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Maroc : appels au boycott commercial et sportif de la Tunisie

La crise politique qui a éclaté entre Rabat et Tunis a débordé dans la société civile marocaine
Caricature du dessinateur marocain Rik sur la crise entre le Maroc et la Tunisie (Twitter/@Leconomiste_)
Caricature du dessinateur marocain Rik sur la crise entre le Maroc et la Tunisie (Twitter/@Leconomiste_)
Par Correspondant de MEE à RABAT, Maroc

Entre le Maroc et la Tunisie, le climat reste très tendu. Après avoir rappelé en consultation son ambassadeur à Tunis, le 26 août, en réaction à l’accueil réservé par le président tunisien Kais Saied à Brahim Ghali, le chef du mouvement indépendantiste sahraoui Front Polisario, Rabat continue d’afficher son irritation par le biais de sa société civile.

Syndicats de journalistes, magistrats, avocats et même certaines fédérations sportives ont ainsi protesté contre l’initiative du président tunisien.

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Le Syndicat national de la presse indépendante (SNPM), une organisation officiellement indépendante mais très peu critique du régime, affirme avoir accueilli avec une « grande désapprobation » le comportement de la présidence tunisienne.

« Ce qu’a fait la présidence tunisienne constitue non seulement un acte hostile envers le Maroc mais accentue les tensions entre les pays du Grand Maghreb dans une conjoncture difficile, au moment où les nations saines d’esprit cherchent à consolider les politiques de bon voisinage régional, ce dont le Maroc a pris conscience en œuvrant sérieusement à réduire les tensions », lit-on dans son communiqué.

La Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMPJ), sorte de patronat de la presse, relève « une déclaration franche d’une position hostile » à l’intégralité territoriale du royaume.

En réponse à cela, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a mis en garde « contre le danger de l’instrumentalisation continue et explicite de cette affaire de la part de ces médias marocains et étrangers au profit de quelques agendas politiques ».

Rumeurs de révision de l’accord de libre-échange

Le mécontentement de la presse au Maroc est tel que certains médias sont allés jusqu’à publier des caricatures de Kais Saied et de certains symboles de la nation tunisienne.

Le360, un site d’information dit « semi-officiel » en raison de sa proximité avec le Palais royal, a dépeint le président tunisien en vieillard sénile, supposément sous l’emprise de l’appel au boycott lancé par la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC).

De son côté, Hespress, le site d’information arabophone le plus visité du pays, considère que Kais Saied a « enterré les espoirs d’une Union du Maghreb arabe.

Lundi 29 août, la FMDC a appelé au boycott de « tous les produits tunisiens » comme mesure de rétorsion face au comportement « irréfléchi » de Kais Saied, annonçant le gel de toute forme d’activité et de relations avec les institutions tunisiennes de protection des consommateurs.

Il s’agit d’un ralliement à la campagne virtuelle lancée sur les réseaux sociaux à travers les hashtag #boycott_tunisie et #مقاطعة_المنتجات_التونسية (boycott des produits tunisiens en arabe).

Rabat et Tunis sont liés depuis 1999 par un accord de libre-échange leur permettant d’importer et exporter certaines marchandises exonérées de droits de douanes.

Cet accord a déjà fait l’objet d’une polémique, en début d’année, lorsque le patronat tunisien a révélé l’intention du gouvernement marocain de réviser le texte en y excluant une liste de dix-huit catégories de produits.

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Il faut dire que la balance commerciale entre les deux pays penche clairement en faveur de la Tunisie, dont le volume d’export s’élève à quelque 220 millions de dollars contre 115 millions de dollars seulement d’exportations marocaines.

Les juges se sont également joints à la partie. L’Amicale hassania des magistrats a dénoncé dans un communiqué « les agissements irresponsables » du président Kais Saied, exprimant au passage son « soutien » à l’institution des magistrats en Tunisie après la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature par le chef de l’État, qui « l’a privée de son indépendance ».

La vague de boycott naissante au Maroc n’a pas épargné les sportifs. La fédération marocaine de judo a décidé de se retirer de deux compétitions (championnat arabe des clubs champions et championnat arabe des cadets) organisées en septembre à Tunis.

Elle a été suivie par la fédération locale de handball, qui a annoncé l’annulation de la participation de deux clubs à deux compétitions internationales (championnat arabe et Ligue des champions d’Afrique) qui se tiendront fin septembre dans la capitale tunisienne.

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