes organisations de la société civile syrienne exhortent l’ambassadrice des États-Unis à l’ONU à ouvrir une enquête sur le massacre de 41 civils dans le quartier de Tadamon à Damas, en 2013.
« Nous vous écrivons pour exiger une action immédiate à propos de ce massacre, qui s’apparente à un crime de guerre, et demander à ses auteurs des comptes face au Conseil de sécurité de l’ONU », indique une lettre adressée à Linda Thomas-Greenfield.
Cette lettre a été publiée lundi par le Réseau syrien pour les droits de l’homme (SNHR).
Par ailleurs, ce groupe d’organisations appelle les États-Unis à organiser une session du Conseil de sécurité de l’ONU lors de sa présidence en mai et d’ouvrir une enquête indépendante sur cet incident.
« Il ne peut y avoir de paix en Syrie sans justice », stipule la lettre.
Cet appel survient près de deux semaines après la publication par The Guardian d’un article sur une vidéo qui a fuité et semble montrer des preuves de crimes commis par les forces syriennes contre des civils.
Ces images montrent des civils, les yeux bandés et menottés, à qui on ordonne de courir vers une fosse d’exécution située droit devant eux dans le quartier de Tadamon, l’une des banlieues sud de la capitale syrienne qui était à l’époque une ligne de front entre les forces du gouvernement et celles de l’opposition.
Cette vidéo semble montrer des agents de la tristement célèbre section 227 du renseignement militaire syrien sourire et même rire tandis qu’ils assassinent ces hommes avant de jeter de l’essence sur leurs cadavres dans la fosse et d’y mettre le feu pour faire disparaître les preuves.
« Absence de réaction de la communauté internationale »
Selon The Guardian, une recrue horrifiée a filmé cet incident brutal et a partagé la vidéo, datée du 16 avril 2013, avec un ami en France qui l’a transmise à Annsar Shahhoud et Uğur Ümit Üngör, chercheurs au centre d’études sur l’Holocauste et le génocide de l’Université d’Amsterdam.
« Jamais encore nous n’avions eu de preuves aussi évidentes de crime de guerre commis et filmé par les services de renseignement d’Assad en plein jour, de sang-froid, sans considération pour l’humanité des victimes ou souci des conséquences », précise cette lettre.
La publication de ces images a traumatisé de nombreux Syriens, certaines familles reconnaissant leurs proches exécutés dans la vidéo.
« Il est grand temps que la communauté internationale apprenne que l’impunité pour les graves atteintes aux droits de l’homme en Syrie a des répercussions considérables »
- Lettre d’organisations de la société civile syrienne
« De nombreux Syriens sont, à juste titre, indignés par l’absence de réaction de la communauté internationale face à une information aussi choquante, en particulier dans le contexte actuel où des crimes similaires sont commis par les forces russes en Ukraine », poursuit la lettre, en référence aux présumés crimes de guerre commis depuis que la Russie a envahi son voisin le 24 février.
« Il est grand temps que la communauté internationale apprenne que l’impunité pour les graves atteintes aux droits de l’homme en Syrie a des répercussions considérables qui s’étendent bien au-delà de ses frontières. »
La guerre en Syrie aurait tué près d’un demi-million de personnes et en a déplacé des millions d’autres depuis qu’elle a éclaté en 2011 par une répression brutale des manifestations antigouvernementales.
Les activistes syriens et organisations internationales de défense des droits de l’homme accusent le régime de Bachar al-Assad et ses alliés d’avoir commis des atrocités au cours du soulèvement devenu guerre civile.
En outre, la situation économique de la Syrie se dégrade rapidement. Dix années de guerre, de sanctions occidentales et la pandémie de covid ont dévasté l’économie syrienne, faisant basculer une grande partie de sa population dans la pauvreté alors que la valeur de la livre s’est effondrée.
Les dépenses du gouvernement ont été réduites de près de 40 % ces deux dernières années, et ces coupes budgétaires menacent un programme de soutien social vital.
La hausse du coût de la vie est accentuée par l’inflation des prix de l’alimentaire et de l’essence, conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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